Mémoire sur un extrait de l'Histoire de l'enseignement du Français du XVIIème au XXème siècle, d'André Chervel.
Publié le 08/01/2013
Extrait du document
La bienséance ne tolérant que rarement le thème de l'amour, la tragédie « sainte « reste longtemps la
seule forme de théâtre étudiée. Il faudra attendre 1840 pour qu'entre dans les classes, une plus large
sélection de pièces. Les oeuvres les plus controversées, telles Tartuffe, donnent lieu à la publication
d'oeuvres mutilées par la librairie catholique notamment. André Chervel clos ce chapitre sur une note
d'humour, évoquant le « caviardage « subit par Les Caractères de La Bruyère, spécialement en ce qui
concerne le chapitre des femmes, qui censuré, évite au professeur l'embarra de bien des explications à
ses élèves.
Le chercheur en histoire retrace donc les grandes lignes de l'évolution de la scolarisation des oeuvres,
indissociables de l'histoire de l'enseignement de la littérature. On constate les précautions avec
lesquelles les textes sont introduits en classe, sous l'influence de l'Église, des politiques en vigueur etc.
Les décisions officielles contribuent à cette lente marche vers de nouvelles formes d'enseignement et
cette nouvelle conception de la littérature qui est la nôtre.
«
comprend alors les mises en garde contre les lectures « frivoles ».
De cette capacité à l'assimilation par
la lecture, découle également la recommandation de relire de nombreuses fois les mêmes œuvres.
De ce
fait les programmes officielles ne sont pas d'une grande variété, et se cantonnent longtemps aux textes
religieux et aux morceaux choisis.
C'est l'exigence de perfection qui impose l'usage des morceaux choisis, et même les grands classiques
font l'objet de censures car ils ont eux aussi leurs « faiblesses ».
Il convenait également de sélectionner
chez les auteurs les œuvres utilisables.
Par exemple, on n'étudiera pas des œuvres de grands maîtres
telles que Phèdre ou Don Juan.
Une autre pratique ayant pour but de ne faire connaître aux élèves que
les meilleurs parties d'œuvres, consistait en la lecture par les professeurs d'œuvres que les élèves
n'avaient pas entre les mains.
Cette pratique était encore en vigueurs aux trois quarts du XIXème siècles.
Le ministère soutient cette pratique dans la circulaire Wallon en 1875, où il met en garde les enseignants
contre les passages entourant l'extrait étudier.
L'enseignement secondaire a donc
longtemps pour but de protéger les élèves contre les dangers de la littérature française, même classique.
C'est dans ces conditions qu'au milieu du XVIIIème siècle, se développe logiquement les morceaux
choisis d'auteurs français.
Ils sont à leurs débuts principalement composés de morceaux oratoires en
prose et contiennent également un grand nombre d'extraits de tragédies, mais c'est évidement pour la
qualité des discours qu'elles contiennent.
Là encore, n'est sélectionnée qu'une partie de l'oeuvre, qui
subit des modifications.
L'auteur parle à juste titre de « caviardage ».
André Chervel poursuit en soulignant la distinction faite entre prose et poésie, qui sont longtemps
séparées entre deux volumes dans les recueils de morceaux choisis.
Cette séparation est justifiée par le
fait qu'elles n'obéissent pas aux mêmes règles et n'ont pas le même emploi, la poésie étant faite pour
être apprise par cœur.
Elle veut plaire et charmer, alors que la prose, ou l' « éloquence » vise à instruire
et à être analysée.
Là encore les professeurs retiennent le discours comme modèle de rhétorique.
En ce
qui concerne le roman, il est exclu de l'enseignement jusqu'au XIXème siècle, considéré comme un genre
« bâtard », corrompant les esprits.
Il examine ensuite le sujet de la poésie à l'école primaire.
Avant la fin du XVIIIème, l'école primaire
n'aborde que la prose.
Les élèves
connaissent toutefois la forme poétique de par les cantiques.
On affirme la non-nécessité de la poésie
pour les élèves, qui ne comprendraient rien à la littérarité d'un poème, et éprouveraient de l'ennui.
Ainsi
leurs lectures se réduisent uniquement à la littérature morale et religieuse.
Ils lisent par exemple Pascal,
Buffon ou encore Fénelon.
Il aura fallut un bouleversement des valeurs et projets pédagogiques, pour que
la poésie entre dans les programmes de l'école primaire.
Ce n'est en effet qu'à partir des années 1870
que la poésie prend lentement une véritable place dans les écoles, et à partir des années 1880 qu'elle est
imposée par les programmes.
Mais c'est principalement pour ces vertus éducatives, et non pour ses
fonctions langagières.
En effet, certains voient en ses qualités moralisatrices, un remède au manque de
croyance croissant de l'époque.
Noël et Delaplace sont deux hauts fonctionnaires de l'Université impériale, et les dépositaires du recueil
de morceaux choisis qui aura le plus grand succès : les Leçons françaises de littérature et de morale.
Il
entre au programme de la rhétorique en 1809, pour n'en sortir que 20 ans plus tard.
Classés par genre,
les extraits s'y succèdent, sans introduction ni notice.
D'où la judicieuse comparaison effectuée par André
Chervel à des paradigmes de conjugaison, puisque les extraits doivent être appris
par cœur et ont pour seule fonction d'être un modèle pour les productions des élèves.
Ce type de recueil,
que Pierre Kuentz nomme « vulgate », répond tout à fait à la conception de la littérature de l'époque, à
savoir une science, fondée sur la rhétorique ou sur la poétique, obéissant à des règles et soumise à des
influences.
Ainsi la littérature n'a pas besoin d'œuvres entières, mais de morceaux choisis, en guise de
modèles.
Il faudra attendre 1870 pour que le terme de littérature renvoi à la conception que l'on a d'elle
actuellement, notamment grâce à l'enseignement de l'histoire de la littérature qui libérera le concept.
Mais.
»
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