Notre Vie - Paul Eluard - Commentaire
Publié le 11/01/2014
Extrait du document
«
N.B.
: « comment » signifie « par quels procédés stylistiques », à savoir : registre(s)
choisi(s), champs lexicaux, pronoms personnels, valeur des temps, figures de style, rythme,
sonorités, syntaxe…
Registre lyrique et élégiaque étudié en I,2.
Plusieurs termes soulignent la souffrance physique ressentie par Eluard.
Cf.
: « …plus dure/ Que la soif et la faim » vers 11-12, « corps épuisé » vers 12, sensation de la
mort qui envahit son propre corps (vers 5 et 10)
opposition des champs lexicaux de la vie et de la mort, da l’aurore lumineuse et de la
nuit.
Relevé des termes de ces 2 champs lexicaux : fait apparaître la mort , assimilée à un monstre
tout-puissant par la personnification du vers 3, comme victorieuse : à partir du vers 8 (noter
rupture soulignée par le « Mais la mort a rompu l’équilibre du temps »), le champ lexical de la vie,
jusqu’alors en parallèle avec celui de la mort, laisse place à ce dernier.
Omniprésence de la mort soulignée aussi par l’anaphore du mot « mort » aux vers 9 et 10, le
parallélisme de construction et les allitérations en [m], [k] et en[v] du vers 9.
Certaines antithèses expriment particulièrement bien la douleur d’Eluard :
vers 2 et 4/ vers 5 : antithèse entre le bonheur passé et le sentiment de perte qui est tel que le poète
a l’impression d’être mort aussi.
Antithèse soulignée par la reprise de « en moi » aux vers 4 et 5.
jeu des pronoms personnels et des temps.
En parallèle, le « nous » et le « tu » disparaissent aussi à partir du vers 8, de même que les temps du
passé.
Le texte est ensuite écrit à la 1 ère
personne du singulier et au présent (valeur : présent
d’énonciation), soulignant le sentiment d’ensevelissement dans une solitude douloureuse.
A noter, 2 vers au passé composé, qui indique qu’une action passée fait sentir le résultat de l’action
dans le présent : « la terre a refermé son poing » + « la mort a rompu l’équilibre du temps ».
Incohérence apparente du vers 11 : comme si Eluard, hanté par la défunte, en perdait la
logique du discours.
Cf : antithèses « visible »/ « invisible » + suite de mots dont la logique reste obscure.
(rythme
d’ailleurs saccadé dans le premier hémistiche du vers 11 + syntaxe disloquée du vers 11 à 15)
Polysémie qui donne davantage d’expressivité au vers selon les groupes syntaxiques qu’on y voit :
« morte visible » est-ce la Nush d’autrefois ou le corps de la défunte qui le hante ?
« Nush invisible » évoque-t-il son absence physique ou le corps désormais sans vie ?
« visible Nush » (qui serait mis en apposition à « morte » et invisible ») disparition.
De même, « masque d’aveugle » peut aussi bien évoquer les yeux morts de Nush, son
« masque de neige » ou la cécité volontaire d’Eluard refusant désormais d’ouvrir les
yeux sur un monde où Nush n’est plus.
Malgré tout, mètre = alexandrin + souvent césure à l’hémistiche respectée + nombreuses allitérations et
assonances Montre un réel travail sur le texte Douleur transcendée par la création poétique.
Ecrire
= non seulement moyen d’exprimer la douleur (écritrure-exutoire) mais aussi de la dépasser en créant
une œuvre d’art moyen de « rebondir ».
Ccl.
: Certes, Albert Cohen a sans doute raison - ou peut-être sommes-nous tous deux de grands
pessimistes… - lorsqu’il écrit dans Le Livre de ma mère : « Chaque homme est seul et tous se fichent
de tous et nos douleurs sont une île déserte.
»Cependant l’écriture d’un tel texte vient tenter de
dépasser quelque peu cette incommunicabilité de la douleur.
Le lecteur peut-il ne pas éprouver une
sincère compassion pour l’homme Eluard (ô vous frères humains », écrivait d’ailleurs le même Albert
Cohen, reprenant le vers de François Villon…).
»
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