Morale et politique dans La Chute de CAmus
Publié le 14/08/2014
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Non-violence et morale de Croix-Rouge
Les Justes relatent peut-être une tragique histoire d'amour mais, en 1949, c'est à une autre dimension de la pièce que les spectateurs furent sensibles. Depuis la guerre, les questions politiques dominent la scène littéraire et intellectuelle française : toute oeuvre est immanquablement interprétée comme prise de position; qu'il le veuille ou non, chaque artiste se retrouve engagé.
L'oeuvre de Camus ne manque donc pas d'être lue et interprétée dans cette perspective essentielle : les questions qu'elle soulève seront celles que l'époque entend discuter.
La Peste, déjà, était une oeuvre engagée, la première que Camus ait signée. Une «politique du relatif« y était prônée qui invitait à lutter contre le mal où qu'il se manifeste. Dans la mesure où le roman se voulait représentation allégorique du combat de la Résistance, il n'y avait rien en lui, à première vue, qui puisse être critiqué ou contesté. On pouvait, cependant, s'interroger à juste titre sur la signification politique concrète de l'allégorie qui était présentée. Dans La Peste, le mal en effet est un fléau anonyme, une fatalité. Les hommes n'en portent pas la responsabilité. Donner à la perversité humaine le visage de la maladie ne revenait-il pas dès lors à esquiver le véritable problème?
On ne manqua pas d'adresser cette critique à Camus. Dans un important article publié par la revue Esprit en 1947, Bertrand d'Astorg écrivait :
« Au troisième anniversaire de la libération de Paris que nous célébrons aujourd'hui, je pense que Tarrou
n'aurait pas été alors sur les barricades, mais dans les équipes de la Croix-Rouge. Seulement, si tout le monde est en casque blanc ou le petit drapeau à la main, qui fera le coup de feu sur les barricades? La morale de la Croix-Rouge n'est valable que dans un monde où les violences faites à l'homme ne proviendraient que des éruptions, des inondations, des criquets... ou des rats. Et non des hommes. «
Refusant de cautionner la mort de qui que ce soit, Tarrou, dans La Peste, se soustrait à toute idéologie pour se placer résolument en marge de l'histoire. Camus ne nous inviterait-il pas subrepticement à déserter le champ de bataille ? La morale politique qu'il aurait à nous proposer ne serait-elle rien d'autre que la non-violence ?
La critique adressée à Camus est à la fois compréhensible et infondée. La métaphore placée au centre de La Peste ne permet pas, il est vrai, de traiter le problème du mal dans toutes ses dimensions et la question de la responsabilité humaine, si elle n'est pas entièrement absente du roman, n'est traitée que de manière indirecte. Il n'est pas juste, cependant, d'extrapoler à partir de là et de conclure que Camus ne nous invite qu'à l'inaction et à la passivité dans la tourmente de l'histoire.

«
n'aurait pas été alors sur les barricades, mais dans les
équipes de la Croix-Rouge.
Seulement, si tout le monde
est en casque blanc ou le petit drapeau à la main, qui
fera le coup de feu sur les barricades? La morale de la
Croix-Rouge n'est valable que dans un monde où les
violences faites à l'homme ne proviendraient que des
éruptions, des inondations, des criquets ...
ou des rats.
Et non des hommes.
»
Refusant de cautionner la mort de qui que ce soit,
Tarrou, dans
La Peste, se soustrait à toute idéologie
pour se placer résolument en marge de l'histoire.
Camus
ne nous inviterait-il pas subrepticement à déserter le
champ de bataille? La morale politique
qu'il aurait à
nous proposer ne serait-elle rien d'autre que
la non
violence?
La critique adressée à Camus est
à la fois compréhen
sible et infondée.
La métaphore placée au centre de
La
Peste ne permet pas, il est vrai, de traiter le problème du
mal dans toutes ses dimensions et la question de la res
ponsabilité humaine,
si elle n'est pas entièrement
absente du roman, n'est traitée que de manière indi
recte.
Il n'est pas juste, cependant, d'extrapoler à partir
de là et de conclure que Camus ne nous invite
qu'à
l'inaction et à la passivité dans la tourmente de l'his
toire.
Les Justes, si on les lit avec honnêteté, seront là pour
le prouver.
Avec la pièce, Camus choisit de traiter
frontalement la question que
le roman avait esquivée.
Les terroristes succèdent aux médecins, le crime rem
place la maladie, pour que soit enfin posée la question
de l'innocence et de la culpabilité des hommes.
Le malentendu, cependant, est né et
il persistera.
En
avril 1948, dans la revue
Caliban, Emmanuel d' Astier
de La Vigerie, proche des communistes, s'en prend à
Camus à l'occasion de la reprise de sa série d'articles
«Ni victimes ni bourreaux».
Il écrit à l'intention de
l'auteur de
La Peste: «Vous fuyez la politique, et vous
vous réfugiez dans la
morale.».
»
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