L'oeuvre d'A. de Vigny correspond-elle à cette définition de Sully Prudhomme : « Il me semble qu'il n'y a dans le domaine de la pensée rien de si haut et de si profond à qui le poète n'ait mission d'intéresser le coeur » ?
Publié le 09/09/2014
Extrait du document
Nous percevons déjà dans ce roide silence
du loup agonisant une secrète amertume. Le poète, nous l'avons vu, insiste dans le Mont des Oliviers sur la déréliction du Christ : la conclusion du texte rejoint et explicite celle de la Mort du Loup. Le dédain manifeste du ciel doit entraîner chez l'homme un semblable dédain :
« Le juste opposera le dédain à l'absence
Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité. «
Vigny trouve alors une nouvelle raison de vivre dans le culte de l'Esprit. La Bouteille à la mer symbolise la pérennité de la science, le culte du progrès humain :
« Le vrai Dieu, le Dieu fort est le Dieu des idées «.
Dans le texte final du recueil, l'Esprit Pur est présenté comme le garant de toute noblesse, le « roi du monde «.
De telles affirmations rejoignent celles des philosophes scientistes, contemporains de Vigny : son oeuvre s'insère donc dans un moment déterminé de l'histoire des idées.
«
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que l'homme est seul, qu'il ne saurait trouver un refuge autre qu'imaginaire.
Aussi prête-t-il à la nature une indifférence glacée:
« ...
Je suis l'impassible théâtre
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ...
» « On me dit une mère et je suis une tombe.
»
Rejeté par un univers hostile, l'homme n'a même pas su se
créer un monde à sa mesure.
Éva, pour trouver le bonheur,
devra fuir la société, les «cités serviles », ce bagne où le galérien
voit
« ...
sur son épaule nue La lettre sociale écrite avec le fer.
»
Il n'y a plus d'espoir dans ce royaume du «poison des
mensonges » et des « marchands jaloux ».
L'homme aux prises Plus précise et plus profonde que celle avec lui-même des autres poètes romantiques, la
malédiction que Vigny lance contre
la société se retourne contre
l'homme lui-même: sur le plan indi
viduel, que pouvons-nous espérer? Nos sentiments nous fuient, l'amour avilit ses victimes : dans la Colère de Samson, Dalila
incarne la perfidie, la séduction lascive ; l'homme engourdi par la tendresse se laisse vaincre.
Pessimiste et méprisant, Vigny
dépouille la passion d'un charme qu'il juge illusoire, voire
dangereux, lorsqu'il détourne l'homme de la pensée.
Il est vrai
que sur ce plan aussi l'échec sanctionne les tentatives humaines,
et cette douloureuse expérience inspire au poète, dans La Flûte,
un vers désespéré :
« Tout homme a vu le mur qui borne son esprit.
»
L'homme et la religion Pascal, par des analyses similaires,
entraînait son lecteur vers la religion.
Les poètes romantiques éprouvaient la valeur consolante de la
foi.
Vigny ne se satisfait pas de sentiments, et pose
le problème
de la liberté.
Il rappelle dans .les Destinées le fatalisme antique, le
sort douloureux d'une humanité qui se croyait le jouet de l'arbi
traire divin ; mais la venue du Christ ne semble pas avoir allégé le poids de la « sombre Légion ».
Poussant plus loin la réflexion,
Vigny aboutit dans le Mont des Oliviers à une constatation déses
pérée : le Christ a été abandonné, l'homme est abandonné.
Chacun des textes que nous avons évoqués traite ainsi d'un.
»
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