L'oeuvre en son temps: La Chute de Camus
Publié le 05/08/2014
Extrait du document

Très engagé dans son époque, Camus est devenu après la guerre un des
« phares « de la vie intellectuelle parisienne. Chez Gallimard, il partage
avec les existentialistes* discussions, passions, engagements, soirées. Or,
la publication de L'Homme révolté va brusquement le rejeter hors du
sérail: violente querelle avec Les Temps modernes, c'est-à-dire avec Sartre
et ses amis, blessure, repli sur soi. La Chute est le fruit de cette rupture et de
ces drames.

«
E X P 0 S É S F C H E S
Il -L'HOMME RÉVOLTÉ
Après le cycle de l'absurde, développé par Le Mythe de Sisyphe, L'Étranger et Caligula, Camus a inauguré un nouveau cycle, qu'il a lui-même intitulé « la
Révolte », comme réponse à l'absurde.
Il présente la révolte dans un essai,
L'Homme révolté, qui paraît en 1951.
En cinq parties, il envisage les différentes
formes de révolte métaphysique, historique et artistique pour dénoncer tous les crimes commis au nom de l'idéologie, les révolutions confisquées par le totalita
risme et refuser les morales orgueilleuses, de gauche
comme de droite, « les camps
d'esclaves sous la bannière de la liberté, les massacres justifiés par amour de
l'homme ou le goût de la surhumanité ».
Courageusement, il remet en question la
révolution soviétique, mais surtout française, se mettant
à contre-courant de la
tradition scolaire républicaine.
Face à
l'échec des grandes utopies, Camus, seul de son milieu, rejette égale
ment le fascisme
et le stalinisme, et propose pour salut la révolte artistique.
Ill -LA POLÉMIQUE
Les Temps modernes
L'Homme révolté paraît en octobre 1951.
La presse de droite applaudit.
Après
une longue attente,
c'est Francis Jeanson qui écrit dans larevuedeSartre,Les Temps modernes, vingt pages d'une rare violence contre l'essai - « un grand livre
manqué»-, et contre Camus et« !'inconsistance de sa pensée ».
Abasourdi, celui-ci
réagit vivement et implique
Sartre, qui l'éreinte dans une lettre au vitriol.
La que
relle se poursuivra, amplifiée par la presse, empoisonnée par les cercles de « bons
amis
», et les deux hommes ne se reverront plus.
Attaqué de tous côtés, isolé, Camus est blessé, s'assombrit, se confie dans ses lettres et écrit dans ses
Carnets : « Paris est une jungle, et les fauves y sont miteux », ou : « Polémique T.M.
- Coquineries.
Leur seule excuse est dans la terrible époque ...
»Sartre com
mence alors à s'engager plus nettement aux côtés des communistes, et ne rompra
avec eux que lors de la violente répression de l'insurrection de Budapest en 1956.
!:a rup~re
À part pour quelques précieux fidèles, René Char ou Louis Guilloux, l'ouvrage
marque la fin d'une phase brillante de Camus et l'isole loin de sa famille naturelle,
l'intelligentsia de la gauche non communiste.
Simone de Beauvoir, deux ans plus tard, poursuit le « règlement de comptes »
avec son roman à clefs, Les Mandarins, qui présente un Camus caricatural.
Ce der
nier laisse passer :
« On ne discute pas avec les égouts.
» En fait, la fracture entre
Camus et le cercle des « existentialistes » était plus ancienne.
La publication
récente des lettres de
Simone de Beauvoir à Nelson Algren confirme une hostilité
latente dès 1947, probablement fondée sur une rivalité littéraire
et personnelle, que
L'Homme révolté matérialise en débat idéologique.
Plus tard, elle le classera sim
plement parmi les écrivains de droite (lettre du
13 mai 1954 ).
Conclusion : C'est de cette blessure qu'est née La Chute.
Elle en porte
les traces,
et les lignes les plus violentes ne se comprennent qu'en référence
à
ces« fauves» médiocres mais méchants qu'il a trouvés face à lui en 1952.
CAMUS~.
»
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