MERCURE DE FRANCE (le) (Histoire de la littérature)
Publié le 24/11/2018
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MERCURE DE FRANCE (le). Créé en 1672 sous le nom de Mercure galant, titre qu’il conserva avec de légères variantes jusqu’en 1723, le Mercure de France traversa le XVIIIe siècle jusqu’à la Révolution. Il connut ensuite divers avatars jusqu’en 1965. Le Mercure de France a été à la fois le premier périodique littéraire français et celui qui a eu la plus longue durée : près de trois siècles, avec de rares interruptions.
Officiel, le Mercure le fut depuis son origine jusqu’à la Révolution : ce caractère explique sa fonction et son histoire. La monarchie absolue souhaitait contrôler la circulation de la pensée comme celle des marchandises. L’État colbertiste divisa l’information en divers secteurs. Chacun d’entre eux eut « son » journal, dirigé par un « privilégié » : celui-ci, responsable devant le pouvoir politique, révocable, avait en contrepartie un droit tacite

«
de
transmission du privilège à ses descendants ou à ses
amis.
Au cours du xvm• siècle, on entoura le privilégié
de« pensionnés sur le Mercure », hommes de lettres qui
touchaient une rente sur le journal et la perdaient si le
privilégié était cassé.
La suppression des privilèges sous
la Révolution mit fin à ce système : depuis, le Mercure
de France est une simple entreprise de presse.
Mais il
conserve de ces origines un côté officiel et, parfois, bien
pensant, qui subsiste, atténué, jusqu'à ses dernières
années.
Sous l'Ancien Régime, la plupart de ses directeurs
furent des écrivains d'une relative célébrité : Donneau de
Visé, qui le fonda, Dufresny, La Bruère, l'abbé Raynal,
Marmontel, La Place, La Harpe.
Donneau de Visé créa
le style du journal : mélange d'informations mondaines,
de comptes rendus Littéraires ou dramatiques, d'œuvres
originales en vers ou en prose.
La forme de la lettre à
une Dame qu'il donna à son Mercure, et qu'il imitait des
« lettres en vers » de la période précédente, ne dura pas
au-delà de sa direction (1672-171 0).
Dès la Régence, le
Mercure prit la forme qu'il devait revêtir durant tout le
xvm• siècle : une première section destinée aux œuvres
originales, ensuite des comptes rendus, rapidement uni
versels pour toutes les formes de théâtre, un carnet mon
dain nourri de généalogies, et une vaste section d' infor
mations générales à la manière de la Gazette.
Un grand
entrepreneur de presse, Charles Joseph Panckoucke,
développa cette dernière rubrique en la fusionnant, à
partir de 1778, avec le Journal politique de Bruxelles,
mais, dès le xvu• siècle, des Extraordinaires et des
Suppléments atténuaient parfois sa spécificité littéraire.
Mensuel, le Mercure se présente comme un «livre »;
il en a l'aspect et le format jusqu'à la Révolution:
1 772 volumes de 1672 à 1791, date à laquelle le Mer
cure perdit son sous-titre de « Dédié au roi ».
Tous les
écrivains qui ont compté en France y ont d'une manière
ou d'une autre collaboré.
Il fut, dans ses premières
décennies, l'organe principal des Modernes dans leur
querelle avec les Anciens; et, dès la fin des années 1750,
avec Marmontel et, plus tard, avec La Harpe, il manifesta
que l'air du temps était voltairien : le Mercure est le
journal des modes.
Cela explique, à travers les méandres
de son histoire, qu'il prit toujours soin de ne pas se
laisser dépasser par l'actualité.
On y trouve les petites
œuvres des grands écrivains et les grandes des petits :
Fontenelle, Perrault (avec les préoriginales de certains
contes), Marivaux, Marmontel...
Mais, à cô té de ces célé
brités, le Mercure, qu'on lit dans les boudoirs parisiens
et dans les salons de province, se nourrit de vers venus
d'amateurs experts en petits genres et en «bouquets»,
de production féminine.
Le Mercure fournit aux abonnés
sa ration mensuelle de bouts-rimés et de chansons.
Dans
le Mercure, la littérature est du meilleur monde.
La politique aussi y est très convenable.
Donneau de
Visé suscita l'ironie et la gêne des Français eux-mêmes
pendant les terribles guerres de Louis XIV : le Mercure
tira de cette période une détestable réputation dont son
créateur est le premier responsable.
Par la suite, les
directeurs du Mercure se contentèrent de reproduire les
dépêches ciselées par les bureaux compétents.
Seul
Panckoucke voulut faire du Mercure un concurrent
sérieux à toutes les gazettes de langue française, spécia
lement aux étrangères qui envahissaient le marché natio
nal : la ruse du journal « de Bruxelles » ne trompa cepen
dant personne.
Sous l'Ancien Régime, le Mercure tirait à plusieurs
milliers d'exemplaires, chiffre important pour l'époque,
et qui correspondait à un bon succès de librairie.
Quand
l'étau des privilèges exclusifs se desserra au cours du
XVIn • siècle, on l'imita Uournaux de l'abbé Desfontaines,
de Fréron, etc.).
Son importance littéraire n'est pas négli
geable : il fit de la littérature un sujet dont on parle,
1580 sinon
du livre un objet qu'on lit.
Des comptes rendus
bien faits, parfois honnêtes, toujours circonstanciés,
informaient des nouveautés, dispensant ainsi un public
pressé d'y aller voir lui-même.
Les écrivains français
participèrent, dès lors, et en grande partie grâce au Mer
cure, à cette société du spectacle qui est l'une des spéci
ficités de notre vie littéraire.
Pendant près d'un siècle, à travers divers régimes, le
Mercure ne fut plus que l'ombre de lui-même.
Constitu
tionnel au début de la Révolution, bon serviteur de 1 'Em
pire, un moment en coquetterie libérale (Benjamin
Constant) sous la Restauration, il suivit habilement la
politique du moment : Chateaubriand et Bonald ne furent
pas ses rédacteurs les moins en vue.
Mais le périodique
connut une lente décadence; il s'éteignit en 1825, pour
ressusciter en 1890.
La « série moderne » du Mercure
de France est l'œuvre d'Alfred Vallette, qui le dirigea
jusqu'en 1935.
Ce mécène du symbolisme accueillit dans
les colonnes d'une revue devenue alors strictement litté
raire les signatures les plus éminentes de la jeune littéra
ture, de Mallarmé à Jarry.
Remy de Gourmont en fut la
conscience, et Paul Léautaud le mémorialiste : secrétaire
et chroniqueur dramatique, Léautaud a Laissé dans son
Journal un tableau au jour le jour de la vie du Mercure.
Cette période de la revue fut sans doute la plus brillante
de son histoire presque tricentenaire.
Après 1935, et mal
gré une brève période où Georges Duhamel le dirigea, le
Mercure, fortement concurrencé par la Nouvelle Revue
française, ne connut plus l'éclat d'antan.
BIBLIOGRAPHIE Il existe diverses tables du Mercure de France, tant pour la
série ancienne que pour la moderne.
Sur celle-ci, on trouve peu
d'études documentées, sauf pour l'inOuencc hispanique dans le
Mercure.
Le Mercure d'Ancien Régime a bénéficié de monogra
phies sur certains de ses directeurs : P.
Mélèse.
Donneau de Visé,
Paris, 1936; F.
Moureau, le «Mercure galant» de Duf re.my
(1710-1714) ou le Journalisme à ta mode, Oxford, Clarendon
Press, 1982: J.
Wagner, Marmontel (journaliste) et « le Mercure
de France » 1725-1761, Presses univ.
de Grenoble, 1975.
A consulter aussi : A.
Martin, « Marmontel's Successors.
Sbon Fiction in the Mercure de France », Oxfo rd , Studies on
Voltaire, CCI.
1982.
Slatkine Reprints a entrepris une reproduc
tion des an cie n s Mercure..
»
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