Madrigal in Sonnets pour Hélène (1578) de Pierre de Ronsard (commentaire)
Publié le 06/11/2011
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Si c'est aimer, Madame, et de jour et de nuit Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire, Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire Qu'adorer et servir la beauté qui me nuit : Si c'est aimer de suivre un bonheur qui me fuit, De me perdre moi-même, et d'être solitaire, Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre, et me taire Pleurer, crier merci, et m'en voir éconduit : Si c'est aimer de vivre en vous plus qu'en moi-même, Cacher d'un front joyeux une langueur extrême, Sentir au fond de l'âme un combat inégal, Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite : Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal ! Si cela c'est aimer, furieux, je vous aime : Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal : Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Sonnet* à Hélène : à 54 ans(âgé= dernier amour), il rencontre la jeune Hélène de Surgères, demoiselle de compagnie à la cour de Catherine de Médicis. Il composera donc des sonnets restés célèbres dont ce madrigal* :
rédigé en 1578, dont l’incipit est « Si c’est aimer, Madame … «, déclaration d’amour inspirée de la tradition de l’amour courtois. Reprise de l’amour médiéval, il va évoquer ses souffrances d’amoureux dédaigné en idéalisant sa dame, avant d’oser lui avouer sa flamme.
«
Plan en deux parties :
I) Le fou d’amour
A) Les symptômes du mal d’amour
- Le vocabulaire de la souffrance est omniprésent et appartient au lexique de la maladie :
langueur (vers 10), fièvre (vers 12), souffrir (vers 7), furieux = pris de folie (vers 14).
- Les contradictions de l’état amoureux sont marquées par des antithèses qui montrent le
déséquilibre qui mène à la folie : « Bonheur qui me fuit » (vers 5), « front joyeux et langueur
extrême » (vers 10), « chaud, froid » (vers 12).
- L’intensité des sensations et des sentiments se révèle dans les procédés d’amplification : les
adjectifs hyperboliques comme « furieux » accentué par la diérèse, « « fatal », « extrême » ou
encore par l’accumulation d’infinitifs comme « rester, songer, penser […] oublier et ne
vouloir ».
- Les anaphores « Si c’est aimer » au début des trois premiers quatrains miment l’aspect
obsessionnel et répétitif des atteintes de ce mal d’amour.
C’est donc un amoureux souffrant et sans espoir qui s’exprime et quand on songe à la
différence d’âge entre les deux personnes, on peut penser à une sorte de chant du cygne
du poète.
La dame aimée, si inaccessible, est d’ailleurs fort peu évoquée dans le poème,
comme si l’idéalisation la rendait encore plus lointaine.
B) La femme idéalisée
- Les termes traditionnels du « service d’amour » (on l’appelle fin’amor en langue d’oc, ce qui
veut dire « amour parfait » ou « amour sublimé ») sont repris grâce aux termes « adorer et
servir ».
On note que le vocabulaire chevaleresque se combine ainsi avec celui du culte
religieux.
- Le seul éloge de la dame aimée est « euphémisé » par la métonymie « servir la beauté »
comme si le poète, par pudeur, n’osait évoquer les charmes physiques de la femme et la
considérait plus comme l’incarnation du concept de la beauté.
- Il s’adresse à elle de manière fort respectueuse par l’apostrophe « Madame », en apposition et
avec une majuscule à l’initiale et par le vouvoiement : « vivre en vous ».
- Le poète s’efface aussi dans les trois premiers quatrains où son « moi » n’apparaît qu’en
position objet : « qui me nuit » ou « me perdre ».
La femme aimée est donc peu incarnée, comme si elle était plus un fantasme qu’un être
de chair qu’il faut conquérir en « un combat inégal » et « fatal », deux termes à la rime
pour en marquer l’importance..
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