« L'homme-robot, l'homme termite, l'homme oscillant du travail à la chaîne à la belote. L'homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ou une chanson. L'homme qu'on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les boeufs en foin. C'est cela l'homme d'aujourd'hui. » Vous reconnaissez-vous encore dans cette image que Saint-Exupéry propose de l'homme moderne ou remarquez-vous dans l'évolution spirit
Publié le 01/09/2012
Extrait du document
Le succès prodigieux que rencontrent aujourd'hui les conservatoires de musique, les écoles de danse, les académies de peinture, témoignent aussi de la volonté de nombreux individus à surmonter le travail bêtement quotidien. L'homme des années 40 était aliéné, conditionné, inaltérablement robotisé. Cet ancien termite a réussi en grande partie dans ces dernières années à se « dérobotiser «, à se libérer des entraves que lui imposent à la fois, les travaux et les jours, les besognes et les loisirs, la chaîne et la belote, la radio et le voisinage. Même s'il vit plus encore dans des clapiers, il s'en détache pour quitter la ville en fin de semaine dans sa voiture...
«
comme Pascal, mais peut-être davantage du côté du ciel que dans
la région de l'animalité.
Et chacun peut penser à l'idée qu'a
exprimée l'auteur de Terre des Hommes :
« ce que j'ai_ fait, aucun
animal n'aurait été capable de
le réaliser ».
D'où l'idée exprimée
par Saint-Exupéry que l'être
humain« châtré de tout son pouvoir
créateur
>> hésitant entre son « travail à la chaîne » et sa « belote >>
ne pourra s'alimenter que par des procédés >, comme
« les bœufs en foin ».
Première partie
La« robotisation» de l'homme
Pour Saint-Exupéry, l'évolution de l'humanité, des ong~nes à ' -
1940, a été profondément marquée par un appauvrissement de
tout ce qui pouvait constituer l'essence même de l'homme.
Si l'on
se réfère par exemple aux deux
films de René Clair et de Charlie
Chaplin : A nous
la liberté! et Les Temps modernes, on trouvera r .
un portrait de l'homme actuel en tous points conforme à ce qu'en
dit Saint-Exupéry.
Autant l'homme du Moyen
Age, l'humaniste de la Renaissance,
« l'honnête homme » du XVIIe siècle, le philosophe du Siècle des 1
Lumières était un être humain à part entière, à cent pour cent
capable de sentir, de penser, de juger, de
vivre comme il
l'entendait, avec une liberté et une créativité totales, autant
l'homme d'aujourd'hui a perdu tout ce qui
faisait son « pouvoir
créateur
», abêti, abruti, asservi, par son travail et ses loisirs, dans
l'impossibilité de se reprendre, de se retrouver, de se replonger
dans sa personnalité authentique.
L'homme actuel n'a plus d'origi-
nalité créatrice :
il fait ce que lui dictent les mass-media,· ses
voisins, ses chefs, ses enfants, sans pouvoir ressaisir un
« moi >> u
profond qui disparaît sous les états les plus superficiels, les couches
les plus extérieures d'un
« personnage » en quête d'une véritable
culture.
L'homme d'aujourd'hui est moutonnier :
il fait ce qu'on
lui dit de faire.
II ne sait pas où il doit aller.
II n'a plus de vocation.
II a perdu non seulement ce « pouvoir créateur », mais plus
encore, son sens critique, son jugement, voire sa
« jugeote >>, son
gros bon sens.
II est donc « robotisé », standardisé : c'est l' équaris- liJ,J
sage pour tous, le nivellement par le bas, l'aplatissement universel,
la crétinisation généralisée.
Une chanson ? Une danse ? Le temps
210.
»
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