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Montaigne écrit dans ses Essais (III, 9) : « Le voyager me semble un exercice profitable. L'âme y a une continuelle exercitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles ; et je ne sache point meilleure école, comme j'ai dit souvent, à former la vie que de lui proposer incessamment la diversité de tant d'autres vies, fantaisies et usances, et lui faire goûter une si perpétuelle variété de formes de notre nature. Le corps n'y est ni oisif, ni travaillé, et cette modérée agitation l

Publié le 17/02/2011

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INTRODUCTION Le voyage constitue pour Montaigne l'étude du « grand livre du monde «, complément indispensable de l'éducation de « l'honnête homme «. C'est pourquoi il écrit dans le chapitre de la Vanité, l'un des derniers des Essais: « Le voyager me semble un exercice profitable.«

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« Les voyageurs « couverts et resserrés, d'une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagiond'un air inconnu » existent toujours : ils font le tour de la terre en avion et descendent uniquement aux hôtels «Hilton » qui leur offrent le confort britannique à travers le monde entier et les préservent de tout contact avec les «indigènes ».D'autres soi-disant voyageurs s'isolent de tout contact avec les pays qu'ils traversent en cherchant uniquement laplus grande vitesse mécanique possible sur les autoroutes où, de loin en loin, des appareils de distributionautomatique de vivres, ou des hôtels anonymes leur assurent une cuisine, un confort internationaux. 2° Les voyages « dirigés ».Moins absurdes, mais encore critiquables, selon Montaigne, seraient les voyages collectifs où, embrigadés sous lecontrôle d'un guide patenté, les clients d'une agence admirent sur commande, sont passivement gavés d'histoire etd'art.

C'est précisément cet enseignement autoritaire que Montaigne reprochait à la pédagogie de son temps. III.

LE VOYAGEUR HUMANISTE ET ACTIF AU XXe SIÈCLE Les leçons des anciens maîtres sont encore applicables de nos jours à condition de ne pas s'en tenir à la lettre, maisd'en saisir l'esprit : quelle serait l'attitude de Montaigne devant le monde tel qu'il est? a) Moyen de transport.Le voyage lent n'étant plus possible comme au xvie siècle, on devra évidemment se servir d'un véhicule rapide, pourse rendre dans la région à visiter.

Une fois arrivé là, le voyageur humaniste se déplacera à pied, ou avec un véhiculelent, en s'arrêtant fréquemment.

Car c'est l'esprit qui doit réagir, être ému, être en « exercitation ».

Aucune «mécanique », automobile ou photographique, ne doit se substituer à la pensée libre. b) Le monde à observer.1° Monuments anciens et modernes.La contemplation des richesses du passé est infiniment plus facile qu'au temps de Montaigne.

Nous supposons aussiqu'il n'hésiterait pas, de nos jours, à visiter des usines, barrages, et autres constructions modernes.2° L'homme.Les anciennes structures (provinces, pays, tribus, corporations) ayant disparu, le voyageur ne peut plus voir, engénéral, qu'un « folklore » artificiel, reconstitué pour le touriste.Montaigne ne trouverait donc plus ce qu'il goûtait de son temps.

Mais l'évolution accélérée de l'humanité crée sanscesse de nouvelles structures sociales, de nouvelles catégories d'individus que le sociologue étudie et sur lesquelsles journalistes publient des enquêtes.

Il est probable que Montaigne s'intéresserait à ces formes parfois dégénéréesde l'humanité, mais il se garderait de formuler comme un pédant des opinions catégoriques.Enfin il étudierait tout ce qui subsiste des anciennes coutumes : influence de la race, du climat, de l'histoire qui ontlaissé des marques ineffaçables. c) La réalisation pratique.Les Français actuels circulent infiniment plus que Montaigne; mais combien sont de vrais voyageurs? C'est quel'homme n'est plus libre : peu de gens ont encore du temps et des rentes pour voyager à leur guise, comme desseigneurs.

Actuellement le voyageur selon Montaigne serait un journaliste libre de tout souci d'argent, sans parti-pris politique ou autre.

Par contre la masse du peuple, le Français moyen, peuvent difficilement s'offrir le luxe d'unvoyage individuel et fantaisiste. CONCLUSION On ne peut appeler voyage la simple imitation d'un geste collectif : celui qui se jette sur les routes avec cinq millionsde ses contemporains ne voyage pas.

Il ne bouge même pas, dirait Montaigne.

Il reste agglutiné à son milieu.

Levoyage ne consiste donc pas à déplacer la chair, mais à satisfaire un besoin d'expansion de l'esprit, son désir de sefondre dans tout ce qui est humain; or aucune oppression technocratique, aucune de ces « mécaniques victoires »que Montaigne a flétries, ne pourra effacer les différences nécessaires entre les hommes.

C'est pourquoi il y auratoujours de vrais voyageurs avides d'admirer la nature humaine dans sa vie et sa variété.. »

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