Neuf versions théâtrales du mythe de Don Juan
Publié le 05/08/2014
Extrait du document
De Tirso de Molina à Max Frisch, innombrables sont les auteurs
qui se sont penchés sur le mythe de Don Juan. Il n'est
évidemment pas question ici de procéder à une analyse
suivie des quelque deux cents ouvrages qui traitent ce
thème. Mais il a semblé utile, en partant de neuf oeuvres
théâtrales significatives prises sur toute l'étendue de la
littérature mondiale, d'en montrer les différentes interprétations,
en dégageant les traitements de trois aspects essentiels
: le comportement amoureux, le comportement social
et le comportement religieux. Ainsi le Dom Juan de Molière
pourra-t-il être situé dans un contexte plus large.
Les pièces sur lesquelles le choix s'est arrêté sont les
suivantes : Tirso de Molina, le Trompeur de Séville, comédie,
1624; Dorimond, le Festin de pierre ou l'athée foudroyé,
tragi-comédie, 1658; Villiers, le Festin de pierre ou le fils
criminel, tragi-comédie, 1659; Rosimon, le Nouveau festin
de pierre, tragi-comédie 1669; Mozart, Don Juan, opéra
bouffe, dans la version de Lorenzo da Ponte, 1787; Pouchkine,
/'Invité de pierre, poème dramatique, 1830; Alexandre
Dumas, Don Juan de Manara ou la chute d'un ange, mystère
en cinq actes, 1836; Max Frisch, Don Juan ou l'amour de la
géométrie, comédie en cinq actes, 1953; Montherlant,
Don Juan, pièce en trois actes, 1958.
«
branches divergentes.
La Chronique de Séville a donné don
Juan Tenorio, celle de Grenade don Juan Albarren : les deux légendes sont fort proches, rapportant la mort du séducteur châtié, après avoir tué dans un duel le Commandeur Ulloa dont il avait enlevé la fille.
De passage dans un couvent de
Franciscains où se trouvait la tombe de sa victime, il aurait
été assassiné par
les moines qui auraient déguisé leur
meurtre, en prétendant qu'il avait été frappé par la foudre
divine.
La tradition populaire a fourni don Juan de Maiîara
qui, renonçant à sa vie de débauches, se serait converti et
aurait vécu une existence des plus édifiantes.
Les différences
apparaissant entre ces
interprétations ne sont, en fin de
compte, que secondaires.
Le personnage est toujours décrit
sous un jour identique.
Seuls changent les détails.
Les
variantes introduites au niveau du dénouement sont elles
mêmes anecdotiques : qu'importe que la fin soit marquée
par la conversion ou par le châtiment? De toute manière,
Dieu
triomphe par la mort physique ou morale de son
adversaire.
La parenté entre ces versions est d'autant plus
évidente que tous ces noms ne recouvrent peut-être qu'un seul et même homme: don Juan Tenorio y Salazar, deuxième comte de Maiîara, premier seigneur d' Albarren.
La conta
mination s'en étant par ailleurs mêlée, il est bien difficile de
les distinguer.
Le faux amendement de don Juan Tenorio de
Molière n'est-il pas dû à une interprétation parodique du
geste de Maiîara? Inversement, Alexandre Dumas, lorsqu'il
ne prête à don Juan Maiîara qu'une ébauche de conversion,
n'aurait-il pas été influencé par le séducteur moliéresque?
Il est indispensable aussi de relever une erreur commise
systématiquement en France, tout au cours du xv11 8 siècle,
dans le titre donné aux pièces construites autour du person
nage.
Une mauvaise traduction de Il Convitato di pietra,
œuvre de Cicognini qui inspira nos auteurs français, trans forme /'Invité de pierre, allusion à l'invitation lancée par don
Juan à la statue, en une formulation aberrante le Festin de
pierre, le terme « convitato » ayant été entendu comme
«repas», au lieu de «convié à un repas».
Quant à l'habitude
d'écrire Dom pour Don, elle est due à la confusion de la
particule espagnole avec celle qui s'appliquait à certains
religieux (les Bénédictins et les Chartreux notamment).
258.
»
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