« Mais qu'est‐ce que le théâtre, bon dieu… ?! » (Pirandello, Six personnages en quête d’auteur)
Publié le 18/06/2012
Extrait du document
Voilà bien une question que chacune et chacun se posent et que certains dramaturges, comme
Pirandello, dans « Six personnages en quête d’auteur «, ont transformée même en sujet
dramatique.
Le théâtre, art de l’éphémère, ne s’accomplit vraiment que dans la représentation, dans cette
rencontre privilégiée entre une troupe de comédiens et un public. Il repose sur le jeu des acteurs,
sans lesquels il n’aurait pas d’existence. Le texte, lui, n’est qu’une partition. Sa lecture nécessite une
réflexion, qui est, pour le lecteur, la plupart du temps sans qu’il s’en doute, une tentative de mise en
scène, de reconstruction intérieure de ce monde en mouvement. Molière était bien conscient de
cette difficulté inhérente à la lecture du texte dramatique, lorsqu’il écrivait, dans l’avertissement
« Au lecteur « placé en tête de l’Amour médecin : « On sait bien que les comédies (termes
synonymes au 17
ème
siècle de pièces de théâtre) ne sont faites que pour être jouées ; et je ne
conseille de lire celle‐ci qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu
du théâtre «.
«
Acteurs. Et le dramaturge italien de montrer qu’il s’agit d’un rêve impossible, qui défie les lois
immuables du théâtre, posées trois mille ans plus tôt par le vieil Eschyle.
‐Le directeur : […]mais au théâtre, ce ne sont pas les personnages qui jouent la comédie.
Au théâtre,
ce sont les acteurs qui la jouent. Quant aux personnages, ils sont là, dans le manuscrit (il montre le
trou du souffleur) ‐ lorsqu’il y en un !
‐Le père : Justement ! Puisqu’il n’y a pas de manuscrit et que vous avez la chance, mesdames et
messieurs, de les avoir ici devant vous, vivants, ces personnages…
‐Le directeur : Oh, elle est bien bonne celle‐là ! Est ‐ce que vous voudriez tout faire tout seuls ? Jouer
la pièce, vous présenter vous ‐mêmes devant le public ?
‐Le père : Mais oui, tels que nous sommes.
‐Le directeur : Eh bien, je vous assure que ça donnerait un drôle de spectacle !
Alors, au théâtre, les idées de l’auteur, comment les perçoit ‐on ?
Pour Marie ‐Claude Hubert, dans son étude sur le théâtre, (Le théâtre, collection Cursus, Armand
Colin) il serait « vain de chercher à déduire du texte dramatique le point de vue de son auteur.
Ainsi,
l’œuvre peut se faire l’écho de la problématique de l’époque, mais elle ne donne que très rarement
les réponses du dramaturge aux questions que se posaient ses contemporains. Les précieuses
ridicules et Les femmes savantes de Molière mettent sur scène la préciosité, mais aucune de ces
deux pièces ne permet de définir ce qu’ est la préciosité.
Toutefois, il est vrai que certaines pièces à thèmes permettent de discerner plus ouvertement les
idées du dramaturge.
C’est le cas au 18
ème siècle, avec le théâtre de Marivaux : des pièces comme l’Ile
des esclaves, La Colonie, laissent apparaître les idées progressistes du dramaturge en matière de vie
sociale.
Même chose pour le théâtre de Sénèque dans l’Antiquité ou, plus proche de nous celui de
Sartre, avec des pièces engagées comme Les séquestrés d’Altona .
Chez Sénèque, les tragédies sont
précédées d’un prologue qui ne précise pas les circonstances de l’action, mais qui dessine les grandes
lignes de la situation morale vers laquelle tend l’auteur.
Et les personnages, avec l’auteur, quelles relations possibles
Bien que le théâtre utilise abondamment le je (chaque personnage s’exprimant nécessairement à la
première personne dans la situation de dialogue), on ne peut pas parler d’une possibilité
autobiographique.
Le « Je » de Phèdre ne renvoie pas à Racine, mais à un personnage née dans
l’Antiquité et revisitée par le théâtre classique.
Bien sûr, cela ne veut pas dire que le texte
dramatique n’entretienne aucun rapport avec son auteur.
Ainsi, lorsqu’en 1661, Molière écrit
« L’école des Maris », il est follement épris de d’Armande Béjart qu’il songe à épouser.
Et en 1662, il
donne « L’école des femmes » quand il se marie avec cette jeune femme de vingt ans sa cadette.
Enfin, il écrit Le Misanthrope quatre ans plus tard, lorsque revenu de toute illusion , il sait qu’il ne
pourra jamais se faire aimer d’elle.
Et sur scène, le dramaturge se met à jouer les barbons, les
vieillards ridicules, les Sganarelles et autres Arnolphes, pour mieux exorciser sa douleur.
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