Lorenzaccio, IV, 9 : commentaire -
Publié le 27/03/2015
Extrait du document
Dans ce troisième monologue de l'acte IV, Lorenzo se prépare au crime et il attend sa victime. Il ne s'agit plus, comme dans les monologues des scènes 3 et 5, de montrer l'écartèlement du héros entre son passé et sa vie présente, mais de rendre sensible par le langage l'excès dont est capable le personnage romantique.
Est-elle bonne fille ? — Oui, vraiment. — En chemise ? — Oh! non, non, je ne le pense pas. — Pauvre Catherine ! — Que ma mère mourût de tout cela, ce serait triste.— Et quand. je lui aurais dit mon projet, qu'aurais-je pu y faire ? au lieu de la consoler, cela lui aurait fait dire : Crime ! Crime ! jusqu'à son dernier soupir !
Je me trompe d'heure ; ce n'est que la demie. Quelle est donc cette lumière sous le portique de l'église ? on taille, on remue des pierres. Il paraît que ces hommes sont courageux avec les pierres. Comme ils coupent! comme ils
(Il sort en courant.)
«
35 Est-elle bonne fille? - Oui, vraiment.
- En chemise? -Oh! non, non, je ne
le pense pas.
- Pauvre Catherine ! - Que ma mère mourût de tout cela, ce
serait
triste.- Et quand.
je lui aurais dit mon projet, qu'aurais-je pu y faire?
au lieu de la consoler, cela lui aurait fait dire: Crime! Crime! jusqu'à son
dernier soupir!
40 Je ne sais pourquoi je marche, je tombe de lassitude.
(Il s'assoit sur un banc.)
Pauvre Philippe ! une fille belle comme le jour.
Une seule fois je me suis assis
près d'elle sous le marronnier; ces petites mains blanches, comme cela tra
vaillait!
Que de journées j'ai passées, moi, assis sous les arbres! Ah! quelle
tranquillité! quel horizon à Cafaggiuolo ! Jeannette était jolie, la petite fille
45 du concierge, en faisant sécher sa lessive.
Comme elle chassait les chèvres qui
venaient marcher sur son linge étendu sur le gazon! la chèvre blanche reve
nait toujours, avec ses grandes pattes menues.
(Une horloge sonne.) Ah! ah! il
faut que j'aille là-bas.
-Bonsoir, mignon; eh! trinque donc avec Giorno.
-
Bon vin! Cela serait plaisant qu'il lui vînt à l'idée de me dire: Ta chambre
50 est-elle retirée? entendra-t-on quelque chose du voisinage? Cela serait plai
sant; ah! on y a pourvu.
Oui, cela serait drôle qu'il lui vînt cette idée.
Je me trompe d'heure; ce n'est que la demie.
Quelle est donc cette lumière
sous le portique de l'église? on taille, on remue des pierres.
Il paraît que ces
hommes sont courageux avec les pierres.
Comme ils coupent! comme ils
55 enfoncent! Ils font un crucifix; avec quel courage ils le clouent! Je voudrais
voir que leur cadavre de marbre les prît tout d'un coup à la gorge.
Eh bien,
eh bien, quoi donc? j'ai des envies de danser qui sont incroyables.
Je crois,
si je m'y laissais aller, que je sauterais comme un moineau sur tous ces gros
plâtras
et sur toutes ces poutres.
Eh, mignon, eh, mignon! mettez vos gants
60 neufs, un plus bel habit que cela, tra la la! faites-vous beau, la mariée est
belle.
Mais, je vous le dis à loreille, prenez garde à son petit couteau.
(Il sort en courant.)
(COMMENTAIRE)
Enjeu de la scène: le langage de l'exaltation
Dans ce troisième monologue de l'acte IV, Lorenzo se prépare au crime et
il attend sa victime.
Il ne s'agit plus, comme dans les monologues des
scènes 3 et 5, de montrer l'écartèlement du héros entre son passé et sa vie
présente, mais de rendre sensible par le langage l'excès dont est capable
le personnage romantique.
D L'anticipation du crime
Tout est prêt pour le meurtre d'Alexandre: pour Lorenzo, le temps n'est
plus à la délibération mais à la mise en condition.
Durant cette véritable
174.
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