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L'idée de la nature dans les temps modernes et dans le romantisme

Publié le 08/04/2025

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« L’IDÉE DE NATURE DANS LES TEMPS MODERNES ET DANS LE ROMANTISME FULVIA M .

L.

MORETTO Parmi les grands thèmes de la littérature universelle qui persistent tout au long du XVIIIème siècle et qui s’épanouissent dans le Romantisme, le thème de la nature est un des plus caractéristiques. Depuis Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, la littérature française est jalonnée par des poètes et des prosateurs qui font du monde extérieur, du non-moi, la condition nécessaire à la prise de conscience de leur propre moi. Car l’écrivain romantique est un isolé.

Dans un sens, parce qu’elle vient après la crise et la débâcle du monde classique, après la Révolution, qui a fait table rase de maintes valeurs depuis longtemps établies, après la période napoléonienne, pauvre en vraies valeurs culturelles, l’époque romantique peut être considérée comme une nouvelle époque primitive, un nouveau point de départ.

Dans la profonde crise politique, sociale et littéraire du début du XIXème siècle, devant la civilisation industrielle qui s’esquisse déjà, l’écrivain de la Restauration est en conflit avec son propre moi et avec le monde.

Il est à la recherche de valeurs stables.

A.Hauser définit avec précision cette nouvelle réalité: “Les hommes du XVIIIème siècle prétendent aboutir, dans tous les domaines, même dans leur émotion et leur irrationalisme, à une doctrine formulable et à une vision du monde tout à fait définissable, ils sont systématiques, philosophes, réformateurs; (...) ils suivent certains principes et s’imposent un plan qui tend au perfectionnement de la vie et du monde.

Les représentants intellectuels du XIXème siècle (et Hauser se réfère aux écrivains du début du siècle et non pas aux scientistes) ont perdu leur foi dans les systèmes et découvrent le sens et l’objet de l’art dans l’accomodation au rythme de la vie elle-même et à la conservation de l’atmosphère et de l’ambiance de l’existance.

Leur foi consiste en une affirmation irrationelle et instinctive de la vie; leur morale en un compromis avec la réalité” (1964, p.228).

De là, la valeur de l’évasion dans la nature, van Tieghen nous le dit: “moins pour en décrire les beautés comme le faisaient volontiers leurs prédécesseurs du XVIIIème siècle, que pour y nourrir leur réverie, y bercer leur mélancolie” (1948, p.258). Cet intérêt pour le monde extérieur a été défini comme “... l’emozione indefinibile di stupore, di terrore, di serenità, ecc...) che l’uomo prova con determinati aspetti della natura (paesaggio, volta celeste, e c c .

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) e che determina fra uomo e natura una viva relazione simpatetica; come tale il s.d.n.

è la prima e autentica espressione del ‘senso dell’essere’ proprio della condizione umana” (E.F., 1957).

1l s’agit donc là d’un état psychique qui peut être positif ou négatif, amour ou haine, sympathie ou aversion. En fait, depuis l’antiquité, la littérature occidentale chante la nature aimable et l’éternel printemps.

En outre, que ce soit chez Homère, chez Théocrite et Virgile ou dans l’Astrée, avec ses paysans enrubannés, la nature est toujours marquée par la présence humaine.

L’églogue, la pastorale, qui ont en Occident une tradition de deux mille ans, donnent leurs derniers fruits au XVIIIème siècle.

Ce sont elles qui donnent naissance à la littérature descriptive qui ne disparaîtra qu’au seuil du Romantisme. Car, la vieille tradition de la nature embellie, artificielle, peuplée de dieux et de bergers traîne-t-elle encore sous L’Empire, au moment où Chateaubriand a déjà publié le Génie, Atala, René, au moment où Rousseau est largement connu dans toute l’Europe, où Mme.

de Staël a déjà publié De la littérature.

Que s’est-il passé? 1 _________________________________ 1 La tradition bucolique d’ailleurs se poursuit aussi en peinture où elle est mieux représentée qu’en littérature.

Watteau surtout lui donne une vérité que n’avaient pas la poésie pastorale et bucolique de l’époque, et je ne sais quel mystère, quel sens fuyant de la vie.

Vie qui n’est pas là, dans le tableau, mais qui est alleurs, quelque part, insaisissable peut-être. -44- Au XVIIème siècle il n’est pas bienséant de prendre comme sujet littéraire la nature extérieure.

En outre, excepté les rares moments ou celle-ci est citée, comme par exemple chez Théophile et Racan, qui la font voir dans sa “verité” et dans sa simplicité, la nature, comme l’homme, est vue à travers les règles de l’esthétique classique; figée, établie une fois pour toutes dans sa “beauté”.

L’idée de changement, d’évolution n’existe pas au siècle de Louis X I V . Cette idée, dans son sens le plus large, apparaît au début du XVIIIème siècle.

Les récits de voyage, si fréquents à la fin du siècle précédent, la traduction des Mille et une nuits en 1704, la publication des Lettres Persanes en 1721, donnent aux contemporains les premières sensations de la relativité du vrai et même du beau.

Car enfin ce malaise vient de ce que les mêmes mots recouvrent désormais des réalités différentes. D’abord, on ne s’accorde plus sur la définition du mot beau. C’est là le grand symptôme que toute une esthétique est en train de changer.

Pour le siècle classique, le beau est le vrai, ou plutôt le vraisemblable, ce qui l’est pour la société qui vit sous Louis X I V .

Mais au XVIIIème siècle le beau perd son caractère absolu.

Une esthétique ouverte remplace l’esthétique fermée du siècle précédent.

Le beau est désormais relatif.

Et pour cela même, les définitions concernant le beau foisonnent au siècle philosophique.

Toutefois, le beau sera déterminé non plus par l’objet, mais par le sentiment individuel, qui va désormais se substituer à la raison.

Dans l’Encyclopédie, l’article “Beau” - écrit par Diderot - est un compte-rendu des idées les plus en vogue sur ce sujet. Après avoir exposé les théories de Huetchson, son “sens intérieur du beau” et “l’uniformité dans la variété” Diderot présente celle du père André, dont l’Essai sur le Beau est pour lui “le plus étendu, le mieux que je connaisse”, et celle de Shaftesbury qui prétend avec beaucoup d’autres qu’il n’y a qu’un seul beau dont l’utile est le fondement.

Après s’être interrogé sur les raisons de la nécessité, de la régularité, de l’ordre et de l’harmonie dans l’idée de beau chez le philosophe anglais, Diderot nous __________________________________________________________________ P.Francastel l’appelle “le peintre de l’éphèmêre du fugitif, du moment qui passe et ne revient pas, dont on sait et le prix et les retours amers qui le suivent”.

(s.d., p.135) -45- expose ses propres idées: “J’appelle donc beau hors de moi, tout ce qui contient de quoi réveiller dans mon entendement l’idée de rapport; est beau par rapport à moi tout ce qui réveille cette idée”.

Et Diderot conclut que “le beau est plutôt une affaire de sentiment que de raison” ( M D C C L X X V I I I ) .

Le beau absolu, figé et déterminé, tel que le conçoit le grand siècle n’existe plus: son arrêt de mort a été signé dès la fin du XVIIème siècle, quand Locke (1690) a, le premier, lancé le discrédit sur la toute puissance de la raison et donné la primauté aux sens. Creusons encore un peu le concept de beau.

Pour Boileau, “rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable” (1935, p.43).

Or, en 1826, Victor Hugo déclare que “le poète ne doit avoir qu’un modèle, la nature; qu’un guide, la vérité” (p.283).

Et en 1827, dans la préface de Cromwell, en caractérisant les époques de la société primitive, antique et moderne, il écrit: “le caractère de la troisième est la vérité”.

Cent cinquante ans séparent l’esthétique de Boileau de celle de Hugo.

Mais dans l’une comme dans l’autre, le vrai est le fondement du beau.

Par conséquent, nous l’avons déjà dit, les mêmes mots recouvrent des réalités différentes: le vrai des classiques est la vérité idéale, fondée sur l’équilibre, en un mot, la belle nature.

Il s’agit d’une vérité surtout intellectuelle.

Mais la vérité des romantiques est tout autre.

L.Emery résume le rôle qu’ont joué Locke et les sensualistes dans ce nouveau concept de vérité: Pour qui voit en l’idée une élaboration plus ou moins complexe de la sensation, les anciennes préséances s’évanouissent et la vérité provient avant tout des impressions sensibles que nous communiquent les objets. Remonter à ces impressions ce n’est donc point trahir ou dégrader la raison, c’est la ramener à sa racine.

Observer, sentir, équivaut à peu près à penser (1948, p.33). La vérité passe ainsi du domaine de l’intelligence au domaine des sens.

Le beau est toujours le vrai, mais le vrai naît désormais du sensible, du personnel, du moi. Si nous revenons maintenant au thème de la nature, nous constatons qu’à partir du milieu du XVIIIème siècle, le concept de beauté a changé aussi.

Hugo, en plein Romantisme exige le laid, le difforme, le -46- grotesque dans l’art, au nom de la vérité et de l’harmonie des contraires. Mais par rapport à la nature, il n’est jamais question de laideur.

Une tempête ou une montagne, qui font peur au Moyen Age et dégoûtent le XVIIème siècle, font les délices des romantiques.

Ce qui était laid pour.... »

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