«L'humanisme [...] tend à comprendre et à absorber toutes formes de vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances, même celles qui le repoussent, même celles qui le nient.» D'après ces suggestions d'André Gide (Journal, 14 juin 1926, Pléiade, p.816), vous tenterez de définir ce que vous entendez vous-même par le mot d'humanisme.
Publié le 17/01/2022
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Scipion ou Sénèque qu\'avec ses contemporains, non pas par désir de s\'évader hors du présent, mais parce qu\'il est convaincu qu\'un certain recul dans le temps permet de mieux saisir l\'humain, lequel risque de nous échapper dans les passions de la vie quotidienne. Il est donc volontiers historien : «Les historiens sont ma droite balle», dit Montaigne (I, 10) ; certes, l\'humaniste ne se livre pas nécessairement à des recherches historiques (il n\'est pas toujours un érudit), mais il trouve dans l\'histoire une assez belle collection de documents sur les croyances et les formes de vie de l\'homme. Du reste, il s\'attache surtout à ces historiens qui accumulent des anecdotes ou des récits moraux, comme Plutarque ou certains chroniqueurs. 3 L\'idéal de l\'homme complet. Ainsi l\'humanisme nous apparaît pour l\'instant comme un refus de choisir dans l\'humain et il est certain que, sur le plan pédagogique, l\'idéal h
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l'humain, lequel risque de nous échapper dans les passions de la vie quotidienne.
Il est donc volontiers historien :«Les historiens sont ma droite balle», dit Montaigne (I, 10) ; certes, l'humaniste ne se livre pas nécessairement àdes recherches historiques (il n'est pas toujours un érudit), mais il trouve dans l'histoire une assez belle collection dedocuments sur les croyances et les formes de vie de l'homme.
Du reste, il s'attache surtout à ces historiens quiaccumulent des anecdotes ou des récits moraux, comme Plutarque ou certains chroniqueurs.
3 L'idéal de l'homme complet.
Ainsi l'humanisme nous apparaît pour l'instant comme un refus de choisir dans l'humainet il est certain que, sur le plan pédagogique, l'idéal humaniste aboutit au désir de former un homme complet,universel, capable de tous les sports comme de toutes les disciplines intellectuelles ou morales (cf.
Rabelais,Pantagruel, VIII et Montaigne, Essais, I, 26), non pas par simple curiosité, mais par goût profond d'avoir touché àtout ce qui est humain.
C'est toutefois sur ce problème de l'éducation que se rencontrent les premières difficultés :peut-on former un homme sans lui faire comprendre la nécessité du choix ? peut-on absolument s'assimiler toutescroyances, toutes formes de vie ? Non seulement certaines croyances sont contradictoires entre elles, mais, ce quiest plus grave encore, on risque, à vouloir tout connaître et tout pratiquer, de perdre de vue les fins humaines decette éducation universelle.
Historiquement, l'humanisme a bien connu ce danger et y est parfois tombé.
S'il perd sapointe morale, il devient volontiers universelle jouissance, «dilettantisme» ; c'est notamment en Italie quel'humaniste s'est souvent abâtardi en esthète, soucieux avant tout de se partager entre ses beaux manuscrits, sesœuvres d'art, ses épées ciselées ; ou d'une façon plus virile, mais aussi peu sérieuse, il peut devenir le condottiere,qui veut se réaliser pleinement afin de mieux mépriser les autres hommes, les dominer et les écraser (Montherlant abien étudié dans son Malatesta, ce type d'humaniste, quelque peu analogue à celui dont se réclamait le fascismeitalien) ; mais, qu'il s'agisse du dilettante ou du condottiere, peut-on encore parler d'humanisme ? Jouissance«égotiste» ou mépris ne sont point des valeurs humanistes.
L'humanisme français, moins exubérant, mais plus moralou moralisateur, est plus respectueux des fins humaines, et dans son désir de sérieux et d'honnêteté il ne va pastarder à se poser le problème de ses rapports avec des doctrines qui nient ou du moins limitent son désird'universalité : christianisme des XVIe et XVIIe siècles, doctrines sociales de nos jours.
II Les humanismes de l'approfondissement et du dépassement humains
Dans son désir d'universelle compréhension, l'humanisme court en effet le risque de mettre tout ce qui est del'homme sur le même plan, indifféremment.
Or l'homme n'est peut-être pas la somme inorganique de tous leséléments qui le composent.
Telle est l'objection fondamentale des diverses doctrines qui, à l'image statique qu'offrede l'homme l'humanisme traditionnel, prétendent opposer un idéal humain d'approfondissement et de dépassement.Pour ces doctrines (christianisme, socialisme, existentialisme, etc.), l'homme est moins une nature donnée une foispour toutes et qu'il faut inventorier, qu'un perpétuel dépassement qui le fait de plus en plus lui-même ; en somme,s'opposant, au départ, à l'humanisme traditionnel, ces doctrines prétendent très vite confisquer la notion à leurprofit, puisque, si on les suit, on arrive à plus d'humanité, à une conception de l'homme sans doute moins toléranteet moins universelle, mais plus authentique.
1 L'humanisme chrétien.
En effet, autant qu'une nature, l'homme a une «surnature» ou plutôt des buts surnaturels,pense le christianisme.
Et très vite cette religion s'avisa qu'elle est un humanisme bien plus véritable quel'humanisme laïc, puisqu'elle conçoit de l'homme une image bien plus complète.
On peut considérer comme charte decet humanisme le texte célèbre de Pascal sur les trois ordres (Pensées, Éd.
Brunschvicg.
section XII, n°793, Lafuman° 585) où l'auteur montre que l'homme est chair, esprit et charité, mais que chacun de ces trois degrés n'a pas lamême valeur humaine et qu'en passant de la chair à l'esprit et de l'esprit à la charité, il s'accomplit de plus en pluset atteint à sa véritable destinée.
Ainsi on peut encore parler d'humanisme, puisqu'on cherche à s'expliquer et mêmeen un sens à s'assimiler - en les remettant à leur place - tous les éléments qui composent l'homme, mais lanécessité d'un choix, ou tout au moins la reconnaissance d'une hiérarchie des valeurs ne conférera pas toujours àcet humanisme la tolérance large et un peu facile de l'humanisme traditionnel.
2 L'humanisme social.
On peut en dire autant du nouveau type d'humanisme qui se développe de nos jours et quis'efforce de démontrer qu'il n'y a pas de véritable accomplissement de l'homme hors d'une certaine solidarité quil'unit à ses semblables pour former un corps social.
Cet humanisme, comme dans la perspective précédente, visedonc moins à faire l'inventaire de tout ce qu'il y a dans l'homme, qu'à assurer à celui-ci dépassement etaccomplissement vers un avenir heureux et un nouveau type d'homme répondant à cette société future ; bien qu'ilsoit conçu assez diversement par les différentes doctrines, marxisme, socialisme, etc., il a reçu sans doute sonillustration littéraire la plus brillante des romans de Malraux et de Saint-Exupéry : il pourra hésiter comme chezMalraux entre le communisme et une sorte de culte du héros, il pourra être comme chez Saint-Exupéry lié à un idéald'utilité et de solidarité technicienne en face de la collectivité, il présente ce caractère commun de ne voir dansl'humanisme traditionnel qu'une forme statique et provisoire qu'il faut dépasser au profit d'un humanisme militant etactif, soucieux de constructions et par là même d'un certain choix, voire d'une certaine intolérance imposée parl'action et ses nécessités concrètes.
3 L'humanisme existentialiste.
Les humanismes modernes ont un trait commun, qui est de croire que la naturehumaine n'est pas cette «donnée» immuable qu'imaginaient les psychologues classiques.
Certains vont jusqu'àpenser qu'il ne faut assigner à l'homme aucune fin, ni religieuse ni sociale, car on s'expose, sans le vouloir, àretomber alors dans l'humanisme traditionnel, qui invite à croire que l'homme a une nature, une «essence», commeon dit en philosophie.
La critique existentialiste notamment remarque que définir l'homme par des buts religieux,sociaux ou moraux qui lui permettraient de réaliser son hypothétique «nature», c'est encore le définir d'une façon.
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