Musset, Lorenzaccio, Acte I, scène 1 - Extrait commenté
Publié le 10/01/2020
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Musset, Lorenzaccio, Acte I, scène 1.
Un jardin. - Clair de lune ; un pavillon dans le fond, un autre sur le devant. Entrent le Duc et Lorenzo, couverts de leurs manteaux ; Giomo, une lanterne à la main.
Le duc : Qu'elle se fasse attendre encore un quart d'heure, et je m'en vais. Il fait un froid de tous les diables.
Lorenzo : Patience, altesse, patience.
Le duc : Elle devait sortir de chez sa mère à minuit ; il est minuit, et elle ne vient pourtant pas. Lorenzo : Si elle ne vient pas, dites que je suis un sot, et que la vieille mère est une honnête femme. Le duc : Entrailles du pape ! avec tout cela je suis volé d'un millier de ducats !
Lorenzo : Nous n'avons avancé que moitié. Je réponds de la petite. Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour le connaisseur que la débauche à la mamelle ? Voir dans une enfant de quinze ans la rouée à venir ; étudier, ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d'ami, dans une caresse au menton - tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents - ; habituer doucement l'imagination qui se développe à donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l'effraye, à mépriser ce qui la protège ! Cela va plus vite qu'on ne pense ; le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci ! Tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse ! Tant de pudeur ! Une jeune chatte qui veut bien des confitures, mais qui ne veut pas se salir la patte. Proprette comme une Flamande ! La médiocrité bourgeoise en personne. D'ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n'a pas permis une éducation solide ; point de fond dans les principes ; rien qu'un léger vernis ; mais quel flot violent d'un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas ! Jamais arbuste en fleur n'a promis de fruits plus rares, jamais je n'ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de courtisanerie.
(commentaire composé de français)
«
I- Une scène d’exposition
La scène d'exposition doit lancer l'action et présenter les personnages et leur situation.
Cette
scène est un condensé du drame et en annonce déjà la plupart des thèmes
A- Le théâtre dans un fauteuil
• Musset n’a pas écrit cette pièce pour qu’elle soit représentée => à lire dans un fauteuil.
S’autorisera donc des changements de lieu, de nombreux personnages, etc.
• Musset => auteur romantique.
Du côté de Victor Hugo et des romantiques dans la bataille d’Hernani.
=> Lorenzaccio : héros romantique.
• Cette scène d’exposition témoigne de la volonté de Musset de ne pas écrire une pièce classique :
B- Les personnages
La pièce débute en pleine action avec des personnages principaux : Lorenzo et Alexandre.
• Le Duc, Lorenzo et Giomo => personnages (surtout le duc) importants.
• Duc : peu amoureux, seulement intéressé par les plaisirs.
Cf.
« et je m'en vais » ; « un froid de tous
les diables ».
Pas de passion.
Cynique ; bassesse du personnage => pas de passion.
Cf.
les calculs du
duc.
Référence à l’argent : « volé d'un millier de ducats ! ».
• Duc : puissant mais grossier => jure deux fois en ayant pris trois fois la parole « froid de tous les
diables ; Entrailles du pape ! ».
NB : jurons pas très catholiques.
• Personnages puissants qui profitent des plus pauvres «bonnes gens ; peu de fortune n'a pas permis
une éducation solide » => scène d’exposition qui présentent des personnages peu sympathiques.
B- Une pièce peu classique
• Lieu : « Un jardin.
- Clair de lune » => lieu romantique.
« Couverts de leurs manteaux » => intrigue, personnages masqués, nuit (> romantique).
• Le spectateur / lecteur comprend vite que ces personnages ne sont pas en train de faire de belles
actions… Cf.
personnages masculins masqués + présence d’une « elle » : « Qu'elle se fasse ; Elle
devait ; elle ne vient ; Si elle ne vient » + évocation de la mère => toute jeune fille, ce qui est confirmé
par Lorenzo.
=> Scène de débauche.
=> Le personnage éponyme est l’instigateur de la débauche.
II- Le rôle ambigu du héros éponyme :
Lorenzo => celui qui parle le plus dans l’extrait.
Au théâtre, celui qui parle le plus a souvent
le plus de poids, de force / domine.
A- L’instigateur de la débauche
• A tout prévu, tout organisé..
»
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