L'mage de la femme dans la littérature africaine
Publié le 30/04/2024
Extrait du document
«
INTRODUCTION
PROBLÉMATIQUE ET BUT DE LA RECHERCHE
Parmi les événements sociaux qui ont bouleversé notre siècle, la question
féminine demeure au cœur du débat et donne lieu à de vives controverses.
Parti des
Etats-Unis d’Amérique et de l’Europe, ce courant déferle sur le monde entier pour
finalement arriver en Afrique noire dans la seconde moitié du XXème siècle.
Confronté aux mouvements nationalistes qui émergent sur l’étendue du continent dans
les années 1960, le féminisme n’est pas, à cette époque, l’une des préoccupations
majeures du monde africain.
Selon Pierrette Herzberger-Fofana, « les premiers écrits
sur la femme africaine datent du XIXème siècle et proviennent d’anthropologues,
missionnaires et gouverneurs qui tous, n’avaient qu’un but, justifier l’esclavage ou la
mission civilisatrice et renforcer ainsi les coutumes dans leur aspects coercitif.
»1 Ceci
dit, on représentait la femme noire comme une machine travaillant sans répit, une
esclave assumant toutes les charges domestiques quotidiennes.
Cette représentation ne
pouvait que corroborer l’institution du servage mise en pratique durant l’époque
coloniale.
Pendant que certains romanciers africains mus par le désir de glorifier leur
mère, sœur et épouse tel Léopold Sedar Senghor dans son poème « Femme noire »
dans Chants d’ombre (1945), d’autres ont illustré la femme africaine comme un être
docile, résigné, soumis qui accepte son sort par fatalisme et sans répit de révolte ou de
liberté2.
Tel est le cas du personnage d’Awa Astou dans Xala (1973) de Sembène
1
Pierrette Herzberger-Fofana: Littérature féminine francophone d’Afrique noire, Paris, L’Harmattan,
2000, P.
08.
2
ibid., P.
08
1
Ousmane.
Ceci est la raison pour laquelle certaines critiques affirment que «
pratiquement, toutes les œuvres qui analysent l’image de la femme africaine dans la
littérature se fondent sur les œuvres écrites par les hommes.
Ces ouvrages reflètent
certes la sensibilité artistique de l’auteur et la sympathie qu’il éprouve pour la femme
africaine, mais donnent une vision imparfaite du psyché féminine.
Le rôle de la femme
n’est défini qu’en fonction de celui qu’elle joue dans la vie de l’homme et non pour
elle-même.
»3 Par ailleurs, les romancières africaines, dès leur prise de parole,
introduisent une nouvelle dimension dans leurs portraits qui est leur propre sensibilité.
Les problèmes auxquels les femmes africaines sont confrontées dans une Afrique en
évolution prennent sous leurs plumes une autre valeur.
En 1984, Jacques Chevrier doutait de l’existence d’une écriture féminine en
Afrique en notant que « Si l’on rend un juste hommage à la littérature écrite par des
femmes-écrivains, peut-être est-il encore trop tôt pour parler d’une écriture féminine.»4
Selon Tirthankar Chanda et beaucoup d’autres écrivains, c’est au cours des années
1970 que se développe une littérature faite par les femmes africaines.
Pierrette
Herzberger-Fofana situe cette naissance précisément en 1975: date internationale de la
femme.
Il est important de noter qu’il n’existait, avant cette date, des œuvres écrites
par les femmes.
En 1958, la camerounaise Marie-Claire Matip avait déjà rédigé
Ngonda et Thérèse Kuoh-Moukoury avait écrit Rencontres essentielles en 1969.
Selon Pierrette Herzberger-Fofana, les romans écrits par des femmes et publiés
au XXème siècle sont désignés sous le terme de romans « féminins » car ils ont pour
dénominateur commun d’illustrer un destin de femmes aux prises avec des problèmes
d’ordre familial et conjugal.5 Par contre, Irène Frain note que « l’écriture dite féminine
3
ibid., P.
20
Jacques Chevrier: Littérature Nègre, Paris, Hatier, 1984, P.
153.
5
op.cit., P.
23
4
2
est associée au sentimentalisme, dans le mauvais sens du terme.
»6 Plus loin, elle
affirme que l’étiquette féminine a une connotation négative car il n’y a pas de style
différent entre les hommes et les femmes mais il est normal que les thèmes ne soient
pas les mêmes.
Par ailleurs, nous notons aujourd’hui que les écrits des femmes
changent d’orientation et passent des thèmes de leur marginalisation par la tradition
pour aborder toutes sortes de sujets de la vie.
Ainsi, elles s’intéressent aux problèmes
sociaux, économiques et politiques auxquels les populations sont confrontées.
Il importe de préciser à ce niveau que cette littérature écrite des femmes se
serait d’abord développée dans les pays anglophones.
On y rencontre de grandes
romancières telles que Flora Nwapa, Adelaïde Casely Hayford, Miriam Thali.
Un
regard sur les pays francophones montre que la première décennie des indépendances
tout comme l’ère coloniale est caractérisée par une absence de romancières, mais pas
de femmes instruites.
En effet, parmi les femmes francophones qui écrivent, nous
avons les plus connues comme Mariama Bâ, Aminata Sow Fall, Ntyugewetondo
Angèle Rawiri, Véronique Tadjo et Calixthe Beyala classées comme les écrivaines de
« l’avant-garde ».
Tirthankar Chanda note qu’à sa naissance, la littérature africaine
écrite par les femmes, « au lieu de louer la Négritude, fait plutôt le bilan de sa
faillite.»7
En effet, nous remarquons que dans leurs ouvrages, les femmes africaines
s’attachent à faire surtout connaître leur société propre avec ses spécificités.
À la figure
inerte des femmes présentée dans la littérature masculine, ces romancières opposent
des héroïnes actives dans leur existence concrète et la sobriété de leurs sentiments,
déterminées dans leurs actes et en quête de justice sociale.
Ces femmes qui prennent la
6
7
Pascal Frey: « Y a-t-il une littérature féminine? » Dossier: les femmes et la littérature, 1995.
Tirthankar Chanda: Les trois grâces des lettres sénégalaises.
http://Jeune Afrique.
Com.
2009, P.
01.
3
parole sont plus soucieuses de monter une image de la femme telle qu’elle se présente
dans la réalité.
À ce sujet, Flora Nwapa au cours d’une interview avec Marie Umeh,
affirme que « Quand j’écris sur les femmes au Nigeria, en Afrique, je cherche à donner
une image positive des femmes parce qu’il y a beaucoup de femmes qui sont très
positives dans leurs pensées, qui sont très indépendantes et très laborieuses.
»8 Calixthe
Beyala quant à elle affirme que « Aujourd’hui je n’écris pas pour vous parler de nos
misères, mais de quelques moyens pour y échapper…je ne parle pas de désespoir, je
parle de vie.
»9 La thématique des œuvres écrites des femmes ne se focalise plus
seulement autour des institutions matrimoniales et de leurs corollaires: polygamie,
système des castes, stérilité, excision voire prostitution.
On observe une recrudescence
des thèmes comme la mise en scène non seulement de la misère émotionnelle des
femmes africaines comme dans Une si longue lettre (1979), mais aussi de leur corps
comme dans C’est le soleil qui m’a brûlée (1987); l’aliénation de la jeunesse africaine
face à la modernité comme dans Le baobab fou (1982).
Selon Tirthankar Chanda, le
problème de la polygamie traité sous l’angle littéraire prend une nouvelle dimension
sous la plume de la romancière Ken Bugul.10
Dans son ouvrage Riwan ou le chemin de sable, en dévoilant le moi intime,
Ken Bugul marque une étape importante dans la littérature féminine11 et, dans une
certaine mesure, remet en question Une si longue lettre de Mariama Bâ et les idées
jusque là reçues sur le statut de la femme en Afrique.
Notre analyse, qui se concentre
8
Ma traduction de « When I do write about women in Nigeria, in Africa, I try to paint a positive picture
about women because there are many women who are very, very positive in their thinking, who are
very, very independent, and very, very industrious.
» Marie Umeh: “The poetic of economic
independence for female empowerment: an interview with Flora Nwapa”.
Research in African
Literature, 1995, Vol 26, No 2, P.
22-90.
9
Odile Cazenave: Femmes rebelles: naissance d’un nouveau roman africain au feminine.
Paris,
L’Harmattan, 1996, P.
107.
10
Tirthankar Chanda: Chronique livres.
MFI Hedbo: Culture Société, 2003, P.
01.
11
Pierrette Herzberger-Fofana: Littérature féminine francophone d’Afrique noire, Paris, L’Harmattan,
2000, P.
12.
4
sur le statut de la femme, montre l’ambiguïté de la situation de cette dernière en
Afrique.
En effet, la femme africaine est d’une part porteuse et gardienne des
traditions, et d’autre part, elle aspire à un juste équilibre entre la tradition et la
modernité.
À cet égard, nous envisageons d’étudier l’image des personnages féminins
telle qu’elle se dessine dans le roman de Mariama Bâ Une si longue lettre et de Ken
Bugul Riwan ou le chemin de sable.
Qui sont donc Mariama Bâ et Ken Bugul et
pourquoi avoir choisi leurs œuvres?
Une si longue lettre
Biographie de Mariama Bâ
Mariama Bâ est née en 1929 à Dakar.
Elle est élevée par ses grands-parents
dans un milieu traditionnel musulman.
Mariama Bâ intègre l’école française après la
mort de sa mère et se fait remarquer par ses résultats distingués.
Pour ce fait, elle
décide d’intégrer l’École Normale de Rufisque en 1943 qu’elle quitte munie d’un
diplôme d’enseignement en 1947.
Après douze ans durant lesquels elle exerce sa
profession, elle demande sa mutation au sein de l’inspection régionale de
l’enseignement, sa santé étant devenue fragile.
Divorcée et mère de neuf enfants, Mariama Bâ s’engage dans nombre
d’associations féminines en luttant pour l’éducation et les droits de la femme.
Pour
ceci, elle prononce des discours et publie des articles dans la presse locale.
Bien
qu’elle ne soit pas le premier auteur féminin en Afrique,....
»
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