L'OEUVRE D'ANDRÉ CHÉNIER
Publié le 15/02/2011
Extrait du document
— SON ÉVOLUTION :
I. Le poète antique : — La culture antique de Chénier est très poussée : retour à l'antique de son époque ; sa mère est imprégnée de culture grecque ; il fréquente les humanistes (Brunck). Le dernier quart du XVIIIe siècle a vu une renaissance du goût pour l'antiquité. L'Académie des Inscriptions pousse les recherches archéologiques. Recueil d'antiquités du Comte de Caylus ; fouilles d'Herculanum et de Pompé! ; Voyage du Jeune Anacharsis de l'abbé Barthélémy ; Anthologie grecque de Brunck, etc...
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UN VRAI POETE : ANDRE CHENIER
Le fait que Chénier soit le seul poète du XVIIIe siècle à mériter dans la plupart des histoires de la littérature unchapitre à part, a sans doute contribué à donner le sentiment qu'il constituait une sorte de phénomène, voire demiracle, dans une époque dont nous avons vu qu'elle était jugée comme particulièrement aride sur le plan poétique.En vérité, Chénier est avant tout un homme de son temps, avec toutes les contradictions que cela comporte,surtout dans la période de bouleversement au cours de laquelle il vécut.
Ses idées, il les doit essentiellement àVoltaire, à Montesquieu, à Rousseau, aux encyclopédistes.
Ses poèmes, par bien des aspects, ressemblent à ceuxd'un Lebrun, d'un Dellile ou d'un Parny.
De plus, la plupart d'entre eux sont restés à l'état d'ébauche ou sontinachevés.
Alors pourquoi cette place privilégiée ? Est-ce parce que son sort tragique a frappé l'imagination ouparce que les poètes romantiques ont vu en lui leur plus digne précurseur ? Ou bien tout simplement n'est-ce pasprécisément parce qu'il est le représentant le plus typique, par ses théories comme par sa pratique, des grandestendances poétiques du XVIIIe siècle, celui qui en a donné l'expression la plus frappante, c'est-à-dire la plus prochede l'idéal vers lequel elles tendaient.Sa personnalité, lorsqu'on examine les circonstances de sa vie et son comportement, paraît avoir été complexe.
Il yeut d'abord en lui, semble-t-il, un être indécis, peu soucieux d'assurer seul sa subsistance, aimant le luxe, lesfemmes, les parties fines et de ce fait tributaire de la générosité d'amis beaucoup plus fortunés que lui comme lesfrères Trudaine et François de Pange avec lesquels il fréquente la jeunesse dorée de la capitale.
Il partage d'ailleursles idées politiques de ces fils de banquiers et d'aristocrates qui, vite déçus, on le comprend, par la révolution,furent les artisans de la réaction thermidorienne.
C'est pour ce public qu'il écrit des « Elégies » et entreprend un «Art d'aimer » où il développe les thèmes habituels de ce genre de poésie : douceur de la vie oisive dans un cadredélicatement rustique, apologie de la simplicité et des plaisirs naturels, voluptés et tourments de l'amour...
en desvers d'une grâce un peu mièvre et trop uniformément harmonieux.
« Douce mélancolie, aimable mensongère,Des antres, des forêts déesse tutélaire,Qui vient d'une insensible et charmante langueurSaisir l'ami des champs et pénétrer son coeur,Quand, sorti vers le soir des grottes reculées,Il s'égare à pas lents au penchant des vallées,Et volt des derniers feux le ciel se colorer,Et sur les monts lointains un beau jour expirerDans sa volupté sage, et pensive, et muette,Il s'assied, sur son sein laisse tomber se tête.»
Mais à côté de ce Chénier mondain et délicatement épicurien, du moins dans ses poèmes, il y eut aussi le perpétuelétudiant, le chercheur insatiable qui, depuis les années passée au collège de Navarre, ne cessa jamais de réfléchirsur les chefs-d'oeuvre de l'antiquité grecque et latine, de les annoter, de discuter au besoin les commentairesérudits de leurs présentateurs, de suivre avec attention les progrès des recherches de tous ordres concernant lemonde antique.
D'ailleurs, sa correspondance en témoigne, l'étude fut souvent pour lui le moyen de fuir une sociétéfactice au sein de laquelle il avait le sentiment de perdre son temps et ses forces, de lutter contre l'angoisse qui lesaisissait à la pensée qu'il ne pourrait pas réaliser ses ambitions poétiques.Vivant grâce à elle dans la familiarité des héros de la Grèce ou de la Rome antique, il pouvait ainsi oublier quelquepeu ses contemporains ou même rêver de les rendre semblables aux grands hommes du passé.
Dans cetteperspective, il lui arrivait de concevoir l'activité poétique non seulement comme le moyen de ressusciter aux yeux dumonde moderne le climat et les couleurs de l'antiquité mais encore de le régénérer moralement en lui faisantcomprendre et sentir ce qu'étaient les vertus et la sagesse des Anciens 2.
Les poèmes des Bucoliques qu'il acomposés presque tout au long de sa vie, illustrent bien cette conception.
Certes, ils sont souvent alourdis par uneérudition excessive ou laissent trop voir les emprunts de leur auteur.
L'image de la Grèce homérique ou alexandrinequ'ils nous donnent, tantôt pathétique à la Greuze, érotique à la Parny ou à la Restif, vertueuse à la Rousseau, peutaujourd'hui paraître bien conventionnelle, trop fade ou au contraire, parfois, trop clinquante.
Mais on comprend qu'ilsaient enthousiasmé les poètes romantiques et surtout les Parnassiens, par la souplesse et la musicalité de leursvers, par la beauté plastique de leurs images et leur sens du mouvement :
HERCULE SUR L'OETAOeta, mont ennobli par cette nuit ardente,Quand l'infidèle époux d'une épouse imprudenteReçut de son amour un présent.
trop Jaloux,Victime du Centaure immolé par ses coups ;Il brise tes forêts ta cime épaisse et sombreEn un bâcher immense amoncelle sans nombreLes sapins résineux que son bras a ployés.Il y porte la flamme.
Il monte ; sous ses piedsEtend du vieux lion la dépouille héroïque,Et l'oeil au ciel, la main sur sa massue antique,.
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