"Mon rêve familier", Verlaine (commentaire)
Publié le 07/10/2018
Extrait du document
«
conforme aux enchaînements d’un rêve, une image fantomatique.
cette femme est multiple mais le seul point
commun entre ces possibles qui forment "une femme inconnue" , c’est- à- dire non encore connue, pas encore
rencontrée, (Verlaine joue sur la polysémie de l’ adjectif "inconnue") une femme désirée en rêve (rêve éveillé ou
rêve nocturne) c’est son pouvoir maternel de soigner, de consoler, de comprendre.
Le verbe "aimer" revient trois
fois dans le premier quatrain, puis il est remplacé au deuxième quatrain par celui de "comprendre", qui du fait de
cette substitution, accentuée par la rupture de la phrase et la reprise syntaxique, familière, qui lie le début du
deuxième quatrain au précédent , ce verbe "comprendre" donc paraît plus important encore, et comprendre
quelqu’un , n’est-ce pas lui pardonner ?.
Cette femme est une mère, une sœur.
c) Cette qualité particulière de la femme rêvée par Verlaine , d’être une amie de cœur, idéale, est bien exprimée
dans le dernier tercet .
le regard et la voix, qui sont les véhicules de l’âme, de le sensibilité, qui traduisent la
personne même, sont les deux éléments les plus importants (le physique, avec la métonymie de la chevelure) ou
l’aspect social (avec le nom) sont ignorés, seuls comptent le regard et la voix et même dans la voix ce qui est le
plus personnel : l’"inflexion", c’est-à-dire les modulations les plus subtiles, les intonations qui sont la marque d’une
personne et la distinguent de toute autre personne
d) Verlaine rapproche cette femme rêvée principalement des êtres chers qu’il a perdus .
deux fois cette association
avec des personnes mortes est mentionnée v10 et V14.
On notera les périphrases qui forment un euphémisme les
" aimés que la Vie exila", avec la métaphore de l’exil pour signifier la mort, le départ obligé, subi, et les "voix chères
qui se sont tues".
Cette femme particulièrement aimante est donc comme la synthèse des femmes aimantes
que le poète a perdues, qui ont disparu, qui l’attirent.
Qui sont-elles ? Cela est le secret de Verlaine mais il exprime
de manière générale cette association avec l’allégorie de la Vie et la généralité de l’article indéfini "des", placé
devant "aimés" (d’ailleurs au masculin alors qu’on attendrait un féminin : Verlaine inverse les genres) et devant
"voix".
Cette fois, à la fin du poème, Verlaine fait appel à l’expérience commune des lecteurs car chacun est susceptible
d’évoquer le souvenir de personnes disparues, dont la proximité est marquée par l’adjectif si particulier de "chère",
qui relève de la préciosité de langage, tout en traduisant l’intimité d’une relation entre deux personnes.
Remarque : Certaines interprétations ramènent tout le poème à cette association finale pour dire qu’ici Verlaine
exprime une attirance morbide pour la mort, et même que cette femme serait la mort elle-même.
Mais c’est aller un
peu loin.
Verlaine justement est un poète de l’indécis.
Donner un sens trop précis à ce poème lui enlève sa qualité
de poème étrange, en quoi tient tout son pouvoir.
Vous pouvez comparer avec Baudelaire "ö mort ! Vieux
capitaine ! Il est temps .
Levons l’ancre !" : Là il n’y a pas d’ambiguïté.
La deuxième association est faite avec un discret rappel de l’art de la sculpture, si cher aux Parnassiens, car il crée
une beauté, un rêve de beauté,
éternels : la statuaire grecque en est un exemple.
Le regard des statues est fixe, étrange, mystérieux et toujours le
même , rassurant donc.
Une statue ne varie pas.
Comme une voix "et calme, et grave", on peut la retrouver et s’y
fier.
On notera le rythme des deux derniers vers, avec la rime audacieuse "elle a" qui forme un contre- rejet, et la
manière dont le sonnet se termine, sur une suite de monosyllabes qui allongent le dernier vers comme un soupir
chuchoté (allitération en "s" : -ksion, -se, -sont) .
3- Un cœur malade.
a) Tristesse de Verlaine : Ce poème est de la jeunesse de Verlaine.
On ne peut pas donc lui demander de refléter
les sanglots du Verlaine adulte coupable et repentant, du Verlaine des années sombres.
Pourtant déjà une
tristesse profonde, une sorte de détresse s’y exprime discrètement, loin des épanchements romantiques, et
émouvantes à leur façon.
C’est dans le deuxième quatrain que le thème du "pauvre cœur" apparaît.
Au v6, la.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Commentaire: Mon rêve familier - Verlaine
- Corpus "mon rêve familier" Paul Verlaine, "parfum exotique" Charles Baudelaire et "j'ai tant rêvé de toi" Robert Desnos
- Rêve familier de Verlaine
- Verlaine, Poèmes saturniens, “Mon rêve familier”, 1866 : Lecture analytique
- Lecture analytique de Mon rêve familier de Paul Verlaine