L'image que la télévision renvoie de la société d'aujourd'hui vous semble-t-elle aussi loin de la réalité que l'affirme Gilles PERRAULT ? Vous appuierez votre argumentation sur des exemples précis concernant le traitement de l'information et la création artistique.
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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«
[ I.
Dans quelle mesure la télévision s'éloigne de la « réalité » ]
[ 1.
Dans l'information ]
Il est vrai que le média télévisuel - mais est-il vraiment le seul ? - se garde bien de refléter la réalité sociale, celledes consommateurs d'information.
Les événements relatés concernent souvent des peuples éloignés dont personnene se souciait il y a quelques décennies et qui occupent la première place de l'information aujourd'hui tout à faitartificiellement, parce que certaines agences en ont décidé ainsi.
Assurément, la télévision est le miroir d'une réalité.Mais laquelle ? Faisons bien le compte : si l'on considère comme information utile celle à laquelle chaquetéléspectateur peut réagir efficacement, beaucoup d'entre elle échappent à ce critère.
[ 2.
Dans les œuvres de fiction ]
En ce qui concerne la création artistique, certains programmes sont également peu conformes à cette vocation.
Lesimportations américaines imposent certes de plus en plus le modèle international du gagneur, comme le déplore GillesPerrault ; mais que dire des modèles de consommation, des modes de vie, des loisirs etc., que contiennent certainstéléfilms ? L'Amérique, remarquait Jean Baudrillard, a réussi l'utopie de la banalité absolue.
Il est sûr que ce pitoyabledésir n'était pas celui des tenants de la culture européenne jusqu'aux années cinquante-soixante.
Aujourd'hui, lemodèle américain, qui correspond sans doute peu à notre « réalité » profonde, est pourtant constamment présentdans notre système de références culturelles et, à ce titre, pourrait constituer notre « réalité » superficielle.
[II.
Dans quelle mesure le télévision correspond à la réalité et à nos attentes ]
[ 1.
Dans l'information ]
À l'inverse, d'autres aspects de l'information répondent bien à l'attente des communautés comme la nôtre, du moinspour une grande majorité de ses ressortissants.
A-t-on le droit de dire que le spectacle tant attendu des résultatsdu loto et des jeux où l'on gagne des téléviseurs s'écarte de la réalité sociale ? Ces programmes n'empêchentnullement les journalistes de nous ressasser les méfaits du chômage, de nous commenter les évolutions du DowJones.
Cette réalité est celle que veulent beaucoup d'entre nous.
Et la télévision n'y est pour rien, car les différentsmédias ont toujours été utilisés par les uns et les autres dans des sens opposés : tantôt pour s'informer, tantôtpour passer le temps.
Ceux qui veulent s'enquérir de ce qui se passe au Congo feront appel à la presse écrite ; ceuxqui veulent des émotions, des images fortes et des explications minimales n'ont qu'à suivre le JT.
Finalement, ladifférence entre presse sérieuse et presse à sensation est minime.
[ 2.
Dans la fiction ]
Quant aux programmes culturels, ou supposés tels, ils obéissent sans doute aux même lois.
Les films actuels sont-ilsaussi éloignés de notre réalité que les romans de jadis ? C'est peut-être au nom d'une longue tradition réaliste queGilles Perrault énonce son sévère jugement.
Les héros d'Homère, d'Alexandre Dumas, de Lovecraft et d'Asimovn'appartiennent manifestement pas à notre environnement social.
Pourquoi faudrait-il que ceux de Dallasressemblassent davantage à notre quotidien? La littérature, comme le cinéma, peuvent faire rêver, et le spectaclede la richesse, qui éblouit certains téléspectateurs, n'a rien de nouveau.
Gilles Perrault présente les héros actuelscomme des requins qu'on doit s'efforcer d'admirer, à la différence des défenseurs de la veuve et de l'orphelin denaguère ; mais la littérature n'a pas toujours été remplie de héros sympathiques ni de bons sentiments, et il faudraitdéterminer plus exactement quelles sont les œuvres et les genres à comparer.
D'autre part, on doit constater que letexte de Perrault date de la fin des années quatre-vingt et que, depuis lors, les œuvres fictionnelles de la télé ontévolués vers plus d'« humanité ».
Les sagas de l'été, façon années quatre-vingt-dix, familiales et terriennes,mettent en scène des personnages à la fois riches et malheureux, qui ont bien du mal à gérer le domaine de leursancêtres.
Le téléfilm-fleuve s'intéresse toujours autant aux nantis, mais il est possible de les plaindre.
Quant auxsitcoms, du type Hélène et les garçons, elles relèvent d'un nouveau genre qu'on pourrait appeler le faux réalisme.Pas de parents, pas de problèmes d'argent, pas de drogue, pas d'études, pas de chômage et rien qui choque lesbonnes mœurs !
[ Conclusion ]
Ne faisons pas une fois de plus le procès caricatural de la télévision, alors que la manipulation journalistique et lamauvaise qualité des fictions sont bien antérieures à l'apparitions de ce média.
Disons simplement que la télévision apour fonction de schématiser toute information et toute pensée et que, par ce fait, elle ne correspond pasabsolument à une volonté de parfaire la culture des téléspectateurs.
Tout cela on le sait depuis longtemps.
En fait,la prétendue capacité de cet outil à mieux rendre compte de la « réalité » (pseudo-objectivité des images etpseudo-réalisme des situations dramatiques) est d'autant plus insidieuse et perverse..
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