Livre I (1712 - mars 1728) - Les Confessions de Rousseau
Publié le 17/01/2022
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«
intention de lire lui-même son livre au public : « Qu'ils écoutent mes confessions ».
Au pacte écrit scellé avec sonlecteur s'ajoute donc le pacte offert à ses auditeurs.
Les implications du pacte
« Moi seul ».
Loin de croire le moi « haïssable » comme Pascal et les écrivains du XVIIe siècle classique, Rousseaucroit à la fécondité de l'introspection et proclame son assurance d'offrir au lecteur un exemplaire unique de l'espècehumaine.
La certitude de sa singularité nourrit l'orgueil de l'écrivain, conscient à la fois d'avoir vécu une destinéeexceptionnelle et de concevoir un portrait susceptible de permettre une mesure de la nature humaine.
Rousseau nese prétend pas supérieur aux autres hommes (« je ne vaux pas mieux »).
Son orgueil naît du sentiment de sonoriginalité (« je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus »).
La différence fondamentale qui justifie la fierté de Rousseau provient de ce qu'il a vécu conformément à la simplicitéde la nature.
L'autobiographie lui offre l'occasion de vérifier expérimentalement à travers le récit de son enfance lesidées du Discours sur les sciences et les arts et du Discours sur l'origine de l'inégalité où Rousseau reconstruit l'homme « à l'état de nature », selon un rêve qui le voit moralement vertueux et à l'abri de la dégradation engendréepar la société.
L'avertissement placé en tête du Livre I montre enfin au lecteur que Rousseau se considère comme lecréateur des sciences de l'homme et avant tout de la psychologie : ses Confessions n'offrent-elles pas « un ouvrage unique et utile, lequel peut servir de première pièce de comparaison pour l'étude des hommes » ?
II - LE LIVRE I : UNE STRUCTURE VIVANTE
Une approche hésitante
Rousseau débute ses Confessions par l'évocation de sa naissance.
Le point de départ (« Je suis né à Genève en 1712...
») ne met pas en marche le récit que Rousseau retarde pour retracer d'abord l'amour profond et durable quese sont porté ses parents, puis la carrière de son oncle Bernard et les voyages de son père.
Après un retour à la brutalité événementielle (« Je coûtai la vie à ma mère »), une seconde interruption du récitsouligne le désarroi du père de Rousseau et l'influence de ses parents sur sa sensibilité.
Hésitant sur l'angled'attaque à choisir pour engager son récit, Rousseau revient encore sur sa naissance et souligne son infirmitéurinaire congénitale.
Ces flottements font ressortir le souci qu'éprouve Rousseau de rechercher avec circonspectionles causes et la signification des moments essentiels de son existence : le récit des ces moments privilégiés s'effacealors derrière la quête de leurs origines, d'autant plus difficile qu'elle paraît se dérober au narrateur.
Le roman des paradis
Le premier livre offre une structure vivante d'où se dégagent quatre époques.
L'enfant vit d'abord dans trois paradissuccessifs d'où il est chassé par l' adversité.
Auprès de son père et de sa tante Suzon, il connaît un bonheurtranquille : on l'aime et on l'approuve.
L'exil de son père clôt ce premier paradis.
Placé chez les Lambercier,Rousseau prend conscience de sa liberté et d'un bonheur pur.
Son coeur s'offre dans sa transparence à son cousinet aux Lambercier.
Mais l'éveil de sa sexualité et une punition imméritée lui font connaître la honte, l'injustice et lasouffrance.
C'est la fin du second paradis.
Un troisième paradis, en demi-teinte, s'ouvre chez son oncle à Genève :cette période d'oisiveté est en effet ternie par des émotions troubles qui conduisent Rousseau à intérioriser sesdésirs.
À ces trois paradis de l'enfance perdus succède la descente aux enfers.
Ses apprentissages font de Rousseau unhypocrite, un menteur et un voleur : la crainte l'a transformé en enfant perdu.
S'il réussit à échapper à la misèremorale grâce à la lecture, il ne peut éluder la brutalité de son maître qu'en choisissant le malheur de l'exil.
Rousseaugarde pourtant son aptitude à se replacer dans l'Éden.
La fin du Livre I le voit rêver d'un autre paradis, celui qu'ilaurait connu s'il avait été placé à Genève chez un bon maître : il aurait alors réussi, sous le regard d'une grandepersonne le protégeant, la fusion entre son identité et le bonheur.
L'esquisse d'un portrait
Le caractère de Rousseau n'est encore qu'esquissé à travers un faisceau de contradictions : Jean-Jacques possèdedéjà « ce cœur à la fois si fier et si tendre, ce caractère efféminé, mais pourtant indomptable qui, flottant toujours entre la faiblesse et le courage, entre la noblesse et la vertu [l'] a jusqu'au bout mis en contradiction avec [lui]-même » (p.49).
Cette double polarité apparaît également déjà dans son partage entre « deux sortes d'amour très distincts, très réels, et qui n'ont presque rien de commun, quoique très vifs l'un et l' autre, et tous deux différentsde la tendre amitié » (p.64).
Enfin des aspects fondamentaux du caractère de Rousseau apparaissent dès le premier livre, son goût de la lecture, son goût pour la nature, né de la vie champêtre menée à Bossey, son amour, enfin, de la solitude, refuge d'un cœur qui rêve d'un monde enchanté, et sa profonde aversion pour l'injustice dont la rencontre l'a marqué pour la vie.
III - SEXUALITÉ ET MASOCHISME
Un aveu pénible : l'éveil de la sexualité et de la honte.
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