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NERCIAT André Robert Andréa de : sa vie et son oeuvre

Publié le 25/11/2018

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NERCIAT André Robert Andréa de (1739-1800). Les romans de Nerciat sont aujourd’hui oubliés ou méprisés, alors que se multiplient analyses et commentaires autour de Crébillon, Laclos ou Sade : tous « grands » auteurs, peut-être en ce qu’ils s’accordent à soumettre le plaisir physique à la censure de l’esprit, de cette « tête » où s’articulent le désir et un système de valeurs, ou plutôt d’interdits dont la transgression redouble la jouissance. Le propos de Nerciat est sans doute plus spontané, et son érotisme ne dit rien d’autre que le plaisir des sens, une joie de vivre et d’aimer, un hédonisme tranquille inspiré des théories de D’Holbach ou La Mettrie. Et dans ces romans sans défi ni paroxysme, l’intrigue se dissout en « tableaux » lascifs où la fraternité des corps se substitue au choc des caractères.

 

Un aventurier de bonne compagnie

 

De longues pérégrinations à travers l’Europe comme soldat de fortune, agent secret ou simple amateur de littératures ou de spectacles nouveaux : voilà l’essentiel de la carrière, à vrai dire mal connue, du chevalier de Nerciat, si l’on ajoute la rencontre, peut-être importante, de deux hommes de lettres : le prince de Ligne, épicurien aimable et fortuné qu’il croise à Bruxelles vers 1776, et auquel il dédie ses médiocres Contes nouveaux, le marquis de Luchet, admirateur de Voltaire, et qui le fait nommer pour deux ans, autour de 1780, « sous-bibliothécaire » à la cour francophile et raffinée du landgrave de Hesse-Cassel. En 1864, l’éditeur Poulet-Malassis annonçait une correspondance « extraordi

 

naire » entre Nerciat et Beaumarchais, Restif de La Bretonne... Mais l’ouvrage n’a jamais vu le jour, et les documents rassemblés ont disparu.

 

La carrière littéraire de Nerciat commence en 1775 — il a trente-six ans — par une comédie, Doritnon ou le Marquis de Clairville, qu’il signe de son titre d’« ancien capitaine d’infanterie au service du Danemark ». Car ce romancier libertin est aussi, officiellement, un dramaturge; son œuvre, comme chez Sade, comporte deux faces, le théâtre, c’est-à-dire le paraître et les contraintes (formelles, morales) d’une société en représentation, que viennent dénoncer des romans libres dans leur forme et libertins dans leur contenu : la même année que Doritnon paraît le chef-d’œuvre de Nerciat, Félicia ou Mes fredaines, pourvu par la suite d’un médiocre appendice, Monrose ou le Libertin par fatalité. La Correspondance littéraire, destinée en particulier à l’information des cours allemandes, s’indigne contre Félicia, « catéchisme de libertinage et de corruption »; et pourtant, arrivé à Kassel, Nerciat offre son livre à la bibliothèque du landgrave... Provocation, goût de la plaisanterie? Son roman le Diable au corps (1786) sera signé par un prétendu « docteur Cazzoné », « membre extraordinaire de la joyeuse faculté phallo-coïto-pygo-glottonomique »!

 

Pour cet homme d’intrigues et d’alcôves, il faisait bon vivre sous l’Ancien Régime : les Aphrodites, « fragments thali-priapiques pour servir à l’histoire du plaisir », publiées en 1793, s’en prennent violemment aux Jacobins; le chevalier reprend ses errances de plus belle, s’engage dans l’« armée des Princes » et pousse jusqu’en Italie, où il meurt, après avoir été policier, prisonnier au château Saint-Ange et chambellan de la reine de Naples... Cette existence mouvementée fait songer à celle d’un autre « bibliothécaire » de ce temps, Casanova, adepte lui aussi d’un cosmopolitisme « libertin » où, dans l'Europe dite des Lumières, mais aussi des cours, des prisons et des coups d’épée, un aventurier de bon ton se prête à tous ceux qui peuvent, pour un moment, lui donner son plaisir.

 

Les divertissements du corps et de l'écrit

 

En apparence, les principaux ouvrages libertins de Nerciat annoncent le partage sadien entre le roman d’aventures et le roman-inventaire; Félicia avant Juliette, les Aphrodites avant (pendant?) les Cent Vingt Journées de Sodome : deux procédures parallèles qui organisent la répétition indéfinie d’une séquence fondamentale, le « tableau » érotique; l’unité du récit étant assurée par la permanence soit d’un même acteur, soit d’un même lieu. Mais ici, au niveau du tableau, éclatent les différences : pour « réussir » — pour conduire à l’orgasme —, les combinaisons libertines selon Nerciat doivent être fondées sur l'échange et la fraternité des jouissances. Félicia conclut ainsi le récit de ses voyages et de sa vie agitée :

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