Montaigne mourant et laissant après lui une révision inédite des Essais recommande, par lettre, sa mémoire et son oeuvre à sa fille Mlle de Gournay

« 118 LETTRES ET DISCOURS complète que possible.

Mes parents m'y verront au naturel, avec mes défauts et mes manies.

Je suis paresseux, égoïste, mais j'ai essayé de pratiquer la sagesse dans un siècle agité, j'ai su me tenir à l'écart de toute passion et de tout excès.

Je suis resté fidèle à ma religion et à mon roi.

III.

Je ne me donne, certes pas, comme un modèle ni un pro­ fesseur de morale.

Peut-être, cependant, trouvera-t-on dans mes Essais quelques leçons utiles.

On y apprendra.

au moins, à se mieux connaltre, car en me peignant, je peins tous les hommes : chaque homme porte en soi la forme entière de l'humaine condition.

Et puis j'ai tant lu, j'ai colleclionfté tant d'opinions curieuses, d'anecdotes intéressantes que mon livre est devenu comme le bréviaire de l'humaine sagesse, dites, si vous voulez, de l'humaine folie.

Enfin, quelle qu'en soit la valeur, je vous le confie, ma chère fille.

Ce sera, pour vous, c.omme mon testament et le dernier gage de mon affection.

Vous vous consolerez en le lisant de ne plus me voir, car vous m'y retrouverez tout entier et vous pourrez toujours, grâce à lui, converser avec moi : j'y ai mis le meilleur de moi-même.

tl. »