«Lui parti, j'ai retrouvé le calme. » - L'Etranger de CAMUS
Publié le 20/11/2012
Extrait du document

Alors que L'Etranger s'achève, il reste à cette aventure
singulière à découvrir sa dimension collective. Meursault
porte une dernière fois son regard sur les autres hommes,
en un geste qui est à la fois de défi («qu'ils m'accueillent
avec des cris de haine«) et d'appel («pour que je me sente
moins seul«). Le roman suivant de Camus, La Peste,, nous
montrera quel est le chemin qui mène de la conscience
absurde à 1 'esprit de révolte.

«
170 1 Etude deL' Etranger
d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indif
férence du monde.
De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel
enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais
encore.
Pour que tout soit consommé, pour que je me sente
moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de
spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent
avec des cris de haine.
• «Lui parti, j'ai retrouvé le calme.
J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette.
Je crois que j'ai dormi
parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage.
Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi.
Des
odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes
tempes.
La merveilleuse paix de cet été endormi entrait
en moi comme une marée.
A ce moment, et à la limite de
la nuit, les sirènes ont hurlé.
Elles annonçaient des
départs
pour un monde qui maintenant m'était à jamais
indifférent.
>>
Le roman s'achève sur une page splendide de sérénité.
Le calme en apparaît plus profond encore par l'effet de
contraste dont joue Camus: après la violence de
l' affron
tement avec
le prêtre, Meursault pénètre dans un univers
pacifié.
Le passage est doté d'une densité presque oni
rique :
le narrateur n'est pas certain d'avoir dormi et la
frontière entre conscient et inconscient, rêve et réalité
s'estompe ainsi.
Le plus frappant est la manière dont le décor de la cel
lule semble s'être mystérieusement volatilisé: entre
Meursault et l'univers environnant, les murs, les portes et
les barreaux ont comme disparu.
L'obscurité de la nuit les
a absorbés et le narrateur exprime le sentiment d'être en
quelque sorte immergé dans ce monde du dehors dont
l'accès lui est depuis de longs mois interdit.
Une commu
nion nouvelle semble ainsi possible à laquelle participent
tous les sens: la vue mais aussi l'ouïe
(«Des bruits de
campagne
...
») ou l'odorat («Des odeurs de nuit, de terre,
de
sel»).
L'univers entier (ciel, terre, mer) semble tourné
vers le visage de Meursault qui, à son tour,
se fond en lui :.
»
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