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Madame du Deffand (1697-1780) CORRESPONDANCE « Je déteste la vie » - Lecture méthodique

Publié le 25/04/2014

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Madame du Deffand (1697-1780)

CORRESPONDANCE 

 « Je déteste la vie « 

« A Voltaire 

Paris, ce lundi 29 mai 1764 

 Non, monsieur1

, je ne préférerais pas la pensée à la lumière, les yeux 

de l'âme à ceux du corps ; je consentirais bien plutôt à un aveuglement total. 

Toutes mes observations me font juger que moins on pense, moins on réfléchit, 

plus on est heureux ; je le sais même par expérience. Quand on a eu une 

grande maladie, qu'on a souffert de grandes douleurs, l'état où l'on se trouve 

dans la convalescence est un état très heureux ; on ne désire rien, on n'a nulle 

activité, le repos seul est nécessaire. Je me suis trouvée dans cette situation, 

j'en sentais tout le prix, et j'aurais voulu y rester toute ma vie. Tous les 

raisonnements que vous me faites sont excellents, il n'y a pas un mot qui ne 

soit de la plus grande vérité. Il faut se résigner à suivre notre destination dans 

l'ordre général, et songer, comme vous dites, que le rôle que nous y jouons ne 

dure que quelques minutes. Si l'on n'avait qu'à se défendre de la superstition 

pour se mettre au-dessus de tout, on serait bien heureux. Mais il faut vivre 

avec les hommes, on en veut être considéré, on désire de trouver en eux du 

bon sens, de la justice, de la bienveillance, de la franchise et l'on ne trouve que 

tous les défauts et les vices contraires. Vous ne pouvez jamais connaître le 

malheur, et comme je vous l'ai déjà dit, quand on a beaucoup d'esprit et de 

talent on doit trouver en soi de grandes ressources. Il faut être Voltaire ou 

végéter. Quel plaisir pourrais-je trouver à mettre mes pensées par écrit ? Elles 

ne servent qu'à me tourmenter, et cela satisferait peu ma vanité. Allez, 

Monsieur, croyez-moi, je suis abandonnée de Dieu et des médecins, mais 

cependant ne m'abandonnez pas. Vos lettres me font un plaisir infini, vous avez 

une âme sensible, vous ne dites point des choses vagues : le moment où je 

 

1

 Le correspondant de Mme du Deffand dans la lettre donnée ici est 

l'écrivain anglais Horace Walpole (1707-1797). Fils de l'homme politique Robert 

Walpole, il entra au Parlement en 1741, mais abandonna assez vite sa carrière 

politique au profit de voyages en Europe et d'une carrière littéraire. C'est au 

cours de ces voyages, qu'il effectua en compagnie du poète Thomas Gray, qu'il 

rencontra Mme du Deffand, avec laquelle il échangea une abondante 

correspondance. 

Il fut un des initiateurs du roman noir anglais, encore appelé « Gothic 

novel «, avec Le Château d'Otrante, publié en 1764. Il est aussi l'auteur 

d'ouvrages d'

histoire et de critique d'art. Il a laissé une correspondance très 

importante. 

 reçois vos lettres, celui où j'y réponds me consolent, m'occupent et même 

m'encouragent. «

Lecture méthodique 

PRÉSENTATION DU TEXTE 

L'extrait de lettre adressée par Mme du Deffand à Horace Walpole donne  une image assez pessimiste de la « comédie humaine «, celle de la vie  mondaine et du désarroi dans lequel se trouve la narratrice. Doutant de  l'amitié, ennuyée jusqu'à la souffrance morale, elle en vient à s'interroger sur le  sens même de l'existence et sa lettre devient ainsi un véritable appel au  secours. 

La lettre suit un mouvement qui intègre successivement des remarques  générales et des allusions à une situation récente puis de nouveau des  considérations générales pour aboutir au moment présent, celui de l'écriture. 

On retrouve là les différentes modalités du genre épistolaire : le lien avec  d'autres lettres, les évocations ou le récit, un jeu constant avec le temps, celui  de l'écriture, celui des faits racontés et l'intemporalité des remarques  générales, qui sont pourtant bien souvent liées à des circonstances précises. On  pourra étudier successivement la manière dont est construite cette lettre,  l'expression du désarroi, et mettre en relief certaines caractéristiques de  l'écriture épistolaire. 

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« reçois vos lettres, celui où j'y réponds me consolent, m'occupent et même m'encouragent. » Lecture méthodique PRÉSENTATION DU TEXTE L'extrait de lettre adressée par Mme du Deffand à Horace Walpole donne une image assez pessimi ste de la « comédie humaine », celle de la vie mondaine et du désarroi dans lequel se trouve la narratrice.

Doutant de l'amitié, ennuyée jusqu'à la souffrance morale, elle en vient à s'interroger sur le sens même de l'existence et sa lettre devient ainsi u n véritable appel au secours. La lettre suit un mouvement qui intègre successivement des remarques générales et des allusions à une situation récente puis de nouveau des considérations générales pour aboutir au moment présent, celui de l'écriture.

On retro uve là les différentes modalités du genre épistolaire : le lien avec d'autres lettres, les évocations ou le récit, un jeu constant avec le temps, celui de l'écriture, celui des faits racontés et l'intemporalité des remarques générales, qui sont pourtant bi en souvent liées à des circonstances précises.

On pourra étudier successivement la manière dont est construite cette lettre, l'expression du désarroi, et mettre en relief certaines caractéristiques de l'écriture épistolaire. I.

LA STRUCTURE DE LA LETTRE L'extrait donné ici évolue en trois mouvements complémentaires et étroitement liés l'un à l'autre : une diatribe contre l'amitié, marquée par une série d'exclamations et d'interrogations ; l'évocation d'une scène de la vie mondaine qui s'est déroulée la veil le ; des considérations générales sur les comportements et sur les espoirs humains.

Une tonalité désabusée caractérise les deux derniers mouvements. Une violente diatribe contre l'amitié Ce paragraphe est en réalité une série de questions et de constatati ons portant d'abord sur l'amitié, les caractères très dépréciatifs que lui prête la narratrice, sur ses origines, sur ses promesses.

L'absence de réponse suggère une déception, un dégoût profond de l'amitié, une mise en cause sévère de son utilité.

L'amiti é est en quelque sorte le tremplin pour aborder une critique de la vie et l'affirmation personnelle très catégorique : « je déteste la vie ». Les acteurs de la « comédie humaine » Ce paragraphe est une illustration, et une explication, en situation, de la haine qu'éprouve Mme du Deffand pour la vie.

En donnant l'image d'une soirée mondaine perçue comme un jeu de masques très négatif, elle souligne la vanité de la vie sociale, superficielle et décevante.

Elle -même se met en situation et. »

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