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Molière: Le misanthrope, acte II, scène 1

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

ALCESTE

Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,  

Qu’ai-je de plus qu’eux tous, Madame, je vous prie ?

CÉLIMÈNE

Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.

ALCESTE

Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ?

CÉLIMÈNE

Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire, Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire.

ALCESTE

Mais qui m’assurera que, dans le même instant, Vous n’en disiez peut-être aux autres tout autant ?

CÉLIMÈNE

Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne, Et vous me traitez là de gentille personne. Hé bien ! Pour vous ôter d’un semblable souci, De tout ce que j’ai dit je me dédis ici, Et rien ne saurait plus vous tromper que vous-même : Soyez content.

ALCESTE

Morbleu ! faut-il que je vous aime ? Ah ! que si de vos mains je rattrape mon cœur,  

Je bénirai le Ciel de ce rare bonheur ! Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible À rompre de ce cœur l’attachement terrible ; Mais mes plus grands efforts n’ont rien fait jusqu’ici, Et c’est pour mes péchés que je vous aime ainsi.

CÉLIMÈNE

Il est vrai, votre ardeur est pour moi sans seconde.

ALCESTE

Oui, je puis là-dessus défier tout le monde.  

Mon amour ne se peut concevoir, et jamais Personne n’a, Madame, aimé comme je fais.

CÉLIMÈNE

En effet, la méthode en est toute nouvelle, Car vous aimez les gens pour leur faire querelle ; Ce n’est qu’en mots fâcheux qu’éclate votre ardeur, Et l’on n’a vu jamais un amant si grondeur.

ALCESTE

Mais il ne tient qu’à vous que son chagrin ne passe. À tous nos démêlés coupons chemin, de grâce,  

Parlons à cœur ouvert, et voyons d’arrêter...

 

Cette première scène de l'acte II du Misanthrope de Molière opère la confrontation entre Alceste, le personnage-titre, et Célimène, qu'il aime mais trouve trop coquette. La scène joue donc simultanément sur plusieurs ressorts : la jalousie, et son cortège de reproches, d'explications, d'excuses... et l'amour, qui est ici confondu — de façon souvent comique — avec la jalousie. C'est sur cette double structure, dont nous examinerons successivement les aspects, que s'appuient la théâtralité même de la scène, et sa richesse dramatique et psychologique.

« Parlons à cœur ouvert, et voyons d'arrêter... QUESTIONS Molière emploie des alexandrins (vers de douze syllabes) à rimes plates.

La forme la plus courante estl'alexandrin 6/6 (« Le bonheur de savoir / que vous êtes aimé »), mais on peut aussi relever des alexandrins 4/8(« Soyez content.

// Morbleu ! faut-il que je vous aime ? ») et 9/3 (« Mon amour ne se peut concevoir/ etjamais »).

Ce dernier vers est d'ailleurs suivi d'un enjambement (« Personne n'a, Madame, aimé comme je fais»). 1. « Ah ! que si de vos mains je rattrape mon coeur, Je bénirai le ciel de ce rare bonheur ! » La première expression, « rattraper son coeur », signifie le reprendre, l'enlever des mains de la dame, et doncn'être plus amoureux.

L'amour est une souffrance, ce qui explique que la fin de cet amour, cherchée parAlceste (« je fais tout mon possible / A rompre de ce coeur l'attachement terrible »), serait un « rare bonheur». 2. « Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne » Célimène désigne ici par « fleurette », compliment galant, les reproches que vient de lui faire Alceste.

Elleaccentue encore le caractère antiphrastique de sa phrase en qualifiant la « fleurette » de « mignonne », et enla rapportant à un « amant ». « Et vous me traitez là de gentille personne » L'épithète « gentille » est à prendre à l'inverse, puisqu'Alceste vient de mettre en doute la sincérité etl'honnêteté de Célimène. 3. « Il est vrai, votre ardeur est pour moi sans seconde » 4. Alceste peut comprendre que son ardeur est bel et bien la première, tandis que Célimène joue sur les mots, et veutdire qu'aucun amour n'est pareil à celui-là, n'est aussi agressif. « Mon amour ne se peut concevoir et jamais Personne n'a, Madame, aimé comme je fais » Alceste affirme ici la grandeur et la profondeur de son amour, qui serait plus grand que tous les autres.

Mais lespreuves qu'il en donne, ou du moins les termes qu'il emploie, laissent penser que son amour, effectivement, est rare,dans la mesure où il serait presque inexistant. Devoir rédigé Cette première scène de l'acte II du Misanthrope de Molière opère la confrontation entre Alceste, le personnage- titre, et Célimène, qu'il aime mais trouve trop coquette.

La scène joue donc simultanément sur plusieurs ressorts : lajalousie, et son cortège de reproches, d'explications, d'excuses...

et l'amour, qui est ici confondu — de façonsouvent comique — avec la jalousie.

C'est sur cette double structure, dont nous examinerons successivement lesaspects, que s'appuient la théâtralité même de la scène, et sa richesse dramatique et psychologique. D'emblée, cette première scène de l'acte II se donne comme une « scène », au sens du mari jaloux.

Alceste vient àla fois faire des reproches à Célimène, et l'interroger : ses trois premières répliques sont des phrases interrogatives.Pourquoi n'être pas jaloux, demande-t-il en substance, glissant par là un double reproche : j'ai des raisons d'êtrejaloux puisque vous voyez d'autres hommes ; vous n'avez pas de raison de me le reprocher.

A la réponse qui lui estfaite (y.

3), Alceste demande des preuves «Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ? » Après les reprochessur son attitude, il met en doute la parole de Célimène.

Le troisième reproche (y.

7-8) l'accentue encore, puisqu'il lasoupçonne ouvertement de double discours, et de malhonnêteté. La scène de jalousie commence donc par des reproches, pour déboucher sur des serments, dont la fonctionessentielle est de montrer l'inégalité entre les deux amants.

Alceste passe tout d'abord de l'interrogation (répliquesun à trois) à l'exclamation (v.

14-16).

Il s'agit maintenant d'affirmer son amour avec force : d'où l'emploi d'un juron(« Morbleu »), de l'exclamation interrogative (« faut-il que »), et le recours au ciel (« Je bénirai le ciel »).

Cetteforce est encore accentuée par une rhétorique superlative (« tout mon possible », « attachement terrible », « mesplus grands efforts », « défier tout le monde », «jamais personne »...) parfaitement excessive.

L'affirmation —l'amour est une souffrance — est elle-même renforcée par l'affirmation seconde — mais je ne puis m'en défaire —,qui accentue la souffrance, et montre l'injustice qui frappe Alceste.

A contrario, il faudrait imaginer Célimène légère,insouciante et frivole. Cette double série de reproches — reproches directs puis reproches déguisés sous les serments — produit àl'évidence un effet sur Célimène.

Le premier effet est l'énervement, perceptible soit dans la sécheresse des réponses (v.

3, 5-6), soit dans les formulations ironiques (v.

9-10).

Cet énervement n'étant pasperçu par Alceste — puisque son discours n'en est pas modifié —, il cède la place chez Célimène au retrait : je ne. »

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