Devoir de Philosophie

Maupassant : Bel-Ami. Commentaire de l’excipit (fin du roman).

Publié le 19/09/2018

Extrait du document

maupassant

« Je t'aime toujours, je suis à toi ! », l.19) relève de la symbolique du mariage. La cérémonie officielle de son union avec Suzanne Walter se double donc d’une sorte de cérémonie intime et secrète, qui scelle le « remariage » de Bel-Ami et de Clotilde. Suzanne, bientôt réduite à n’être plus qu’un « bras » (« Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l’église », l. 27) disparaît d’ailleurs totalement du texte, et de son esprit (« Il ne pensait qu’à lui », l.31) dès la sortie de l’église. Une seconde analepse clôt le roman, elle aussi chargée d’érotisme : « sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit » (l. 38-40). Ici encore, cette analepse fournit des réponses aux attentes du lecteur : on devine aisément que Georges renouera très bientôt avec son ancienne amante… La dernière image du texte est celle de la maîtresse, le dernier mot est le mot « lit » : Georges Duroy demeure bien ce qu’il a été tout au long du roman : un séducteur, assailli par le désir charnel.

Conclusion

Cet excipit clôt donc le roman sur la représentation d’un véritable sacre, fortement théâtralisé, au sortir duquel Georges Du Roy nous est donné à voir comme un des nouveaux « maîtres du monde ». Il permet de prendre la mesure du chemin accompli par le héros au cours des quelque trois années sur lesquelles s’étend ce roman d’apprentissage, et il est bien sûr en ce sens à lire en relation avec l’incipit, auquel il fait directement écho. L’œuvre reste néanmoins « ouverte », puisque le personnage se projette, au-delà des dernières pages du roman, dans une double perspective d’avenir, politique et sentimentale. En ce sens, cet excipit remplit bien ses fonctions essentielles : il boucle le récit sur lui-même, en permettant au lecteur de mesurer l’évolution de son personnage principal ; il répond en même temps à ses attentes quant au devenir du héros, une fois la dernière page tournée.

maupassant

« phrase, et à la procession, une dimension majestueuse. C’est d’ailleurs à un « roi » que Georges s’identifie devant l’hommage que lui rendent les spectateurs de son triomphe : « Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu’un peuple venait acclamer » (l.

9) La désignation de l’assistance par l’expression « le peuple de Paris », à la ligne 33, accentue cette transfiguration du héros en véritable monarque.

Le jeu des regards contribue à renforcer cet effet de sens : en effet, tout comme une altesse royale, Georges dédaigne de poser ses regards sur l’assistance, sinon fugitivement : « les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte […] Il ne voyait personne » (l.31), « il ne les voyait point » (l.38), alors qu’il est le point de mire de la foule entière : « Le peuple de Paris le contemplait » (l.

33).

La gestuelle mécanique qu’il adopte pour répondre aux compliments de l’assistance (« Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait…», l.

10), soulignée par l’accumulation des verbes à l’imparfait de répétition, fait d’ailleurs penser à l’attitude des souverains ou des chefs d’état, lorsqu’ils prennent un bain de foule… Georges Du Roy « mérite » à présent son nom : la connotation royale inscrite dans son patronyme trouve ici enfin tout son sens ! Il n’est pas jusqu’au Christ lui-même qui ne vienne célébrer la réussite de Bel Ami : la descente de l’esprit saint, à l’appel du prêtre, ne vient pas consacrer, comme le veut la tradition chrétienne, son mariage avec Suzanne, mais « le triomphe du baron Georges Du Roy » (l.

3) ! Les notations de lumière - « la grande baie ensoleillée de la porte »(l.

29), « ses yeux éblouis par l’éclatant soleil » (l.38) - renforcent cet effet d’apothéose. Enfin, le choix du point de vue narratif, en focalisation interne, nous donne accès aux émotions ressenties par le personnage ; une hyperbole souligne l’intensité de son bonheur : il est « affolé de joie » (l.9).

Une autre phrase évoque la façon dont il ressent physiquement son triomphe : « Il sentait sur sa peau courir de légers frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs.

» (l.

30) La structure de la phrase, qui combine un effet de chiasme [ (légers(adj.) - frissons (N) / frissons (N) - froids (adj.) ] et des effets d’antithèse (légers/immenses – froids/bonheurs), souligne le sentiment d’absolue plénitude qui habite Georges Duroy à l’instant de son triomphe. II Un dernier portrait. Un jeu subtil de prolepse et d’analepse conclut le roman et nous livre un dernier portrait de son héros. Pour qui se souvient de l’incipit du roman, il est tout d’abord frappant de constater à quel point le personnage a évolué, dans sa gestuelle, dans sa manière d’habiter son corps : le texte se clôt en effet comme il a commencé, en nous décrivant la démarche du personnage.

L’incipit le décrivait ainsi : « il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route ».

On mesure donc la distance qui sépare le « mauvais garçon » miséreux du début du roman, de l’homme célèbre et puissant qu’il est devenu, allant « lentement, d’un pas calme, la tête haute » (l.29) . Ainsi Maupassant boucle-t-il son récit, en inscrivant dans le corps même de son héros sa fascinante ascension sociale et culturelle. Mais le personnage a, intérieurement, moins changé qu’il n’y paraît.

Il demeure avant tout un être de désir et d’ambition.

Sa consécration professionnelle, en tant que rédacteur en chef de La Vie française, et sociale, en tant qu’époux d’un des meilleurs partis de la place parisienne, ne mettent pas de point final à cette dynamique.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles