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MERTENS Pierre : sa vie et son oeuvre

Publié le 25/11/2018

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MERTENS Pierre (né en 1939). Écrivain belge d’expression française, né à Bruxelles. Ses romans et recueils de nouvelles peuvent être considérés comme les différents éléments d’une mosaïque d’ensemble en cours de constitution, pierres successives d'une œuvre dont se dessinent clairement l’importance et l’ambition.

Les personnages de Mertens sont des dépossédés : non qu’ils appartiennent à une classe d’individus totalement marginaux, non qu’ils soient des indigents, tenus à l'écart d’un monde qui les refuserait; ce sont, au contraire, des êtres qui ont apparemment leur place dans ce monde, et leur vie quotidienne, telle que le romancier l’appréhende, n'a souvent rien de très remarquable. Mais leur blessure est cachée : ce qui les mine, c’est une secrète inadéquation, une incapacité à s’identifier à l’image qui pourrait être la leur, à assumer leur rôle avec bonheur, à se tenir à flot dans la société et dans l’Histoire où ils sont plongés. En ce sens, l’œuvre de Mertens constitue une sorte d’exploration, cas après cas, d’une forme de déracinement intime, d’insularisation qui constitue une des fréquentes caractéristiques de l’homme contemporain. Seul Jaime Morales, le personnage de Terre d'asile (1978), échappe à cette catégorie d’êtres, dans la mesure où, réfugié politique chilien en Belgique, il est victime, à l’évidence, d’un déracinement beaucoup plus immédiat, beaucoup plus flagrant. L'architecture secrète qui assemble les différents textes du romancier ne cesse de se compliquer à l’apparition de chaque nouveau livre, selon les principes d’une structure en expansion : réapparitions de personnages, variations sur un même thème, récurrences de lieux, de motifs, d’images, d’expressions spécifiques, parallélismes, oppositions tissent d’un livre à l’autre des liens multiples et complexes. Un grand montage d’ensemble s’élabore ainsi, où chaque fiction figure comme une séquence que l’on peut certes appréhender dans son autonomie mais dont la place est précise dans la topographie générale de l’œuvre.

« sonnage également de la première nouvelle du Niveau de la mer) devenu adulte, qui assiste, en comp agn ie de son père, à une représentation théâtrale clôturant l'année sco­ laire et dans laquelle le fils de Julien joue le rôle d'un rêveur par lequel le spectacle est suscité.

Zigzaguant de l'un à l'autre de ces trois personnages, la narration met en scène trois solitudes, qui sans cesse coïncident, se confrontent et se font écho.

Une image, ici aussi, hante tout le roman, celle d'un «paysage avec la chute d'Icare».

Cette chute provoque dans le décor figé une brutale déchirure, marque de la sortie du jeu, du refus du rôle auquel on est assigné.

Avec les Bons Offices ( 1974), Mertens plonge délibé­ rément son personnage dans le bruit et la fureur du monde contemporain.

Les bribes éparses de l'existence d e Paul Sanchotte, bribes qu'il s'efforce d'assembler dans une quête de plus en plus vaine, constituent en effet le microcosme des profo nd es déchirures et des conflits qui ensanglantent notre époque.

Médiateur international, Sanchotte est tout autant dépassé par les évén em ents de l'Histoire qu'il 1' est par ceux de sa propre histoire, incapable d'en saisir la synthèse, spectateur impuissant de la désagrégation de l'une et de 1 'autre.

Cette fresque ambitieuse et exemplaire, doublée d'une fouille minu­ tieuse et illusoire dans l' ar ché olog ie intime du person­ nage, hantée par l'image obsédante du corps morcelé, est régie par les lois d'un savant montage : les ruptures et les césures, les citations de tout genre et les collages multiformes, les changements de registre narratif compo­ sent un text e rigoureusement désarticulé.

Une puissante batterie thématique y met en œuvre le foisonnement des motifs qui ne cessent de se croiser tout au long du livre, magnifique symphonie dédiée à une époque mise en piè­ ces.

Reste que, perdu dans le désert au terme de son épopée dérisoire, Sanchotte se retrouvera peut-être lui aussi, et comme malgré lui, au « niveau de la mer».

Les nouvelles de Nécrologies ( 1977) reviennent à un mode plus intimiste et mettent en scène des personnages voués à une forme de monologue solitaire, incapables d'une véritable présence au monde qui les entoure.

Peut­ être est-ce dans ces textes que l'ombre de Kafka -qui constitue certainement pour Mertens la référence litté­ raire la plus importante- se fait le plus prégnante : face au caractère oppressant du monde quotidien, le person­ nage ne s'en tire que par une sorte de ruse, par une rés ista nc e qui consiste à entrer dans un jeu, dans une dérive intime où il ira jusqu'au bout, quel qu'en soit le côté apparemment factice ou dérisoire.

Référence kafkaïenne évidente aussi dans Terre d'asile, odyssée en terre belge d'un Robinson politique chilien qui a tout à réapprendre de l'existence.

D'une écrirure volontairement très sobre, en demi-teinte, construit comme une succession de longs plans fixes, Terre d'asile constitue une sorte de «roman politique introverti >>.Car ce sont bien plus les conséquences de la dépossession intime de Jaime Morales et son exil inté ­ rieur qui impor tent ici, que le fracas de 1' Histoire et les multiples discours qui le répercutent.

Monocorde, le récit se veut essentiellement attentif aux chuchotements et aux tâtonnements de l'exilé à la découverte de ses chemins de traverse.

Mais il constitue aussi, par le biais du regard au ras des choses que promène Morales sur un monde qui lui est étranger, une description très particulière de la Belgique.

Les nouvelles de Terreurs ( 1984) se veulent, à leur manière, des sismographes de la violence qui bouillonne dans le monde contemporain.

Sur le mode de la confes­ sion ou du témoignage y apparaissent des personnages p o u ssés à l'errance, une fois encore, par le monde «tel qui est».

Perdre (1984) se joue sur un registre que Mer­ tens avait peu abordé jusqu 'ici : celui de 1 'érotisme.

Pour reconquérir la femme qui est sur le point de le quitter, le narrateur l'attirera dans un huis clos où il tentera de sceller leur réconciliation sous le signe du fantasme par­ tagé.

De cette joute sensuelle et panique sur laquelle ne cesse de planer l'ombre d'Achille et de Penthésilée, les amants sortiront sans avoir pu «reconstruire Carthage>>, mais brûlés par une épreuve gui les aura rendus « incura­ b le s l'un de l'autre».

Les Eblouisse ment s (1987), prix Médicis, est la biographie romancée diu poète expres­ sionniste allemand Gottfried Benn, récit de «l'erreur d'une vie, et [de) la vie d'une erreur.>> Enfin, les deux recueils de nouvelles, les Chutes centrales (1990) et les Phoques de San Francisco ( 1991 ), s'int err og en t sur « le sens -et la vanité -de toute biographie».

li convient de souligner l'attention à la Belgique qui marque l'œuvre de Mertens.

Représentant d'une généra­ tion d'écrivains belges plus désireuse que les précéden­ tes de se colleter avec la réalité du pays, le romancier intègre dans plusieurs de ses fictions -c'était le cas, pa r exem ple , tout au long des Bons Offices- l'évoca­ tion critique de la société belge et des points brOiants de son histoire récente.

Racontant l'exil volontaire d'un artiste bruxellois.. »

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