« Madame Bovary » et le talent de Flaubert romancier.
Publié le 21/09/2018
Extrait du document
Si Emma descend la première, c’est qu’elle est entraînée par sa joyeuse impatience. Elle souhaitait vivement ce changement de résidence qui l’amène à Yonville-l’Abbaye. Elle s’ennuyait à mourir à Tostes où exerçait son mari. Elle va avec enthousiasme au-devant du nouveau et de l’inconnu. La petite bonne emboîte naturellement le pas à sa maîtresse qu’elle suit partout comme un chien fidèle. Quant à Charles « qui s’était endormi complètement dans son coin dès que la nuit était venue » et qu’on est obligé de réveiller, il est tout entier dépeint dans cette phrase : il étale son manque de délicatesse — car il s’est naturellement emparé en conquérant, comme le souligne l’emploi de l’adjectif possessif, de la place la plus confortable sans songer un instant à la laisser à sa femme. Dans cette aptitude à s’endormir profondément en toute occasion il manifeste son tempérament lourd et épais. Enfin en bon paysan il s’endort naturellement à la tombée de la nuit.
Ce ne sont là que des touches rapides que la scène dans l’auberge permet de compléter. De Madame Bovary nous apprécions, dès l’abord, le souci de distinction dans les manières.
«
reproduire dans sa vérité pittoresque le specta cle quotidien de
la vie courante .
A travers les gestes, les attitudes, les propos
des personnages, il nous fait entr evoir leur caractère, les sentim ents
qui les animent et qui éclairent leur conduite.
Cette page si
banale à première vue présente ainsi un triple intérêt : pittoresque,
psychologique et dramat ique.
1.
LA PEINTURE PITTORESQUE
É crivain réaliste, Flaub ert s'attache à observer et à décrire
des dét ails, insignifiants en app arence, que beaucoup de romanciers
ju geraient bon de passer sous silence .
Il énumère les voyageurs
qui successivement descendent de la dilig ence.
Il s'attarde sur
tout à décrire Madame Bovary qui, dans la cuisine de l'auberge,
présente à la flamme du foyer ses pieds transis.
Mais à ces détails
insignifiants il donne une valeur pittoresque : il met en valeur la
qualité originale que prend chez un être le comp ortement le
plus banal.
Il nous fait voir le geste d'Emma qui de 1 'extrémité
de ses deux doigts, avec une élégance qui n'est pas dénuée de
recherche, relève délicatement sa robe : pour en suggérer la
lenteur il en évoque les temps successif s ; le rythme de la période
qui progresse sans hâte, avec des pauses régulières à chaque
virgule, contribue fortement à accuser la même impression.
Ce dessinateur est aussi un coloriste.
Voilà pourquoi il évoque
avec justesse la grande clarté que projette sur la jeune femme le
foyer qui s'embrase sous 1 'effet d'un souf fle de vent.
Il en note à la
fois l'in tensité et la nuance (c'est une « grande couleur rouge »),
le caractère intermitte nt.
Il précise surtout la crudité de cette
lu mière frisante qui vient de bas en haut et qui en frappant
ainsi obliqu ement accuse tous les relief s : la trame de la robe
et les pores de la peau.
La note discrète de caricatur e n'est pas
non plus absente du table au.
L'écrivain note la diss onance
entre le geste un peu précieux d'Em ma et le cadre prosaïque
où elle fait des grâces :c' est au-dessus du gigot qui tour ne qu'elle
tend élégamment son pied à la flamme .
Il.
L'INTÉRÊT PSYCHOLO GIQUE
Mais la qualité pittoresque du tableau est inséparable chez
Flau bevt de 1 'i ntérêt psychologique.
S'il restitue avec tant d 'exac
titude et de relief le compo rtement des personnages, c'est que
ce com portement révèle leur caractère et leurs sentim ents.
On
aurai t pu trouver superflu le soin qu'apporte l'écrivain à nous.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- En analysant cette page de « Madame Bovary », vous tenterez d'apprécier le talent de Flaubert romancier.
- En analysant cette page de « Madame Bovary », vous tenterez d'apprécier le talent de Flaubert romancier.
- En analysant cette page de « Madame Bovary », vous tenterez d'apprécier le talent de Flaubert romancier.
- ÉTUDE LINÉAIRE 5 : G. Flaubert, Madame Bovary, Chapitre VIII, 2ème partie
- « Pourquoi Flaubert a-t-il intitulé son roman Madame Bovary, mœurs de province ?