Maupassant, gloutonnerie
Publié le 11/03/2022
Extrait du document
«
Au XIXe siècle, l'imaginaire du gras se développe au même titre que la gastronomie se libéralise, et
la stigmatisation des personnes concernées en découle, ce qui s'accorde/le lien s'opère avec la
montée de l'individualisme liée à l'industrialisation.
Guy de Maupassant aborde fréquemment le
problème d'argent, que ce soit dans la parure, une vie, ou encore le célèbre ouvrage Bel-Ami.
L'argent, intimement lié à la luxura et la gula, permet aux riches de s'offrir ce qu'ils veulent et ceuxci sont représentés parfois de façon gloutonne chez l'auteur, avec une pointe d'ironie méprisante.
Il
convient de rappeler que l'écrivain s'inscrit dans le mouvement naturaliste, qui se repose aussi sur le
physique, appartenant au domaine physiologique, afin de définir l'humain.
De fait l'auteur juge
parfois ses personnages de par leur apparence, en la liant à leur psychisme.
Par quels aspects physiologiques l'auteur caractérise-t-il le glouton ?
Nous verrons que l'auteur appelle parfois au zoomorphisme de façon burlesque, et qu'il voit par la
physiologie un corps politique et ce faisant relie la démesure aux vices, mais enfin que l'embonpoint
témoigne aussi d'un mode de vie plaisant, sans restriction.
Chez Maupassant les personnages de de la classe populaire sont valorisés, tandis qu’il à tendance à
accuser la bourgeoisie d'immoralité.
Partant de ce fait il apparaît logique que la dimension de
carnaval résonne dans beaucoup de ses œuvres.
Le thème de la nourriture est particulièrement abordé dans Boule de suif.
M.
Loiseau est un
personnage décrit comme « petit, pourvu d’un ventre en ballon et d’une face rougeaude » ;on peut
lier ces attributs à l'ivresse et la démesure, soit la gloutonnerie.
Globalement dans cet ouvrage, Maupassant critique la lâcheté et l’égoïsme humain, qui sont pour
lui typiques de la bourgeoisie.
Toine est une nouvelle de Maupassant parue en 1885, dans laquelle le protagoniste est sujet à un
état de léthargie comparable bien que supérieur à celui d'Oblomof.
Toine est Antoine Macheblé, ce qui le prédestine à la volaille, à devenir fermier.
La corpulence de
l'homme s'oppose à celle de la femme.
Il est qualifié de "gros" une quinzaine de fois dans la
nouvelle.
Par la suite il est victime d'un AVC et se retrouve cloué au lit.
Sa femme en profite pour
prendre sa revanche quant aux traitements parfois déplacés qu'il lui réservait, et le force à couver
des œufs.
Or l'imagerie du glouton va avec l'animal (ici la poule couveuse), ou on pourrait parler
encore de la dimension lecheor : le glouton animalisé.
Sa femme le compare à un "porc".
il s'agit en effet d'une déshumanisation.
Cette imagerie est aussi
associé au monstre, qu'on perçoit dans l'image de cet handicapé en surpoids ayant pour activité
vitale de couver des œufs.
le zoomorphisme certifie la nature burlesque de l’œuvre à la chute du
récit, lorsque les œufs finissent par éclore.
Cette œuvre peut être envisagée comme cathartique,
puisque destinée à faire rire par la mise en scène d'une vision dérangeante, morbide et grotesque, on
peut ainsi la lier au concept du carnaval.
Ce rire amène à une réflexion quant à la gestion de son
corps, l'emploi qu'on en fait ; l’œuvre peut donc être de nature didactique.
Le caractère de Toine fait écho au personnage rabelaisien Pantagruel et Gargantua qui sont eux
aussi de grands gloutons, comme des usines à nutriment si l'on prend en compte leur taille et la
façon dont ils avalent par exemple des troupeaux de vaches.
On peut donc le lier à la dimension de
carnaval.
Ici le personnage est aussi dans l' approche léthargique une sorte d'usine puisqu'il n'a plus
de fonction humaine, il est une couveuse artificielle que l'on nourrit comme pour alimenter une
machine en énergie.
Il est ainsi assimilable à cet imaginaire péjoratif et libéral du bourgeois gras,
qui mange et qui défèque, qui ne pense qu'à s’empiffrer comme un animal.
Pourtant il n'est pas
bourgeois, c'est un paysan du milieu populaire, ce que l'on note dans son expression triviale et
caricaturée.
Ce n'est donc pas une satire sociale mais davantage une bouffonnerie à visée
humoristique.
Toine est décrit « petit et gros, dont la gloutonnerie l'emporte dans la raison » ce qui
se place dans la continuité de l'image antique à laquelle est amalgamée le gros, celle du glouton
intempérant et à l'instinct bestial, pour qui la réflexion passe après la digestion.
Cela s'apparente à la
vision du caractère Gargantua qui rapproche la digestion du corps et de l'esprit..
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