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MESLIER Jean : sa vie et son oeuvre

Publié le 26/11/2018

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MESLIER Jean, dit le Curé Meslier (1664-1729). Loin des cercles intellectuels parisiens, seul dans son presbytère avec quelques livres, un curé de village écrit au fil des jours un mémoire-testament matérialiste, athée, dans lequel il démontre à ses « chers amis », ses paroissiens « et leurs semblables », c’est-à-dire tous les paysans opprimés, la « vanité et fausseté » de la religion, complice et soutien des nobles et des seigneurs qui les oppriment. Manuscrit massif de 349 feuillets, dont l’auteur laissera à sa mort trois copies. Texte âpre, véhément, transposition intellectuelle des émeutes paysannes, appel à la révolte et rêve de communisme primitif; texte d’un style plus souvent rustique que savant, et qui va pourtant, dès 1730, séduire ou inquiéter toute l’Europe éclairée; texte qui touche et qui trouble aujourd’hui encore; étape importante dans l’histoire de la libre pensée.

 

Jean Meslier est né dans un village des Ardennes françaises, Mazemy, en un temps où l’Église persécutait Molière à cause de Tartuffe. Il eut vingt ans quand le Roi-Soleil décadent révoqua l’édit de Nantes. Mort en 1729, il n’aura connu que la longue fin de règne désastreuse d’un vieillard et le début du règne d’un roi enfant. Vivant près de Sedan, bastion calviniste, et dans les Ardennes, riches en foyers jansénistes, il a vu les persécutions; dans cette province frontière, il a vu aussi les continuels ravages causés par les soldats; il a connu les grandes famines de 1709 et 1725. De la lointaine et quasi mythique monarchie centralisée à Versailles, on ne connaissait au village que les collecteurs d’impôts, « fiers et arrogants ». Le père de Jean Meslier, marchand-fabricant de serge et cultivant quelques terres, se situait dans la petite bourgeoisie. Trois filles à doter. Jean suivit, sans vocation, le conseil de ses parents de se faire prêtre pour avoir, sans mise de fonds, une situation confortable. Vie sans aventure : le séminaire de Reims en 1684; la paroisse d’Étrépigny, village proche du sien, de 1689 jusqu’à sa mort.

« émeutes paysannes, appel à la révolte et rêve de commu­ nisme primitif; texte d'un style plus souvent rustique que savant, et qui va pourtant, dès 1730, séduire ou inquiéter toute l'Europe éclairée; texte qui touche et qui trouble aujourd'hui encore; étape importante dans l'histoire de la libre pensée.

Jean Meslier est né dans un village des Ardennes françai­ ses, Mazerny, en un temps où l'Église persécutait Molière à cause de Tartuffe.

Il eut vingt ans quand le Roi-Soleil décadent révoqua l'édit de Nantes.

Mort en 1729, il n'aura connu que la longue fin de règne désastreuse d'un vieillard et le début du règne d'un roi enfant.

Vivant près de Sedan, bastion calviniste, et dans les Ardennes, riches en foyers jansénistes, il a vu les persécutions; dans cette province frontière, il a vu aussi les continuels ravages causés par les soldats; il a connu les grandes famines de 1709 et 1725.

De la lointaine et quasi mythique monarchie centralisée à Versailles, on ne connaissait au village que les collecteurs d'impôts, «fiers et arrogants>> .

Le père de Jean Meslier, marchand-fabricant de serge et cultivant quelques terres, se situait dans la petite bourgeoisie.

Trois filles à doter.

Jean suivit, sans vocation, le conseil de ses parents de se faire prêtre pour avoir, sans mise de fonds, une situation confor­ table.

Vie sans aventure : le séminaire de Reims en 1684; la paroisse d'Étrépigny, village proche du sien, de 1689 jusqu'à sa mort.

Le seul événement important se produisit en 1716, le jour où il fustigea en chaire le seigneur local pour avoir maltraité quelques paysans.

Cet éclat valut au curé une sévère remontrance de l'archevêque de Reims.

C'est alors, peut-on croire, qu'il commença la rédaction secrète de son « mémoire >>.

Il imitait en cela, dans un esprit différent, ces nombreux prêtres jansénistes qui ne s'opposaient pas de front à la bulle Unigenitus, mais laissaient à leur mort un testament révélant leurs vrais sentiments.

Dans les deux Lettres à Messieurs les Curés du voisinage jointes à son mémoire, il leu: conseille de« demeurer maintenant dans le silence>> comme lui, mais de dire la vérité à l'heure de leur mort.

Leur mission est d'apporter au peuple la vraie délivranc·� : foin de la «prétendue rédemption spi­ rituelle >> des âmes; « le vrai péché originel pour les pau­ vres peuples e5 t de naître, comme ils font, dans la pau­ vreté, dans la misère, dans la dépendance et sous la tyrannie des grands; il faudrait les délivrer de ce détesta­ ble et maudit p·� ché >>.

Tout le reste est imposture.

S'il conseilk le silence plutôt que la démission, c'est que, pour lui, le curé et le prêtre sont deux; le curé a une mission à remplir, de charité, d'assistance; il est indispensable é:i.u village pendant sa vie; à l'heure de la mort, le prêtre.

non moins indispensable, doit crier sa vérité.

La démission annulerait tout.

Toute sa contesta­ tion et son mat1�rialisme sont à base de pitié et de colère; il a mis son érudition au service de ses paysans dans l'espoir qu'après sa mort son texte contribuerait à leur dé li v rance.

Une jacquerie philosophique Son texte, il 1' a tiré uniquement de son expérience paysanne et de la méditation solitaire de ses quelques livres -les œuvres de Malebranche et de Montaigne surtout, de Fénelon, dont il annote en marge la Démons­ tration del' existence de Dieu, pour la réfuter, et la Bible, évidemment, qu'il condamne, sauf les livres plus réalis­ tes de sagesse humaine : les « Proverbes>> , «Job», « l'Ecclésiaste •>.

Il rend à ces livres leur v�rité déjà pay­ sanne d'origine, il les retourne contre l'Eglise, qui les a déformés à &on profit.

Chez lui, aucune référence à Gassendi, à Spinoza, ni au Dictionnaire de Bayle.

Nulle part le nom de Newton, dont il a dû même ignorer l'exis­ tence.

Paradoxalement, c'est à partir de la Bible et de Descartes revu par Malebranche que Meslier forge son matérialisme athée.

Matérialisme à la fois métaphysique et rural, très différent du matérialisme scientifique et biologique de Diderot ou de d'Holbach.

Le Mémoire est organisé en huit «preuves» de la fausseté de toute religion et de leur danger.

En un style oral, rocailleux, volontairement lourd de répétitions pour bien faire entrer les idées dans des esprits frustes, sermon sacrilège tantôt goguenard, tantôt violemmenit polémi­ que, truffé d'anathèmes, d'images brutales, illustré d'exemples historiques, Meslier commence (preuves 1 à 5) par réduire les religions à des «inventions humai­ nes>> , dénonçant longuement l'imposture des miracles, de la divinité du Christ, «misérable fanatique» et« mal­ heureux pendard >>.

La sixième preuve, la plus pathétique, expose la misère paysanne, dénonce les vrais «diables et diables­ ses >> : non les monstres grimaçants des prédicateurs ou des peintres, mais les beaux seigneurs et «toutes ces belles dames et damoiselles que vous voyez si bien parées, si bien mises, si bien frisées, si bien poudrées, si bien musquées [ ...

] Ce sont ceux-là mêmes qui sont vos plus grands ennemis >>, ceux qui empêchent l'avènement d'une communauté fraternelle dans la justice et le par­ tage égal des terres et des biens de subsistance.

Mais, pour Meslier, le renversement de l'ordre social passe d'abord par le renversement de la religion.

C'est pourquoi les septième et huitième preuves reviennent, de façon plus érudite, sur la matérialité absolue de l'univers, de l'âme, de la pensée, avant qu'apparaisse, dans la terri­ ble conclusion, le prophétisme révolutionnaire, l'appel au tyrannicide.

« Il est dit dans un de nos prétendus saints et divins Livres que Dieu renversera de leurs trônes les princes orgueilleux et superbes ...

>>Dieu n'ayant pas tenu ses promesses, c'est aux peuples opprimés de les tenir à sa place, de renverser les princes, les « fiers receveurs de tailles et d'impôts>> , les «superbes prélats» et tous les parasites qui vivent de la sueur des paysans pauvres.

Meslier blâme la passivité des opprimés, compte sur Je dynamisme de son discours pour éveiller les masses misérables, les convertir à l'athéisme, première étape de leur délivrance sociale.

Une nouvelle forme d'éloquence est née, celle d'un «Bossuet du pauvre>> (Roland Desné).

Destin d'un texte Dès la mort de Meslier, son Mémoire, recopié, est diffusé dans les circuits de manuscrits clandestins.

En 1740, une centaine d'exemplaires circulent à Paris; le texte est connu jusqu'à la cour de Prusse.

Des extraits apparaissent ensuite.

qui ne retiennent guère que les arguments contre le christianisme.

Voltaire connaissait­ il le manuscrit intégral? C'est en tout cas un de ces extraits qu'il utilise pour en tirer son propre Extrait des Sentiments de Jean Meslier, précédé d'un abrégé de sa vie; on était en 1762, l'offensive contre les jésuites fai­ sait espérer la fin prochaine de l'Église catholique romaine, le testament du curé Meslier devenait un instru­ ment polémique précieux pour achever l'« Infâme>> .

Mais Voltaire n'appréciait ni l'athéisme du texte, ni son appel à la révolte paysanne, ni son style de «cheval de carrosse>> , même si ce cheval « rue bien à propos >> : il efface donc toute trace de jacquerie, change le style oral en style écrit, et, pour comble, travestit le curé athée en déiste voltairien.

Dix ans plus tard, d'Holbach à son tour publie des textes de Meslier, mais, étrangement, c'est son propre Bon Sens qui est pris pour une œuvre du curé et qui, en 1791, sera publié comme tel : Meslier, cette fois, deve­ nait défenseur d'une éthique bourgeoise de la propriété! Le Bon Sens du curé Meslier fut fréquemment réédité jusqu'en 1939, bien qu'un excentrique libraire hollan-. »

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