Maurice Scève, Délie object de plus haulte vertu
Publié le 19/05/2013
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Maurice Scève, Délie object de plus haulte vertu Cours de Daniel Martin Mercredi 14h-16h Le texte au programme. Présentation Publiée anonymement à Lyon en 1544, la Délie de Maurice Scève se signale par plusieurs singularités. Le recueil constitue le premier canzoniere français, c'est-à-dire le premier recueil de poésie amoureuse s'inscrivant dans la tradition du recueil fondateur de Pétrarque auquel la tradition éditoriale a donné le titre de Canzoniere. Ce genre connaîtra en France un immense succès à partir de 1549, date de publication de L'Olive de Du Bellay. On pourra, comme point de départ, pour en vérifier la pertinence et en mesurer les limites, se référer à cette définition du genre du canzoniere proposée par Gabriel-André Pérouse : " Nous entendons par là un ensemble de pièces lyriques (c'est-à-dire de la nature du chant) adressées à un être que l'on présente comme passionnément aimé. Le poète y exprime les émotions que cette passion suscite en lui, de l'entrée en amour jusqu'à l'angoisse et peut-être au triomphe, dans un va-et-vient douloureux entre " vie " et " mort " - cette passion terrestre s'inscrivant plus ou moins explicitement dans une expérience mystique " platonicienne " (du sensible à l'intelligible) et se traduisant par les grandes métaphores issues de l'Antiquité et relayées par Pétrarque : feu et glace, blessure et guérison, liberté et esclavage. " (Introduction à Philibert Bugnyon, Erotasmes de Phidie et Gelasine, Genève, Droz, 1998, p. XXI). L'être passionnément aimé qui s'inscrit au centre du recueil de Scève est précisément Délie, héroïne éponyme associée d'emblée à la vertu, et à la quête de la vertu par l'amant poète, et cependant objet de désir, qui ne cesse, par sa froideur, par ses refus, par son insensibilité, de renouveler les morts d'amour de l'amant (" ? Mais bien les mortz, qu'en moy tu renovelles / Je t'ay voulu en cest ?uvre descrire ", épître liminaire " A sa Delie ", p. 3 de l'édition au programme). Il conviendra de s'interroger sur cette figure féminine, sur la conception de l'amour qui se dégage de ce recueil, sur le sens de cette aventure amoureuse dont la véritable justification, ou la raison d'être, est sans doute à chercher du côté de l'entreprise poétique qu'est le recueil de Scève. Dès à présent, une précaution à prendre : il faudra soigneusement distinguer entre Scève, auteur de la Délie, et celui qu'on pourra désigner comme l'amant poète, ou simplement l'amant, celui qui emploie la première personne dans les poèmes. Composé de 449 dizains décasyllabiques, soit une forme carrée (10x10), le recueil adopte une forme poétique française qui relève du genre épigrammatique. En cela il affirme sa singularité par rapport aux nombreux antécédents italiens qui privilégiaient la forme du sonnet, généralement majoritaire dans les recueils, et associée à des pièces de nature diverse. Si les recueils italiens, à commencer par celui de pétrarque, affichaient ainsi une certaine diversité formelle, le recueil de Scève se signale par une rigoureuse homogénéité, la répéti...
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est-ce un trompe -l’œil, un artifice purement formel ? – structurer le recueil.
On s’avisera que
les emblèmes, au nombre de 50, s’intercalent régulièrement entre des séquences de neuf
dizains, après une séquence intiale de 5 dizains, et avant une séquence finale de 3 dizains.
Ce
qui donne une formule qui a beaucoup intrigué la critique :
5 + (49 x 9 dizains) +3, ce qui peut se ramener aussi à 5 + (7
2 x 3 2) + 3.
On se posera la question du sens éventuel de cette formule, mais surtout on observera l’effet
de mise en page que permet cette formule : elle permet, dans l’édition originale, à chaque
emblème de revenir régulièrement, toutes les quatre pages, exact ement au même endroit sur la
page : en haut de page de droite, dite aussi “ belle page ”.
Et on s’avisera que chaque emblème
occupe alors exactement l’espace d’un dizain.
L’emblème serait -il quelque chose comme le
dixième dizain, en image ? Le recueil ne jouerait-il pas d’un autre trompe -l’œil : une
organisation en neuvaines de dizains, qui deviennent des dizaines si on y ajoute les
emblèmes ?
Ces premières observations sont de nature à plonger le lecteur dans la perplexité : ce
n’est qu’un début.
Le recueil se signale en outre par sa très grande difficulté : la poétique de
Scève est dense, sa syntaxe est souvent escarpée, son expression très abstraite.
Bref, il ne
faudra pas esquiver le travail sur le sens littéral comme préalable à toute démarche
herméne utique.
Enfin, le texte de Scève est en dialogue avec d’autres textes, parmi lesquels les Rymes
de Pernette du Guillet, publiées à titre posthume en 1545.
Il serait bon de connaître ce recueil,
accessible en Poésie/Gallimard, dans le volume préparé par Fr ançoise Charpentier qui
contient aussi les poésies de Louise Labé.
Il serait bon aussi de se familiariser avec le
Canzoniere de Pétrarque, qu’on peut lire dans l’édition bilingue préparée par Pierre Blanc
pour les Classiques Garnier.
Premières consignes de travail
Commencer par lire et relire inlassablement le texte de Scève.
Dans un premier temps,
au moins repérer les difficultés, en établir un registre.
Utiliser les ressources en ligne, et
notamment les dictionnaires de la langue française des XVI
e et XVII e siècles auxquels vous
pouvez accéder par la rubrique “ Documentation ” de l’ENT : en particulier le Dictionnaire de
la langue française du XVI
e siècle d’Edmond Huguet.
Ne pas négliger les emblèmes, dont
vous observerez que la devise, ou “ motto ”, est reprise partiellement ou littéralement à la fin
du dizain qui les suivent.
S’interroger sur les effets de disparate produits par les emblèmes :
parfois les images nous transportent vers un monde très concret, très trivial, très banal, en
complet décalage, apparemment, avec l’exigeante poésie scévienne du haut désir.
Pour le
travail sur les emblèmes, je recommande de se familiariser avec la pratique emblématique.
Plusieurs outils pour cela :
-télécharger sur le site Gallica de la BNF les éditions de quelq ues recueils : ceux
d’Alciat, l’Hécatomgraphie de Corrozet, le Théâtre des Bons Engins de La Perrière ;
-télécharger sur le même site l’édition de 1544 de la Délie .
Cela permet notamment
d’observer la place des emblèmes en haut de page de droite.
Attention, dans cette édition la
numérotation des dizains devient fautive vers le milieu du recueil.
-Utiliser les ressources de deux sites consacrés à l’emblématique : le site “ Alciato at
Glasgow ” (http://emblems.arts.gla.ac.uk/alciato/index.php
) consacré à l’œuvre d’Alciat, avec
la possibilité de consulter des numérisations de très nombreux emblèmes, issus des multiples
éditions renaissantes, dans toute l’Europe, des emblemata ; le site “ French E mblems at
Glasgow ” (
http://emblems.arts.gla.ac.uk/french ) où sont numérisés les principaux recueils
d’emblèmes de la Renaissance française.
Vous trouverez sur ce dernier site une numérisation
de qualité de chaque emblème de la Délie : je conseille de télécharger chaque image, car leur
reproduction dans l’édition au programme est médiocre et ne permet pas de repérer certains.
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