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Nathanaël, je te parlerai des attentes. André Gide, Les Nourritures terrestres.

Publié le 08/04/2011

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J'ai vu la plaine après l'été, attendre ; attendre un peu de pluie. La poussière des routes était devenue trop légère et chaque souffle la soulevait. Ce n'était même plus un désir ; c'était une appréhension. La terre se gerçait de sécheresse comme pour plus d'accueil de l'eau. Les parfums des fleurs de la lande devenaient presque intolérables. Sous le soleil tout se pâmait. Nous allions chaque après-midi nous reposer sous la terrasse abrités un peu de l'extraordinaire éclat du jour. C'était le temps où les arbres à cônes, chargés de pollen, agitent aisément leurs branches pour répandre au loin leur fécondation. Le ciel s'était chargé d'orage et toute la nature attendait. L'instant était d'une solennité trop oppressante car tous les oiseaux s'étaient tus. Il monta de la terre un souffle si brûlant que l'on crut défaillir, et le pollen des conifères sortit comme une fumée d'or des branches. Puis il plut. J'ai vu le ciel frémir de l'attente de l'aube... J'ai vu l'attente de la nuit... Nathanaël, que chaque attente, en toi, ne soit même pas un désir — mais simplement une disposition à l'accueil —. Attends tout ce qui vient à toi... André Gide, Les Nourritures terrestres. SUJET Sous la forme d'un commentaire composé, vous étudierez en particulier comment se mêlent, dans cette page, révocation de la nature et l'expression d'un art de vivre sur lequel, dans votre conclusion, il ne vous est pas interdit de donner votre avis.

PLAN DÉTAILLÉ Introduction ■ Les Nourritures terrestres parues en 1897, livre fait pour « inquiéter «. ■ Suite au voyage en Afrique du Nord, chante avec lyrisme, comme dans cette page, les joies de la nature, du soleil, du désir. ■ Dédié à Nathanaël, ami imaginaire à qui Gide présente tout un art de vivre. Mais Gide ne veut pas se présenter comme un « éducateur « : à la fin du livre : « Et quand tu m'auras vu, jette ce livre — et sors «. La libération doit être individuelle. C'est pourquoi le « moralisme « s'efface ici devant l'évocation du paysage.

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« Ainsi la nature devient-elle symbolique de toute une émotion de vie, de tout un art de vivre. b) Eau/feu L'eau, objet du désir terrestre, devient le symbole du désir humain. Le « soleil », « l'éclat du jour », « la sécheresse » : caractéristiques de la volonté de Gide de vivre « en pleinelumière » dans une totale affirmation de soi. Mais aussi exprime la passion (active), l'exacerbation de la nature qui correspond à la souffrance de l'homme.

D'où «l'appréhension », « intolérables », « tout se pâmait », « défaillir ». Ce paysage si brûlant évoque l'Afrique du Nord où Gide se rendit en 1893 et qui fut pour lui l'occasion définitive desa « libération », certitude qu'il était fait pour goûter « les Nourritures terrestres ». c) L'apaisement : Veau Objet souhaité apparaît beaucoup moins que l'attente elle-même.

Ainsi répétition de « attendre », « un peu de pluie» contraste avec le temps fort.

De la même façon à la fin du premier paragraphe tendu dans l'attente, avec uneimpression de durée créée par les imparfaits, se termine brusquement avec le passé simple, procès achevé, du «Puis il plut ».

Pourquoi ce curieux effacement ? Parce que l'objet de l'attente compte moins que l'attente elle-même. Seconde partie : la disponibilité (de la nature et de l'homme). a) Préparation de la nature à l'accueil : poussée au paroxysme « la terre se gerçait de sécheresse comme pour plusd'accueil de l'eau ». Sorte de dénuement : « La poussière des routes était devenue trop légère et chaque souffle la soulevait.

» La terresemble perdre tout poids spécifique comme l'homme que rien n'attache.

Légèreté qui contraste avec l'oppression dece ciel d'orage : ainsi « les arbres à cônes, chargés de pollen, agitent aisément leurs branches ».

Tension quel'homme doit pleinement vivre, entre la violence des passions et la liberté du désir. b) C'est pour ménager cette liberté que Gide dépasse même la notion de désir pour lui substituer celle de la «disposition à l'accueil ».

L'objet importe peu, ni la « pluie », ni « l'aube » ; la possession surtout impliquée par le désirest condamnable pour l'auteur.

Savoir attendre sans s'attacher. c) Mais si les attentes doivent être multiples (remarquer le pluriel des « attentes » dans la première phrase), si ellesatteignent une souffrance fortement liée au plaisir, elles ne doivent en aucun cas être insatisfaites : la pluie vienttoujours, l'aube succède inévitablement à la nuit.

C'est pourquoi l'auteur conseille à Nathanaël « Attends tout ce quivient à toi ».

Ampleur de la proposition marquée par l'indéfini « tout », mais qui ne se perd pas dans l'irréel, dansl'irréalisable.

Alors seulement l'homme pourra jouir de ses sensations, du monde dans la « fumée d'or », « dansl'extraordinaire éclat du jour » et de la beauté. Conclusion Plaisir de vivre, à distinguer nettement de l'Epicurisme.

Savoir être ouvert à toutes les beautés de la nature et de lavie.

Mais la tension de l'accueil poussée au paroxysme ne doit pas rester en perpétuelle attente.

Il faut unesatisfaction qui ne tue pas la disponibilité. L'élève est invité à dire, dans la conclusion, ce qu'il pense de cet « art de vivre ».. »

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