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Objet d’étude : Convaincre, persuader, délibérer.

Publié le 18/01/2020

Extrait du document

CORPUS

TEXTE A. Jean de La Bruyère, « De l’homme », n° 121, Les Caractères, 1688-1696.

TEXTE B. Victor Hugo, Choses vues, 1846.

TEXTE C. Jacques Prévert, « La Grasse Matinée », Paroles, 1946.

ÉCRITURE

I. Vous répondrez d’abord à la question suivante.

Question (4 points)

Montrez que les textes du corpus ont une visée commune mais qu’ils atteignent ce but par des voies différentes.

II. Vous traiterez ensuite l’un des sujets suivants.

1. Commentaire (16 points)

Vous commenterez le texte de La Bruyère (texte A).

2. Dissertation (16 points)

Dans quelle mesure la forme littéraire peut-elle rendre une argumentation plus efficace ?

Vous appuierez votre développement sur les textes du corpus, vos lectures personnelles et les œuvres étudiées en classe.

3. Invention (16 points)

À son arrivée à la Chambre des Pairs, le narrateur, sous le coup de l’émotion, prend la parole à la tribune pour faire part de son indignation et plaider pour plus de justice sociale.

Vous rédigerez ce discours.

III Une société à l'arrière-plan

On l’a vu, Gnathon n’est pas seul, son égoïsme s’épanouit en société, au milieu des autres. Il faut approfondir les relations complexes, implicitement présentes, qu’il entretient avec la société.

III-1 Portrait d'un homme riche...

Gnathon est inscrit dans la réalité sociale. Il appartient à la bourgeoisie aisée, vit certainement en ville. Il prend part à des repas abondants que seuls les gens riches peuvent s’offrir. Ce n’est peut-être pas lui qui reçoit et nourrit de nombreux convives. S’il est seulement l’invité, on conçoit mal qu’il soit un parent pauvre, simplement toléré à la table d’un riche. Si c’était le cas, il y a fort à parier qu’il ne pourrait pas montrer impunément tant de sans-gêne.

Bourgeois aisé, Gnathon se déplace en carrosse et voyage, assez longtemps et assez loin pour faire halte dans plusieurs hôtelleries. Enfin il dispose de valets. Mais cet homme riche n’a aucune éducation. Sa grossièreté laisse deviner le parvenu arrogant.

III-2 ...déplacé dans une société courtoise

Gnathon est tout le contraire de l’honnête homme, qui excelle à vivre en société, brille par sa courtoisie, son amabilité, sa conversation mesurée. Lui n’ouvre la bouche que pour manger. Égoïste, il ne cherche pas à plaire, ne se met pas en valeur, ne se vante pas. Il est complètement indifférent à l’image qu’il peut laisser. Dans une société polie, cultivant l’art du paraître (dans le vêtement et le parler), Gnathon est déplacé, incongru. Une présence à la fois bruyante et muette. Ne ménageant pas le regard d’autrui, il n’a pas non plus d’amour-propre, aucun souci de son corps. Ainsi il ne s’essuie pas la bouche pendant le repas (« le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe »).

La problématique du corpus

Il arrive que la problématique du corpus se perçoive dès la première lecture; c'est le cas par exemple du corpus 2 (États-Unis, 2007, voir p. 53). Ici, vous serez sans doute surpris au départ par la présence du texte de La Bruyère qui fait le portrait d'un homme riche et indifférent aux autres. Les deux autres textes ont une perspective commune manifeste : il y est question de la misère et de la violence que celle-ci peut engendrer. Le dénominateur commun des trois textes ne saurait être une dénonciation de la pauvreté, car il n'en est pas question dans le premier texte. On approfondira la lecture en examinant les relations que les personnages entretiennent avec les autres. Gnathon affiche une indifférence absolue que l'on retrouve dans les deux autres textes, où misère et abondance se font face. C'est face à la femme riche et heureuse et dans le miroir de la vitrine que la souffrance du mendiant et de l’homme qui a faim prend tout son sens et toute sa force. La problématique du corpus se situe donc dans cette faille qui empêche toute communication avec les autres, dans l'indifférence et dans l'égoïsme des nantis.

« Sujets du bac 2007 TEXTE A Jean de La Bruyère,« De l'homme», Les Caractères, 1688-1696 Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient point.

Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie; il se rend maître du plat, et fait son propre 1 de chaque service: s il ne s'attache à aucun des mets, qu'il n'ait achevé d'essayer de tous; il voudrait pouvoir les savourer tous, tout à la fois.

Il ne se sert à table que de ses mains ; il manie les viandes 2, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes.

Il ne leur épargne aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d'ôter l'appétit aux plus affamés; 10 le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe; s'il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe; on le suit à trace.

Il mange haut 3 et avec grand bruit ; il roule les yeux en mangeant ; la table est pour lui un râtelier" ; il écure 5 ses dents, et il continue à manger.

Il se fait, quelque part où il se trouve, une manière d'établissement 6, et ne souffre pas 1s d'être plus pressé 7 au sermon ou au théâtre que dans sa chambre.

Il n'y a dans un carrosse que les places du fond qui lui conviennent; dans toute autre, si on veut l'en croire, il pâlit et tombe en faiblesse.

S'il fait un voyage avec plusieurs, il les prévient 8 dans les hôtelleries, et il sait toujours se conserver dans la meilleure chambre le meilleur lit.

Il tourne tout à son usage; ses valets, ceux d'autrui, courent 20 dans le même temps pour son service.

Tout ce qu'il trouve sous sa main lui est propre, hardes 9, équipages 10.

Il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion 11 et sa bile, ne pleure point la mort des autres, n'appréhende que la sienne, qu'il rachèterait volontiers de l'extinction du genre humain.

1.

son propre: sa propriété.

2.

viandes: se dit pour toute espèce de nourriture.

3.

manger haut: manger bruyamment, en se faisant remarquer.

4.

râtelier: assemblage de barreaux contenant le fourrage du bétail.

5.

écurer: se curer.

6.

une manière d'établissement: il fait comme s'il était chez lui.

7.

pressé: serré dans la foule.

8.

prévenir: devancer.

9.

hardes: bagages.

10.

équipage: tout ce qui est nécessaire pour voyager (chevaux, carrosses, habits, etc.).

11.

réplétion: surcharge d'aliments dans l'appareil digestif.

34. »

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