MARCEAU Félicien : sa vie et son oeuvre
Publié le 25/11/2018
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MARCEAU Félicien, pseudonyme de Louis Carette (né en 1913). Romancier, dramaturge et essayiste d’origine belge, né à Cortemberg. Fils de fonctionnaire, Félicien Marceau poursuit ses études aux collèges religieux de Bruxelles et de Louvain, puis à la faculté de droit de Louvain. Il devient ensuite, de 1936 à 1942, chroniqueur à la Radiodiffusion belge. En 1944, il s’établit en France, où il réside depuis lors. Ce sont d’abord ses romans qui le font connaître; ils seront, à différentes reprises, consacrés par les prix littéraires (prix Interallié 1953 pour les Elans du cœur, prix Goncourt 1969 pour Creezy). Son théâtre s'imposera ensuite, qui souvent reprend et approfondit les thèses développées par les récits: ainsi de l’Œuf (1956), illustration scénique du roman Chair et cuir (1951). Naturalisé français, Félicien Marceau est membre de l’Académie française depuis 1975.
Ses principaux essais (Balzac et son monde, 1955; le Roman en liberté, 1977) ne renouvellent guère la démarche critique du xxe siècle : ces écrits s’embarrassent volontiers dans les problèmes de la narration subjective (qui est «je»? qui parle derrière le «je», etc.), de la « crédibilité » romanesque et s’acharnent à rechercher l’« authenticité » de la littérature; toutes questions qui, après Proust et avec les études précises de la linguistique et de la sémiologie, paraissent aboutir à des lieux communs — mais qui, au demeurant, trahissent dans le domaine de la critique les obsessions essentielles de Marceau.
«
la
société - mécanique inusable que Magis appelle le
«système>>.
Alors, il s'agit, par l'exigence de lucidité,
par la « volonté>>, de se libérer des illusions sur soi et
sur autrui.
Comprendre, saisir ce que dissimule l' appa
rence est le véritable aboutissement de l'introspection;
la découverte de l'essence prime donc l'existence, qui
échappe au pouvoir du héros.
Et, de fait, les personnages
de Félicien Marceau ne ressemblent pas à ceux de
Malraux, de Sartre ou de Camus : jamais ils ne «chan
gent de vie», jamais ils ne se révoltent contre le « sys
tème » : ils jouent avec lui, le tournent en dérision, pour
mieux le rejoindre après : Magis réintégrera son «œuf»,
son cocon familial; le héros de Creezy revient, à la fin
du roman, sur la place ronde où, au début du livre, il
réfléchissait : la société ne varie pas, mais son univers
aberrant devient clair; il n'est plus le cercle étouffant qui
opprime J'individu, mais le microcosme dont les règles,
percées à jour, peuvent être exploitées.
A ce jeu, un
personnage « réel » est passé maître : Casanova, dont
Marceau scrute passionnément la trajectoire (Casanova
ou l'Anti-Don Juan, 1954; Une insolente liberté, 1983).
Pour mener à bien une quête si essentialiste, Félicien
Marceau utilise de préférence les formes littéraires les
plus usées, comme le vaudeville, car les lieux communs,
les codes, les conventions de l'écriture reflètent parfaite
ment les rites absurdes et ordonnés de la société :
«Qu'un homme puisse se trouver dans une situation
absurde, je trouve cela insultant.
C'est ce qui me fâche
dans les vaudevilles.
Il y a là toute une mécanique.
On
en rit.
On a tort.
Cette mécanique est infernale » (les
Élans du cœur).
Une telle écriture étaye donc le men
songe social par la vraisemblance des situations dramati
ques ou romanesques.
Or « le mensonge doit être vrai
semblable, parce que, lui, il est dans 1' ordre, il respecte
l'ordre [ ...
] Tout alors redevient logique, cohérent» (Un
jour j'ai rencontré la vérité, comédie, 1966).
Aussi appartient-il à 1' écrivain de rendre dérisoire cette
parole codée, de pousser jusqu'au bout la logique absurde
et conventionnelle du roman, du théâtre- du monde.
Au
terme de cette dérision, les personnages se retrouvent
libres, dans la solitude, dans le ( Creezy).
La volonté de lucidité aboutit donc, dans la littérature
comme dans la vie, au nihilisme: «On s'aperçoit alors
que, devant,soi, on n'a rien [ ...
) La vie, la mort, tout est
pareil>> (l'Etouffe-chrétien, comédie, 1960).
Et c'est là
sans doute tout le paradoxe de Félicien Marceau, qui
perpétue, d'œuvre en œuvre, une littérature traditionnelle
pour en mieux signifier le néant.
Le moraliste n'a vaincu
1' absurdité du « système » social qu'en découvrant le
> irréductible de la vie et du verbe : au terme
de cette quête négative, 1 'extase et l'amertume se mêlent
étroitement:.
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