L'Hymne au Soleil, dans Chantecler (E. Rostand)
Publié le 05/03/2011
Extrait du document

Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées,
Qui fais d'une fleur morte un vivant papillon
Lorsqu'on voit, s'effeuillant comme des destinées,
Trembler au vent des Pyrénées
Les amandiers du Roussillon, Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l'amour maternel ! Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu,
Et qui choisis souvent, quand tu vas disparaître
L'humble vitre d'une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu ! Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu'on n'ose plus marcher !
Tu changes en émail le vernis de la cruche ; Tu fais un étendard en séchant un torchon ; La meule a, grâce à toi[ de For sur sa capuche, Et sa petite sœur la ruche A de Tor sur son capuchon ! Gloire à toi sur les prés ! Gloire à toi dans les vignes ! Sois béni parmi l'herbe et contre les portails ! Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !
0 toi qui fais les grandes lignes Et qui fais les petits détails ! C'est toi qui, découpant la sœur jumelle; et sombre Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit, De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui ! ]e t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses, Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson ! Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
0 Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont ! (Chantecler, 1910, Acte I, sc. II, Fasquelle, éditeur).
C'est le coq qui chante au lever du soleil et qui même, dans son ardeur inquiète, annonce bien avant son apparition la venue de l'astre naissant. Il était logique que dans ce poème dont Chantecler est le héros, on trouvât un passage consacré à célébrer le soleil. Rostand n'y a pas manqué et, dans le premier acte., il a placé, au milieu de tant de vers de tous les tons prêtés à Chantecler, à ses poules et à tant d'autres animaux, huit strophes dont le sujet est la glorification, du soleil.

«
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
0 Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont !
(Chantecler, 1910, Acte I, sc.
II, Fasquelle, éditeur).
C'est le coq qui chante au lever du soleil et qui même, dans son ardeur inquiète, annonce bien avant son apparitionla venue de l'astre naissant.
Il était logique que dans ce poème dont Chantecler est le héros, on trouvât un passageconsacré à célébrer le soleil.
Rostand n'y a pas manqué et, dans le premier acte., il a placé, au milieu de tant devers de tous les tons prêtés à Chantecler, à ses poules et à tant d'autres animaux, huit strophes dont le sujet estla glorification, du soleil.
Mais, avant de considérer les détails de ce morceau, attachons-nous à l'idée centrale.
Qu'est-ce que Chantecleradmire dans le soleil et de quoi le remercie-t-il ? Est-ce de réchauffer la terre et les animaux ? Non, cela ne valaitpas la peine d'être dit.
Tout le monde s'en serait avisé ! Rostand n'a pas voulu répéter ce qui vient à la pensée dupremier venu.
Est-ce de ranimer la vie sur la terre, de faire pousser les moissons/ et les fruits, de faire mûrir la vigne? Apparemment cela n'intéresse que médiocrement un coq dans sa basse-cour.
Serait-ce de darder ses rayons surla cour du poulailler ou d'éclairer les champs où picorent les poules ? Ce serait sans doute trop simple et trop terre àterre.
Chantecler n'est pas un coq comme tant d'autres.
Il sait voir et il voit admirablement, comme il parle.
Il saitregarder.
C'est u^i artiste : son œil, attentif aux grandes lignes « comme aux petits détails », distingue les effets siintéressants de la lumière et de l'ombre.
Il a regardé, il a réfléchi sur ce qu'il voyait et il s'est avisé que le soleil, luiaussi, est un artiste„ le plus prestigieux des artistes, c'est lui qui peint toutes choses.
« Il donne aux fleurs leuraimable peinture », mais pas seulement aux fleurs, à tous les objets, même les plus vulgaires.
Voilà ce que, à grandsrenforts d'antithèses, d'ingénieuses précisions, Chantecler va célébrer dans l'œuvre du soleil.
Il néglige tout le reste, le rôle de premier plan du soleil dans la vie des végétaux, des animaux et de l'homme, sonaction réchauffante, fécondante, assainissante, bref ce que de tout temps on a remarqué et apprécié dans lesservices rendus par le soleil à la terre et aux êtres vivants.
Il se cantonne dans une réflexion d'artiste, parfaitementjuste et intéressante.
C'est le soleil qui donne aux choses leur couleur, leur éclat, leur charme ; c'est lui encore quipar le jeu des ombres augmente l'attrait de tout ce qui se voit.
Un paysage sans soleil est plat et morne et même cen'est pas quand le soleil éclaire brutalement les objets qu'il fait des chefs-d'œuvre, c'est aux heures où ses rayonsfrisants rehaussent par des ombres les jeux de la lumière...
Il est bon cependant de remarquer que même au point de vue pittoresque, la nuit, avec ou sans lune, a son charmeet que les heures crépusculaires, ou même simplement les heures grises ont, parmi les artistes et les poètes, leursfervents admirateurs.
Voyons maintenant comment Chantecler développe sa thèse, si particulière et si fine.
Il procède, dès le début, pardes antithèses, par des comparaisons, des rapprochements et presque toujours par des traits.
Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées, Qui fais d'une fleur morte un vivant papillon, Lorsqu'on voit,s'effeuillant comme des destinées, Trembler au vent des Pyrénées Les amandiers du Roussillon.
Le vent, en soufflant sur les arbustes, fait voler les pétales des fleurs.
Ainsi la fleur qui, attachée à sa tige, semblaitmorte à cause de son immobilité, devient par le mouvement qui l'emporte et grâce aux rayons du soleil, « un vivantpapillon ».
Le poète se garde bien d'employer un mot vague comme arbuste, il précise en disant « les amandiers du Roussillon».
Enfin on compare souvent la destinée aux fleurs des arbres : ici c'est l'inverse.
Ce sont les amandiers qui «s'effeuillent comme des destinées ».
Te t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière, Pour' bénir chaque front et mûrir chaque miel, Entrant dans chaque fleur etdans chaque chaumière, Se divise et demeure entière Ainsi que' l'amour maternel.
On a remarqué le parallélisme : chaque front, chaque chaumière, chaque fleur, chaque miel.
Le trait sur l'amourmaterne] est une réminiscence de Victor Hugo et un hommage de poète à poète.
« Oh ! l'amour d'une mère ! Amour que nul n'oublie ! « Pain merveilleux qu'un Dieu partage et multiplie ! « Table.
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