Mythe et morale
Publié le 18/09/2018
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Chez Jocaste, le désir s'exprime par des gestes ou des propos dont elle ne mesure pas l'ambiguïté. Elle caresse le corps du jeune soldat en pensant à son fils disparu. Elle encourage même Tirésias à l'imiter : « Il est beau, Zizi, tâte ces biceps, on dirait du fer». Le caractère sexuel de ce geste n'échappe pas à l'autre soldat qui observe la scène. Avec son franc parler, celui-ci se moque d'abord de Jocaste (« La reine te pelote », ibid., p. 57), puis de la jeune recrue («Tu veux t'envoyer la reine?», ibid., p. 61).
Le désir incestueux de Jocaste se manifeste également quand elle fait l'éloge d'une union qu'elle connaîtra bientôt :
Les petits garçons disent tous : «Je veux devenir un homme pour me marier avec maman. » Ce n'est pas si bête, Tirésias. Est-il plus doux ménage, ménage plus doux et plus cruel, ménage plus fier de soi, que ce couple d'un filsetd'une mère jeune?
Dans ces phrases, Jocaste exprime un souhait inconscient.
La sensualité d'Œdipe se devine à travers un de ces rêves dont Freud dit qu'ils trahissent un désir caché. Le soir de sa nuit de noces, Œdipe s'endort aux côtés de Jocaste. En songe, il murmure : «ma petite mère chérie». Il se réveille soudain et s'excuse de ses paroles en racontant son rêve : «J'étais à mille lieues, auprès de ma mère qui trouve toujours que j'ai trop froid ou trop chaud » (ibid.). Il n'est cependant pas innocent qu'il songe à sa mère dans les bras de Jocaste.

«
Dans
La guer re de Troie n'aur a pas lieu, Hélène parle des
hom mes avec une liberté qu'on ne lui voit dans aucune
au tre œuv re.
«C'est agr éable de les frotter contre soi
comme de grands savons», dit-elle (GT, 1, 8, p.
91 ).
Et
l'é vocation par Olpidès et le Gabier des étreintes de Pâris
et d'Hélène est aussi précise que poéti que.
Ils mention
nent l'union physique, les mots d'amour , les gestes fami
liers des deux amants.
Tous les marins, en effet, ont pu
les observer d'un œil attentif :
[ ...
] nous étions tous ressortis du navire par les hubl ots,
et tous, cramponnés à la coque, nous regardions par-des
sous la lisse.
Le navire n'était qu'un instrument à voir
(GT; Il, 12, p.
150).
Cette précision a une importa nce symb olique : le couple
myth ique ne doit rien cacher de son intimité.
Sar tre nous renvoie à un asp ect moins courant de la
sexualité.
Il insis te, dans Les Mouches, sur les liens qu'en
tre tiennent le désir et la cruauté.
Le meur tre d'Agamemnon
a aiguis é l'appétit sexuel des habitants d'Argos.
Quand le
roi s'est mis à crier , «l a ville tout entière était comme une
femme en rut» (L M, 1, 1, p.
112) .
Jupiter dit même à une
passante : «T u as rudement bien dû faire l'amour cette
nu it-là » (ibid.
, p.
112).
Dans Électre, Giraudoux peint des sentiments inces
tueux.
L'héroïne, qui se dit la «v euve de [s) on père » (É , 1,
4, p.
42), imagine la man ière dont elle fut conçue.
«J'aime
comme il s'est dévêt u, de son beau vêtement de noces »,
dit- elle en parlant d'Agamemnon, «comme il s'est couché,
comme tout d'un coup pour m'engendr er il est sorti de
ses pensées et de son corps même » (É, 1, 8, p.
56).
Plus
tard, nous verrons Oreste et Électre dormir dans les bras
l'un de l'autre (É, 1, 12 et 13).
Sur ce point, Giraudoux va
même plus loin que le mythe antique : au cune version ne
fait état d'un inceste entre Électre et Oreste.
La part de l'inc onscient
Dans La Machine infernale, Cocteau se souvien t des
acquis de la psy chanaly se1 et montre le versant inconscient
1.
Vo ir chapitre 1, «O u'est-ce qu'un mythe ?», p.
21- 22, et cha
pitre 3, «L e mythe d'Œdipe », p.
35-36..
»
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