L'OEUVRE DE FÉNELON
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
toujours l'homme contre l'homme qui répand son propre sang, qui déchire ses propres entrailles...
» Dans le Télémaque , appliquant cette maxime générale, Mentor condamne les actions militaires où s'est engagé Idoménée : pour régler les différends, il recourt à un arbitrage et postule ainsi au-dessus de la souveraineté des États une sorte de droit international. L'idéalisme politique de Fénelon s'élève jusqu'à l'utopie d'une république universelle : « Chacun doit infiniment plus au genre humain, qui est la grande patrie, qu'à la patrie particulière dans laquelle il est né.
»
Fénelon et les philosophes. Par sa pensée politique, Fénelon annonce, de façon parfois singulièrement précise, les « philosophes » du siècle suivant .
L'État idéal qu'il évoque, Bétique ou Salente, ne ressemble guère à la France monarchique : sa chimère s'apparente plutôt au rêve de la vertueuse société troglodyte dans les Lettres persanes ou au mythe de l'état de nature dans le Discours sur l'inégalité. Quand il affirme la souveraineté de la loi, on pense à Montesquieu.
Quand il maudit la guerre et vante l'arbitrage, on pense à Voltaire.
Quand il condamne le luxe et exalte la vertu civique, on pense à Rousseau.
Aussi fut-il honoré au XVIII e siècle et célébré comme un précurseur par les révolutionnaires.
C Un écrivain délicat
Le classique. Par ses doctrines littéraires et par ses goûts, Fénelon se rattache au classicisme. Comme un Boileau ou un Pascal, il réclame, dans tous les domaines, la vérité et le naturel.
Il proscrit les ornements inutiles et recommande la simplicité, qui consiste, non certes à s'abandonner au hasard, mais à chercher l'expression directedes idées et la transcription naïve des images spontanées.
Cette simplicité est en somme un « moyen court » pour atteindre à la beauté, comme la méthode quiétiste pour parvenir au bonheur.
Mais, pour réaliser cet idéal littéraire, Fénelon s'inspire de modèles : aucun classique, sauf peut-être Racine, n'a autant que lui aimé et cultivé les écrivains antiques ; il se complaît dans les légendes mythologiques, il admire Sophocle, il est pénétré d'Homère et de Virgile; le culte de la beauté, qui fut au cœur de la vie païenne, apparaît à ce chrétien, en même temps que comme une exigence profonde de son tempérament, comme une façon de rendre hommage à Dieu.
Le novateur. Fénelon cependant est incapable de se tenir à une doctrine. Son intelligence regarde au-delà de l'idéal classique et reconnaît des mérites à Ronsard, honni par Boileau; son libre génie refuse de s'asservir à un genre.
Si, dans l'austère développement de la Lettre à l'Académie , sa phrase emprunte une vigueur et une plénitude qu'il semble avoir héritées du classicisme, il se révèle tout différent dans les œuvres où il s'abandonne à la pente de son véritable tempérament littéraire.
Il est souvent plein d'une grâce aimable et fleurie dans le Traité sur l'éducation des filles. Dans le Télémaque , il révèle les agréments d'une imagination facile, volontiers poétique, d'un style harmonieux et fluide dans son harmonieuse nonchalance, qui déjà se plaît aux évocations de sons et de couleurs.
Fénelon a écrit : « Peindre, c'est rendre l'effet sensible.
» Par-delà le raisonnable classicisme, il fonde une esthétique nouvelle.
Fénelon et le préromantisme. Ainsi s'explique son influence littéraire. Fénelon n'a pas seulement contribué au renouveau du goût antique et introduit dans notre littérature quelques éléments du paysage où évoluera naturellement le Grec Chénier. Il a créé une prose poétique , un peu pâle, un peu mièvre, un peu monotone pour notre goût de modernes, dans le perpétuel agrément de son rythme, mais qui eut certainement une postérité. Rousseau retrouve par moments l'ingénuité et la fraîcheur de ses descriptions; Bernardin de Saint-Pierre, quis'apparente à Fénelon par sa vision de l'univers, se plut aux enchantements et aux effusions de son style; Chateaubriand, élevé aux environs de 1780, pendant la période du renouveau gréco-romain, garde dans l'imagination le souvenir de ses tableaux antiques, dans l'oreille le son de sa phrase.
Ainsi, celui dont la pensée politique prélude aux hardiesses du XVIII e siècle peut être aussi considéré comme un initiateur très lointain des tendances préromantiques..
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