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MAISTRE Xavier : sa vie et son oeuvre

Publié le 25/11/2018

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MAISTRE Xavier, comte de (1763-1852). On ne saurait imaginer contraste plus vif entre deux frères — et entre deux œuvres : le sévère et sarcastique Joseph de Maistre, tout entier voué à la lutte contre-révolutionnaire; le cadet, Xavier, aimable et nonchalant, grand seigneur dilettante, qui arrache à sa paresse cinq courts récits et, grâce à quelques pages où s’harmonisent l’élégante pureté de l’âge classique et les frémissements sentimentaux du premier romantisme, s’est fait un prénom et un renom.

 

Le sabre et la plume

 

Né à Chambéry dix ans après son frère Joseph, Xavier de Maistre, après des études médiocres, entre, en 1781, comme officier dans l’armée sarde, connaît les garnisons

 

solitaires, la bonne société de Turin et, surtout, complète par des lectures variées une instruction anarchique. En 1792, refusant de servir l’occupant français, il suit la retraite des troupes sardes dans le val d’Aoste, puis se réfugie à Lausanne, où il publie en 1795 le Voyage autour de ma chambre, œuvre qui respire la nostalgie du pays natal et du bonheur perdu. Privé d’emploi et d’espoir par l’effrondrement du Piémont, il s’engage au service du maréchal russe Souvarov, qu’il accompagne dans sa disgrâce et assiste dans ses derniers instants (1800). 11 exerce alors à Moscou le métier de peintre portraitiste, obtient en 1805 la direction de la bibliothèque et du musée de l’Amirauté à Saint-Pétersbourg; puis, reprenant les armes, il se distingue dans le Caucase et dans les grandes campagnes européennes de 1813-1815, à l’issue desquelles il obtient le grade de général. En 1811, il a publié le Lépreux de la cité d'Aoste. En 1813, il a épousé Sophie Zagriatzky, demoiselle d’honneur de l’impératrice, et semble fixé dans sa nouvelle patrie, mais, après avoir donné, en 1825, trois récits (les Prisonniers du Caucase, la Jeune Sibérienne, Expédition nocturne autour de ma chambre), il part pour un long séjour en Italie et en France; il ne regagne la Russie qu’en 1839. Il meurt à Saint-Pétersbourg en 1852, attristé par les deuils et les révolutions, mais fidèle à ce caractère d’insouciance amusée qui lui avait valu, à dix ans, les surnoms de pococurante et de baban (« flâneur malicieux », en patois savoyard).

 

Les armes du conteur

 

Le Voyage autour de ma chambre apparaît d’abord comme un badinage dans le goût du Voyage sentimental de Sterne : aux arrêts dans sa chambre pendant plus de quarante jours, l’auteur se livre, à propos de chaque meuble et de chaque bibelot, à d’humoristiques et vagabondes rêveries. Rien, ici, des impudeurs, du cynisme ou des charges caricaturales qui ont fait le succès du romancier anglais; comme l’a écrit Anatole France, c’est « du Sterne un peu trop innocent. L’on n’est point abeille si l’on n’a point d’aiguillon »; mais ce pastel délicat, aux couleurs fondues, où l’on glisse de l’euphorie à la mélancolie, traduit, en pleine tourmente révolutionnaire, la tentation de l’évasion imaginaire et la douce utopie de la retraite. L’Expédition nocturne autour de ma chambre reprend la même liberté de composition, tout en se dramatisant et en se chargeant de plus d’événements : Stendhal en préférait l’esprit plus vif. En comparant au Voyage autour de ma chambre le malicieux mais diffus Voyage autour de mon jardin (1845) qu’il a inspiré à Alphonse Karr, on voit ce que la manière de De Maistre a d’impondérable : il n’est pas possible de l'imiter sans en diluer et en affadir le charme.

 

Le Lépreux de la cité d'Aoste est un dialogue entre un militaire (l’auteur lui-même) et un lépreux reclus près d’Aoste, dans la tour de la Frayeur; le malheureux, avec naïveté, dit ses souffrances, ses révoltes, mais aussi son apaisement, sa foi en l’éternité. Sur les thèmes tragiques de l’enfermement et de l’exclusion par la déchéance physique, Xavier de Maistre a composé un chef-d’œuvre de suggestion, d’émotion contenue, qui tranche sur les violences et les outrances mélodramatiques dont le romantisme enrobera de tels sujets. Avec la même économie de moyens, la Jeune Sibérienne évoque l’héroïsme de Prascovia, qui obtient de l’empereur la grâce de son père injustement condamné et se consume au service de Dieu; les Prisonniers du Caucase, au fil d'une évasion pathétique et fertile en péripéties cruelles, respirent la vie fruste des espaces indomptés : aux antipodes du byronien Prisonnier du Caucase (1824) de Pouchkine, ils annoncent les nouvelles que son séjour dans la même région inspirera à Tolstoï.

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