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Marivaux L'île des esclaves acte 1 scène 1 et 2

Publié le 19/05/2015

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Commentaire L'île des esclaves, Marivaux, Acte I, milieu scène 1 à début scène 2. Représentée pour la première fois en mars 1725, L'Île des esclaves, comédie en un acte et en prose, a connu un grand succès de la part du public qui a été enthousiasmé du début jusqu'à la fin de la représentation. Marivaux, l'auteur de la pièce, participe ici à l'avant -garde littéraire de son temps en s'engageant résolument au côté des Modernes. Se libérer de tout modèle, rompre avec l'esthétique du passé, exprimer la réalité contemporaine dans une forme nouvelle, telle est son ambition. On y constate d'ailleurs que Marivaux y renouvelle les « canevas » et les « lazzis » propres à la Commedia Dell'Arte pour faire ré fléchir le spectateur à de nouveaux rapports sociaux. À la suite d'une fortune de mer, Iphicrate, un général athénien et Arlequin, son valet, échouent sur une île qui se trouve être le repère d'anciens esclaves révoltés. En ces lieux, les maîtres sont voués à être le s laquais de leur ancien esclave. Notre passage qui se situe à la fin de la scène 1 et au début de la scène 2 de l'acte I, met en scène un dialogue conflictuel entre Iphicrate et Arlequin. Nous pouvons donc nous demander comment à travers cette scène d'affrontemen t entre maître et valet, Marivaux met -il en place l'intrigue et les enjeux de la pièce dans cette scène de comédie ? Nous verrons donc dans un premier temps comment l'intrigue est mise en place pour favoriser dans un deuxième temps une inversion des rôles. Pui s, fidèle à la devise latine « Castigat ridendo mores » - « corriger les moeurs par le rire » que Molière avait l'habitude d'utiliser - nous verrons dans un dernier temps que ce passage est emblématique de la pièce, reflétant l'oeuvre dans son ensemble. Notre extrait est la fin de la scène 1 et le début de la scène 2 de l'acte1. Il se situe alors presque au tout début de l'oeuvr e. Notre passage ne constitue pas la scène d'exposition dans son entier cependant, nous assistons dans cet extrait à la mise en place de l'intrigue. En effet, cette intrigue est régie par le cadre spatio -temporel. Comme nous l'avons vu en introduction, les personnages ici mis en scène : Arlequin et Iphicrate, se retrouvent piéger sur une île - a priori déserte - après une fortune de mer ; leur chaloupe ayant été détruite. Nous nous retrouvons ainsi transporter dans un espace insulaire. Il nous est ensuite révélé que l'île est en fait l'abri d'anciens esclaves révoltés qui, ayant réussi à fuir Athènes, se sont regroupés dans cet endroit pour donner une leçon à leur ancien maître, s'ils n'ont pas déjà été tués. Remarquons d'ailleurs que l'île a une nouvelle importance symboliq ue au XVIIIème siècle, siècle où l'île incarne une dimension exotique et sauvage - toujours présente à notre ère. De ce fait, l'Île des esclaves fonde vraiment le décor d'un espace clos et isolé, ceci permettant une meilleure mise en place de l'opposition et de l'alternance entre les milieux sociaux puisque les maître se retrouvent ici être les laquais de leur ancien valet et i...
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« même dans cet exemple nous voyons qu'il ne se considère même plus comme son esclaves.

Le rapport de force s'inverse comme le montre les prises de parole d'Iphicrate qui parle de moins en moins.

Seules les insultes gouverne nt ses répliques montrant bien toute son impuissance.

La mention du gourdin est d'ailleurs elle aussi très importance, tout comme l'épée, puisque ce sont de s objets symboliques qui assurent le pouvoir du maître sur le valet – ils deviennent en quelque sort e des métonymies du pouvoir.

L'émancipation du valet se déroule donc sous les yeux des spectateurs. Enfin, les comportements des deux personnages aboutissent à une inversion totale des rôles qui se déroule dans la scène 2.

Ici, nous sommes dans ce que l'on peut nommer : le théâtre dans le théâtre.

En effet, chaque acteur joue le rôle d'un personnage qui va devoir jouer un nouveau rôle.

Dans cette dernière scène de l'extrait, nous assistons à l'arrivée d'un nouvel homme du nom de Trivelin.

Il apparaît comme étant un metteur en scène de cette nouvelle « pièce » : c'est lui qui distribue les nouveaux rôles, comme on le voit avec la réplique : « Eh bien ! Changez de nom à présent ; soyez le seigneur Iphicrate à votre tour ; et vous, Iphicrate, appelez -vous Arle quin, ou bien Hé. ».

Il oblige ainsi les deux à changer de nom, au désespoir d'Iphicrate.

Enfin il prend l'épée de ce dernier et la donne à Arlequin, véritable symbole de l'inversion du pouvoir et donc du rapport de force.

Triveli n incarne une figure pater naliste de part les impératifs (« changez de nom à présent » l.47) et le ton de ses répliques ; il calme de même les ardeurs d'Arlequin puisqu'il précise :« on vous le donne bien moins pour réjouir votre vanité, que pour le corriger de son orgueil. ».

Il s 'agit bien ici de guérir le mal par le mal afin de corriger les défauts des maîtres.

Arlequin le mentionne déjà en disant : « Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres » et il ajou te « Tout en irait mieux dans le monde, si les gens qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. ».

Par conséquent, nous voyons grâce à cette scène que l'ordre hiérarchique de la société est factice puisque la position des valets et des maît res est interchangeable.

Enfin, l'extrait est un passage emblématique de l’œuvre.

En effet, on observe ici l'ensemble des enjeux de la pièce.

Parmi ces enjeux, nous pouvons remarquer nos deux personnages qui s'avèrent être des personnages symboles, symbole du comique pour Arlequin, et symbole du tragique pour Iphicrate.

Tout au long de nos deux scènes, nous assistons à l'interférence des de ux registres.

En effet, l''angoisse d'Iphicrate diffère de la nonchalance d'Arlequin.

De plus, la bonhomie de ce dernier so uligne d'autant plus ce contraste, créant un comique de situation et annonçant le renversement des rôles.

On voit également une mise à distance du tragique et du pathétique par Arlequin, qui ne veut pas de pitié.

Arlequin est issu de la Commedia Dell'Arte, il constitue ainsi une référence comique par excellence, ce qui rend le personnage extrêmement typé.

Nous avons donc à faire à u ne scène au climat ludique et enjoué.

A contrario , Iphicrate, lui, incarne la tragédie : il est le jouet du destin.

Ses répliqu es sont larmoyantes ; il est désespéré comme le montre la didascalie suivante « ému au désespoir ».

Il a recours a un discours tragique comme avec les termes suivants « juste ciel ! » où il fait appel au divin.

Il y a donc deux façons de vivre la situation .

C'est un genre hybride, que l'on peut nommer « nouveau théâtre », en totale opposition au théâtre du classicisme puisqu'elle dépasse les conventions classiques en mélangeant les genres. Dans la plupart des comédies, le dramaturge se veut être fidèle à la société qui lui est contemporaine, s'inspirant de celle - ci pour en dénoncer les vices et les défauts.

Nous pouvons voir cela dans l’œuvre de Molière, qui tourne en dérision chaque a spect nuisible de la société de son temps ; mais également chez Marivaux co mme le montre notre passage.

Voyons que cette critique sociale rend notre extrait très emblématique, reflétant l’œuvre intégrale.

Nous assistons ainsi à l'émergence de l'esclave co nsidéré comme un individu comme le besoins des deux hommes ; Arlequin a ses propres besoins.

Athènes devient ici un prétexte pour Marivaux, qui met en scène la dialectique du maître et du valet à travers les temps.

Cette intemporalité délivre un message universel.

En effet, c'est une question d'actualité au XVIII ème siècle.

Le duo comique devient ici une arme de dénonciation.

Le dramaturge condamne les violences physiques faîtes aux esclaves et aux valets comme peuvent le montrer la mention du gourdin et de l'épée avec « vous en avez coutume de m'en faire à coup de gourdin qui ne v alent pas ceux -là » (l.1 à 2) et « les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules » (l.4).

De plus, nous avons le présent d'énonciation et l'adverbe toujours qui suggèrent qu'il s'agit d'une habitude.

Enfin, la comparaison comme un animal (« tu me traitais comme un pauvre animal » (l.15 à 16) dénonce une nouvelle fois cette déshumanisation des valets et des esclaves ; également marqué par la nom du valet qui est quelque fois interpellé par « Hé » (l.44).

Arlequin dénonce aussi l'absurdité du r apport de force dans la relation maître -valet qui est totalement infondée en disant : « et tu disais que cela était juste parce que tu étais le plus fort » (l.16 à 17).

On perçoit de l'ironie dans sa réplique « cette justice -là » où le champ lexical de la souffrance contribue à cette dénonciation, et l'on retrouve : « tu me traitais comme un pauvre animal » (l.15 à 16)« quand tu auras souffert »(l.19) ; « ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres » (l.20).

Ici, Arlequin, de part son mouvement et son élan d'émancipation : « adieu, mon ami, je vais chercher mes camarades et tes maîtres » (l.21 à 22) signale l'entrée dans un univers fictif bien différent.

Il amorce finalement l'utopie et la leçon de moral que la pièce se propose de délivrer comme nous po uvons le voir avec : « quand tu auras souffert » (l.19) ; il emploie même le mot « leçon » (l.21).

Le futur suggère alors une évolution, d'un changement.

Nous pouvons également constater que le pathétique de la scène – qui est au service du comique – est a ussi au service de la critique.

Passage bref et néanmoins riche sur le plan analytique, Marivaux a réussi à renouveler la relation maître -valet très utilisée dans la comédie depuis l'Antiquité.

Ce passage est d'emblée caractérisé par un très grand dynam isme et une irréprochable vivacité.

Nous assistons à une scène qui amorce une critique, en dénonçant le rapport maître et valet encore très chaotique à cette épo que où la violence prenait de trop grande proportion.

Pour cela, le dramaturge se livre ici à d eux exercices concomitants : le laboratoire utopique et la comédie de mœurs.

Cette scène qui renouvelle le genre théâtral puisqu'elle est en dehors de la tra dition du classicisme en mêlant divers registres tels que le pathétique, le comique et le tragique. Ce dernier devient de même, après Molière, l'auteur le plus joué du répertoire au XX ème siècle car, sur l'ensemble de sa vie, Marivaux n'a -t-il pas fait tant de pièces tant appréciées par le public, que sa stylistique porte un nom, qu'est le marivaudage ? Constaterons -nous également que Beaumarchais, second plus grand écrivain du siècle des Lumières et auteur du Mariage de Figaro , a exprimé tout son estime pour cette courte comédie en la qualifiant de « petit bijou » et en s'inspirant pour créer son œuvre.. »

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