ma boheme de rimbaud
Publié le 06/11/2012
Extrait du document
«
quatrains : ici, il y en a deux ([vé/éal]; [ou/ours]).
Enfin, tout sonnet est tendu vers son dernier vers qui, ici, est des plus loufoques (voir
infra).
· rythmes capricieux : Rimbaud s'ingénie à briser la régularité de l'alexandrin; il évite dans plusieurs vers de placer la coupe
principale à l'hémistiche comme le veut la tradition (cf.
vers 1; 3; 4; 7; 12; 13).
Les vers concernés présentent des profils rythmiques
dissymétriques : 1/11 (vers12); 3/6/3 (vers 4); 5/7 (vers 13).
Les glissements fréquents d'un vers sur l'autre (rejets des vers 6-7, 10-11;
enjambement des vers 13-14) permettent de mettre en relief des mots-clés ("des rimes" vers 7 ) et créent des accélérations
inattendues.
Ces inégalités conviennent à l'expression de la fantaisie, de l'errance sans but au hasard des chemins.
Elles rapprochent
le débit du poème de celui de la prose et contribuent par là au ton désinvolte du texte.
· rimes insolites et jeux phonétiques : Rimbaud donne aussi l'impression de s'amuser beaucoup avec les mots.
Par exemple dans la
rime "fantastique/ élastique" ou dans la multiplication des rimes en [ou] : trou / frou-frou; course / ourse: gouttes /routes.
Le froissement
soyeux des étoiles est rendu par le triple [ou] de "doux frou-frou".
On ne jurerait pas que le bizarre pluriel "des lyres" ne soit pas là pour
qu'on comprenne "délires".
Quant au mot "pied" dans "Un pied prés de mon cœur", comment faut-il l'interprèter.
Comme l'organe de la
marche ou comme l'unité de mesure du vers ? Et le hiatus de "paletot aussi" … Il eût été si facile de le supprimer qu'on doit le
considérer comme une laideur volontaire.
· le mélange du noble et du familier : Une autre caractéristique "fantaisiste" est le mélange de motifs poétiques traditionnels, mieux :
de véritables clichés romantiques ("Muse, lyre, ciel, étoiles, féal, amours splendides…") avec un vocabulaire franchement prosaïque :
culotte, large trou, poches crevées, paletot, élastiques, Oh ! là là!".
Ce mélange répond à un but parodique.
Il s'agit pour Rimbaud
d'affirmer son refus de la "vieillerie poétique" (comme il dit dans Une saison en enfer ), d'ironiser sur lui-même, d'éviter un trop facile
pathos.
Ce mélange du noble et du familier culmine avec le dernier vers du poème : "de mes souliers blessés, un pied contre mon
cœur".
· images insolites : Notons pour terminer le goût pour les images hardies, celles qui associent des registres différents : comparaison
des "élastiques" avec des "lyres"; celles qui associent le concret à l'abstrait : "égrener des rimes"; "paletot idéal".
A la manière des romantiques, Rimbaud cherche son inspiration dans la nature mais pas dans une nature violente de tempêtes ou
d'ouragans, non, dans la simple campagne que chacun peut observer.
Il s'arrête au bord de la route pour observer et il égrène ainsi les
rimes.
Il court les chemins dans un état de pauvreté, comme dans une épreuve initiatique.
Alors les "lacets" de ses souliers deviennent
les cordes de sa lyre, c'est la citrouille des contes de fées qui deviennent des carrosses.
Rimbaud s'il choisit les limites étroites du
sonnet pour donner forme à ses idées prend quelques libertés dans les rimes des deux quatrains qui ne sont pas identiques et surtout
le dernier vers qui généralement constitue le point d'orgue, la morale est ici une phrase qui ne veut absolument rien dire.
Si Rimbaud
s'affranchit des règles du sonnet, il joue aussi sur les alexandrins, les désarticule, s'ingénieà en briser la régularité, s'amuse à le couper
au delà de l'hémistiche.
Toutes ces inégalités conviennent à sa fantaisie, image de sa liberté sans but au hasard de ses chemins de
campagne.
Il tend à rapprocher le débit du poème régulier et bien scandéà celui de la prose plus continue et qu'il annonce ici.
Rimbaud
donne l'impression de s'amuser avec les mots qu'il mélange habilement dans une sorte de frou-frou, mélangeant le vocabulaire familier
"paletot, trou, souliers" à des des termes plus savants "rosée, lyre" qui culmine dans le dernier vers "de mes souliers blessés, un pied
contre mon cœur".
"Ma Bohème" plac é en conclusion du cahier de Douai illustre le programme po étique de
l'auteur. Il
ébauche ici en tr ès peu de mots toute la th ématique de l'homme aux semelles de
vent, du po
ète vagabond ou du "clochard c éleste", celle du voyage, de la r évolte, de la
pauvret
é, de l'enfance, de la nature. En adolescent rebelle il veut tordre le cou aux vieilles
r
ègles de la po ésie, briser le rythme de l'alexandrin et pousser la po ésie aux limites de la
prose. C'est assur
ément un manifeste pour une po ésie nouvelle faite de m élanges d' élans
lyriques et d'autod
érision, de parodie, une po ésie iconoclaste..
»
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