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L’Itinéraire spatial de Fama dans Les Soleils des Indépendances d’Ahmadou Kourouma Oumar Guédalla

Publié le 13/02/2024

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« ___________________________________ L’Itinéraire spatial de Fama dans Les Soleils des Indépendances d’Ahmadou Kourouma Oumar Guédalla Université de Maroua (Cameroun) RÉSUMÉ La lecture de Les Soleils des indépendances montre que les espaces exercent une influence considérable sur la vie des personnages.

Ceci est d’autant plus vrai quant on connaît la force d’irradiation des espaces sacrés sur les âmes.

Fama Doumbouya, personnage principal de la fiction n’échappe pas à ce constat puisqu’il subit des persécutions liées aux mœurs de la capitale des Ébènes alors qu’il reste entièrement dépendant des mœurs décadentes de l’Afrique ancestrale.

Dans ses périples, seul Togobala lui offre un équilibre véritable où il sera en compagnie des gardiens de la tradition que sont Balla le sorcier et Diamourou le griot.

Tout au long de l’œuvre, Fama passe d’un espace à un autre à la recherche de l’équilibre qu’il ne trouvera jamais.

Quel est son itinéraire effectif dans le roman ? Qu’est-ce qui peut expliquer l’instabilité du personnage dans la fiction ? Quels rôles jouent les différents milieux de vie du personnage ? Telles sont les questions qui nous interpellent.

Nous fonderons nos analyses sur la mythocritique durandienne pour démontrer que l’espace influence les modes de vie de Fama. INTRODUCTION Les Soleils des Indépendances d’Ahmadou Kourouma (1970) est un roman qui a longtemps attiré l’attention des chercheurs dans le monde littéraire.

Dès sa parution en 1968, cette fiction a suscité des débats controversés dans les milieux intellectuels francophones au vue de la démarcation entre la logique traditionnelle mandingue et celle de © Les Cahiers du GRELCEF.

www.uwo.ca/french/grelcef/cahiers_intro.htm No 7.

Le temps et l’espace dans la littérature et le cinéma francophones contemporains.

Mai 2015 52 OUMAR GUÉDALLA l’Occident.

Au-delà de cette considération, nous pensons que ce texte soulève la question de territorialité qui varie d’un imaginaire à l’autre. Le Horodougou est un royaume dirigé par la dynastie Doumbouya depuis de nombreuses décennies.

Ahmadou Kourouma décrit les mœurs de la période dites des Indépendances en Afrique.

Celle-ci charrie la délimitation des espaces sans tenir compte des frontières anciennes.

Les territoires du Horodougou qui s’étendait à des kilomètres au-delà du fleuve allant sur les terres du Nikinaï se voit perdre ses hommes et ses biens.

Des métaphores stellaires expliquent ce transfert puis créent une hypertrophie des faits vécus durant cette période. Dans cet article, il faudra démontrer que l’espace exerce une influence notoire sur l’actant-sujet au point de le rendre inutile aux yeux du monde.

Le temps et l’espace sont couplés.

Diandué Bi Kacou Parfait l’a déjà illustré (2011).

Il s’agit ici d’examiner l’itinéraire spatial de Kourouma pour expliquer la pensée africaine.

La lecture de cette œuvre permet alors de comprendre que Fama est à l’image du héros adamique déchu qui cherche à retrouver ses origines paradisiaques pendant que des idéologies nouvelles influencent la gestion de la cité, du temps et des mœurs.

Dans cette quête éperdue des origines, il évolue d’un lieu à l’autre surmontant des situations variées qui expliquent sa transformation. L’espace est un lieu commun.

C’est ainsi qu’on retrouve des géographes, des littéraires, des sociologues, des historiens et des anthropologues qui s’intéressent à des phénomènes spatiaux dans le but de comprendre la cosmologie humaine.

Nous pouvons citer entre autres Mircea Eliade (1952, 1965 et 1971), Jean Pierre Carrière (2011), Didier Deschamps (1960) et Florence Paravy (1999). La question de l’espace dans l’œuvre de Kourouma n’est pas nouvelle.

Diandué Bi Kacou Parfait l’a déjà abordée dans le cadre de sa thèse sur « Histoire et fiction dans la production romanesque de Kourouma » (2003, 324 - 366).

Dans ce texte, il a démontré que les romans de Kourouma décrivent des faits proches de l’histoire réelle de l’Afrique et du monde.

Nous voulons inscrire notre travail dans le cadre du millénarisme qui est une croyance ancrée dans la pensée des peuples qui attendent l’Âge d’or pour retrouver la paix.

Les religions africaines sont centrées sur l’attente du bonheur qui viendrait après des moments de souffrance due aux mauvaises semences répandues par les transgresseurs originels que sont Pemba et Mousso Koro, les premiers © Les Cahiers du GRELCEF.

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Le temps et l’espace dans la littérature et le cinéma francophones contemporains.

Mai 2015 L’ITINÉRAIRE SPATIAL DE FAMA 53 êtres sur la terre (Kesteloot et Dieng, 2009 : 77-81).

La fin de Fama semble bien tracée, mais le personnage refuse de l’accepter car, aveuglé par son passé nostalgique. Depuis le pêché originel, les hommes attendent le retour du paradis (Eliade, 1969).

C’est d’ailleurs ce qui ressort des rêves de Fama. Pendant la période coloniale, Fama passe tout son temps à combattre le colonialisme espérant que « Les Soleils des Indépendances » auraient des rayons moins radiants.

Quels sont les espaces parcourus par cet actant dans la première fiction de Kourouma ? En quoi son itinéraire explique-t-il la recherche d’un âge d’or ? Quelles fonctions révèlent les lieux traversés par ce personnage ? Notre préoccupation fondamentale est d’examiner le rapport entre Fama et les milieux qu’il traverse tout au long du récit.

Pour répondre à ces questions, la mythocritique nous aidera à découvrir dans l’enfance de Fama les instants d’euphorie pareils à l’éden où « il fait bon de vivre » (p.

196).

Toute forme de rupture de cet équilibre le conduira vers l’errance.

Au terme de ce travail, il sera question de déduire les fonctions des lieux traversés par le personnage. 1.

LA CITÉ MYTHIQUE DES DOUMBOUYA : UN LIEU EUPHORIQUE HOMOGÈNE La cité mythique renvoie à un milieu de vie qui a connu les manifestations du sacré (Eliade, 1965).

Chez les Malinké, la cité mythique est un repère culturel.

C’est l’endroit où tout se déroule pour expliquer la communication entre les hommes et les dieux.

Très souvent, l’espace mythique est un univers de fondation d’une dynastie ou d’un peuple : À l’heure de la troisième prière, un vendredi, Souleymane, que par déférence on nommait Moriba, arriva à Toukoro suivi d’une colonne de talibets.

Le chef de Toukoro le reconnut, le salua.

Depuis des générations on l’attendait.

Il leur avait été annoncé.

« Un marabout, un grand marabout arrivera du Nord à l’heure de l’ourebi.

Retenez-le ! Retenez-le ! Offrez-lui terre et case.

Le pouvoir, la puissance de toute cette province ira partout où il demeurera, lui ou ses descendants ».

Le chef de Toukoro l’avait distingué à sa taille de fromager et son teint (il serait plus haut, plus clair que tous les hommes du village), à sa monture (il arriverait sur un coursier sans tâche).

Il avait à le retenir, à le fixer à Toukoro.

(p.

99) Voilà un récit assez suggestif qui dresse les origines des peuples du Mandingue.

C’est un mythe de fondation qui montre comment la région du Horodougou a été occupée par l’ancêtre des Doumbouya qui © Les Cahiers du GRELCEF.

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Le temps et l’espace dans la littérature et le cinéma francophones contemporains.

Mai 2015 54 OUMAR GUÉDALLA a migré du Nord vers le Sud.

Le voyage qui mène l’ancêtre se déroule le soir au moment où le soleil disparaît pour permettre aux hommes de se reposer.

C’est le temps du « coucher du soleil » aussi bien que des hommes. En plus, la fondation de la dynastie Doumbouya a lieu un vendredi.

Ceci n’est pas gratuit puisque ce temps symbolise le jour de création de l’homme et du paradis.

Il désigne aussi la fin du temps chez les Malinké.

C’est un vendredi que la fin du monde aura lieu, selon leurs croyances qu’ils héritent de la pensée arabo-musulmane.

Vendredi apparaît alors comme un jour hautement symbolique au cours duquel les Doumbouya s’installent à Toukoro et rendent la région prospère. L’ancêtre mythique des Doumbouya a tous les caractères à la fois d’un roi et d’un messie.

Son cheval sans tâche est un animal majestueux. Dans de nombreuses cultures, le cheval symbolise la noblesse, la gloire et la pureté.

Voilà pourquoi l’entrée de Souleymane en terre malinké se fait sur un coursier blanc.

Dans les représentations de plusieurs peuples du monde, la couleur blanche est celle des anges et des dieux.

Voilà pourquoi les cérémonies hautement sacrées sont inondées de cette couleur.

Le cheval, en tant qu’animal majestueux et divin doit être blanc pour assurer la pureté et la continuité de l’espèce humaine.

Moriba est donc ce leader à qui on confie la charge d’enseigner le Coran et d’implanter la dynastie Doumbouya.

Tout ce passe comme si la vie de ce peuple commençait avec ce récit.

Au-delà de ce récit fondateur il n’y a aucun indice puisqu’à la fin de la vie de Fama, il ne restera aucune trace des Doumbouya sur la terre. La fondation de la cité mythique de Togobala a entraîné la naissance de plusieurs générations dont est issu « le dernier et légitime descendant des princes Doumbouya du Horodougou » (p.

9).

Bien que la naissance de Fama ne soit pas mêlée des théophanies, sa fin tout au moins est assez symbolique.

Elle montre que la mort du personnage marque la fin de la dynastie régnante des Doumbouya.

Fama va ainsi.... »

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