Misère d’hier et d’aujourd’hui : « Les Caractères » ; « De l’esprit » ; « Petits poèmes en prose » et « La Sauvage »
Publié le 26/09/2015
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Misère d’hier et d’aujourd’hui
Les documents proposés sont des textes extraits d’œuvres appartenant à divers genres littéraires. Il s’agit de « Les Caractères » ; « De l’esprit » ; « Petits poèmes en prose » et « La Sauvage », respectivement écrits par Jean de La Bruyère, Claude-Adrien Helvétius, Charles Baudelaire et Jean Anouilh entre 1688 et 1938. Ces textes ont pour thème commun la misère. Dans cette réponse synthétique, nous analyserons la structure argumentative de chaque extrait, afin de déterminer, dans un second temps, quel texte est le plus convaincant.
Le texte de Charles Baudelaire, extrait de l’œuvre Petits poèmes en prose, s’intitule « Les yeux des pauvres ». Il se divise en quatre parties : l’introduction (l.1 à l.10), la description du café (l.11 à l.23), la description de la misère (l.24 à l.37) et les réactions de l’auteur et de sa bien-aimée (l. 38 à 49). Le texte se dirige à la bien-aimée de Baudelaire : « vous voulez savoir pourquoi je vous hais ». L’argumentation de l’auteur se base sur le témoignage ; il raconte une journée passée avec sa conjointe. Le deuxième paragraphe (l.11 à l.23) raconte l’arrivée du couple au café, qui symbolise la richesse. L’auteur décrit les somptuosités du lieu grâce à diverses figures de style, comme le champ sémantique de la lumière : « étincelait » ; « éclairait » ; « éblouissantes » ou l’énumération : « les murs aveuglants de blancheur, les nappes éblouissantes des miroirs, les ors des baguettes et des corniches… ». Les paragraphes qui suivent (l.24 à l.37) narrent l’arrivée de trois personnages misérables devant la vitrine du café. Le poète a alors recours à une série de figures de style pour décrire la misère de la famille. À la ligne 32, il utilise une anaphore qui a pour but de renforcer l’idée « d’admiration égale » qu’il évoquait à la ligne 30 : « Les yeux du père […] que c’est beau ! Que c’est beau ! […] Les yeux du petit garçon […] que c’est beau ! Que c’est beau ! ». On note également l’emploi d’une phrase nominale (l.28) : « Tous en guenilles. » ; elle a pour but de traduire avec force l’idée de misère. Le contraste entre les deux paragraphes est choquant : Baudelaire décrit coup sur coup la richesse et la misère. Dans le dernier paragraphe (l.38 à l.49), l’auteur exprime ses sentiments face à la scène qui se déroule sous ses yeux. Il se dit attendri et honteux (l.40 et l.41). Pour désigner les personnages qui lui font face, il parle de « famille d’yeux » ; il s’agit là d’une synecdoque, qui a pour but d’intensifier le sentiment de fascination des personnages. Afin de renforcer le sentiment de honte qui l’envahit, il a recours à une comparaison et à une métonymie : « honteux de nos verres et de nos carafes, plus grands que notre soif ». À la fin du poème, la bien-aimée de l’auteur prend la parole : Baudelaire nous présente alors la figure de la richesse méprisant la pauvreté. Contrairement à l’auteur, qui désigne les personnages par les termes « brave homme […] petit garçon […] petit être trop faible pour marcher », ce qui laisse deviner une certaine compassion, la femme parle de « ces gens-là ». À mon avis, ce dernier paragraphe est primordial, puisqu’il permet de persuader totalement le lecteur.
À l’instar de Baudelaire, Jean Anouilh cherche à persuader le lecteur au travers d’une fiction. Il s’agit d’une argumentation indirecte. L’extrait de sa pièce La Sauvage commence in medias res, c’est-à-dire que l’action a déjà commencé. Il s’agit d’un dialogue entre deux personnages principaux, Thérèse et Florent, et un personnage secondaire, Tarde, le père de Thérèse. Les personnages de Florent et Thérèse sont des allégories ; Florent représente la richesse et Thérèse la misère. De fait, dès les premières lignes, on constate une totale opposition entre les protagonistes : « non » ; « si ». Dans ses répliques, Thérèse reproche à Florent de ne pas appartenir à la même classe sociale qu’elle. Afin d’insister sur la sa condition misérable, elle emploie divers procédés stylistiques, comme l’énumération et le rythme ternaire : « Tu ne sais pas ce que c’est de se noyer, se salir, se vautrer… » ; « Tu n’as jamais été laid, ni honteux, ni pauvre… » ; « Si tu avais été méchant déjà, ou faible, ou lâche […]). Elle a également recours à des questions rhétoriques et à des métaphores : « Ces rides, quelles peines les ont donc tracées ? ».
«
J’ai […] Tu n’as jamais […] ».
Par ailleurs, elle a également recours à un polysyndète, qui permet
d’accélérer le rythme de la phrase « et j’étais grande et je disais merci et je riais » ; ce-dernier est
brutalement rompu par l’adverbe « mais » ; c’est comme si la misère ruinait tous ses efforts et
l’empêchait d’atteindre ses objectifs (c’est le cas de son mariage avec Florent, gâché par la différence
de classe sociale).
À la ligne 39, elle fait une comparaison entre la misère et un grand « manteau qui
vous collerait à la peau par endroits », et duquel il est quasiment impossible de se débarrasser.
Les textes de Jean de la Bruyère, « Des biens de fortune » et « De l’Homme » sont extraits de
son œuvre Les Caractères .
Contrairement aux textes de Baudelaire et Anouilh, l’argumentation de
ceux de Jean de la Bruyère est directe.
L’auteur exprime clairement son opinion sur la misère et, afin
de convaincre au mieux ses lecteurs, a recours à plusieurs procédés stylistiques.
On note par exemple
le rythme ternaire de la ligne 3 : « il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent
l’hiver ; ils appréhendent de vivre ».
Il dénonce le partage inégal des richesses, et l’indifférence des
plus riches envers les plus démunis notamment grâce à une hyperbole : « en un seul morceau la
nourriture de cent familles ».
La dernière phrase du texte (« il y a une espèce de honte à être heureux
à la vue de certaines misères ») rappelle fortement une idée qu’évoquait Baudelaire à la fin de son
poème, à savoir le sentiment de honte qu’il ressent en tant que spectateur de la misère des trois
personnages.
Comme Baudelaire, Jean de la Bruyère exprime son opinion à travers son texte : « je me
jette et me réfugie dans la médiocrité ».
Le texte de Claude Adrien Helvétius, extrait de De l’Esprit , est, à l’instar du texte de La
Bruyère, une argumentation directe.
Dans le premier paragraphe (l.1 à l.7), il explique les deux classes
qui partagent la nation : la classe aisée et la classe ouvrière.
Dans le paragraphe suivant (l.8 à l.32), il
critique le partage inégal des richesses et l’exploitation des plus démunis par les plus riches.
Selon lui,
les journaliers ne sont, pour les riches, que de vulgaires et banales marchandises (l.16).
Entre les
lignes 10 et 24, Helvétius utilise le champ lexical de l’économie : « prix » ; « diminué » ;
« augmenté » ; « profiter » ; « acheter » ; « paye ».
On comprend alors que les ouvriers ne sont que
des outils pour les riches : dans la phrase « il devient infirme, il meurt, et laisse à l’état une famille de
mendiants », on ne note aucune expression des sentiments ; c’est comme si les riches n’étaient
intéressés que par leurs bénéfices, et étaient dénués de toute sensibilité humaine.
Puis, à partir de la
ligne 24, Helvétius propose une solution à cette inégalité des richesses.
Le texte se termine sur un
constat et une opposition entre les riches, qui migrent vers les capitales, tandis que les campagnes
restent peuplées d’incultes et de miséreux.
Ce texte est semblable à celui de Baudelaire et de la
Bruyère, puisqu’Helvétius exprime son avis : selon lui, avoir de l’argent de rend pas plus heureux,
mais plus odieux (l.32).
Pour moi, le texte le plus convaincant est celui de Baudelaire.
En effet, bien qu’étant une
argumentation indirecte, il crée un fort contraste entre la misère et la richesse.
Ce contraste est
renforcé par la présence d’un personnage féminin appartenant à la classe aisée, qui méprise la famille
de démunis.
Par ailleurs, le poète désigne ses personnages avec une compassion apparente, ce qui,
dans mon sens, permet de convaincre totalement le lecteur..
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