Montesquieu écrit à un ami en lui envoyant les Lettres Persanes. Il lui explique le dessein qu’il s’est proposé en écrivant ce livre, d’apparence frivole, et lui dit comment il a été ainsi amené à étudier des questions très intéressantes qui feront, il l'espère du moins, l'objet d'ouvrages plus sérieux qu'il publiera dans la suite.
Publié le 06/02/2016
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I. Les « Lettres Persanes »
1. Sont, je l’avoue, un livre d'apparence frivole : un roman par lettres : deux Persans à Paris écrivent à des amis leurs impressions sur tout ce qu’ils voient et entendent en France et reçoivent d’eux des nouvelles de la Perse et du sérail. Ils apprécient les choses autrement que nous, jugent avec plus de hardiesse, et l’on ne pourra en toute bonne foi m’attribuer leurs façons de voir un peu singulières. Cela est piquant, amusant, varié. Une lettre grave peut succéder à une autre qui l’est moins.
2. Je puis ainsi peindre assez librement la société, critiquer les institutions et les événements, considérer tout d’un point de vue nouveau. Nos préjugés ne pèsent évidemment pas lourd pour des Persans et ils voient nos ridicules avec des yeux neufs.
«
MONTESQUIEU
125
ill'espère du moins, l'objet d'ouvrages plus sérieux qu'il publiera
dans la suite.
ép
Oui, mon cher ami, les
Lettres Persanes,
sont bien de moi,
mais je vous prie de garder mon secret, car j'ai la maladie
de faire des livres, et d'en être honteux quand je les ai faits.
Je consens bien à livrer au public le fruit de mon travail,
mais non pas ma personne à la malignité des envieux.
Si on
savait qui je suis, on ne manqùerait pas de dire que mon livre
jure avec mon caractère et qu'il ne convient pas à la gravité
d'un magistrat.
On voudrait sans doute que j'aie toujours
mon mortier à la main ou sur la tête!...
Vous verrez, d'ailleurs,
quand vous aurez lu mon ouvrage, que je vous envoie, qu'il
n'est pas absolument indigne d'un homme
-
sérieux.
I.
Les « Lettres Persanes »
1.
Sont, je l'avoue,
un liore d'apparence jrieole
un roman
par lettres : deux Persans à Paris écrivent à des amis leurs
impressions sur tout ce qu'ils voient et entendent en France
et reçoivent d'eux des nouvelles de la Perse et du sérail.
Ils
apprécient les choses autrement que nous, jugent avec plus de
hardiesse, et l'on ne pourra en toute bonne foi m'attribuer
leurs façons de voir un peu singulières.
Cela est piquant,
amusant, Varié.
Une lettre grave peut succéder à une autre
qui l'est moins.
.
Je puis ainsi
peindre assez librement la société, critiquer
les institutions et les événements,
considérer tout d'un point
de vue nouveau.
Nos préjugés ne pèsent évidemment pas
lourd pour des Persans et ils voient nos ridicules avec des
yeux neufs.
(Citer quelques exemples parmi les
Lettres
que
l'on connaît'.)
II.
u Les Considérations » et « ('Esprit des lois ».
Il ne faut pas juger d'un ouvrage par la forme que l'auteur
lui a donnée.
On peut dire en badinant des choses très sérieuses.
J'aborde dans les
Lettres Persanes
quelques questions de droit
et de philosophie historique que j'ai l'intention de pousser
1.
Chevaillier et Audiat,
XViII' Siècle, p.
819
et
suiv..
»
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