L'expiation. La retraite de Russie. Les Châtiments de HUGO (commentaire)
Publié le 12/02/2012
Extrait du document
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,
Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d'ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
Deux ennemis! le czar, le nord. Le nord est pire.
On jetait les canons pour brûler les affûts.
Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,
Voir que des régiments s'étaient endormis là.
Ô chutes d'Annibal ! lendemains d'Attila !
«
la poudre les avaient epargnes; Dieu et sa neige les precipitaient dans la
mort.
Pour la premiere fois, l'aigle baissait la tete.
L'Empereur lui-meme, cependant si energique, s'etait &courage : it reve-
nait lentement et tristement.
L'immensite des plaines russes n'etait qu'une
blancheur indefinie, tachee par In masse mouvante des regiments de cosaques.
C'etait la debacle, le long defile de ce qui fut
Hier, la grande armee, et maintenant troupeau.
Ni la neige ni les boulets n'arretaient la &route de ces soldats, en qui
baissaient le respect des chefs et le culte du drapeau.
De tous ceux qui
tombaient, peu se relevaient; bientot la place de leurs cadavres n'etait mar-
quee que par un leger tumulus de neige.
Et la sombre procession s'avancait
toujours sous la neige, et toujours ses rangs s'eclaircissaient.
Le poke a
bien traduit cette impression d'horreur dans un silence de mort.
REMARQUES LEXICOLOGIQUES.
= II neigeait.
- Le tableau commence par
une courte phrase qui fait saillir essentielle :
.11 neigeait! Le poke
la repete quatre fois, cette phrase, pour insister sur la nature du chatiment
divin.
La neige, le 1 General Hiver 2,, et non l'homme, consomme la grande
ruine : II neigeait! Ce mot, a.t-on dit, « &late comme un sanglot d'une mono-
tonie desesperante s>.
V.
Hugo le repete plus loin, deux fois de suite : «Il nei-
geait toujours! » comme pour enfoncer plus avant dans nos esprits l'idee du
supplice oil rale la Grande Armee.
L'aigle.
- Signifie ici le drapeau de l'Empire, ainsi nomme parce qu'il
etait surmonte d'un aigle tenant la foudre dans ses serres.
L'apre hiver.
- L'epithete dpre, par sa signification etymologique
rude) et sa prononciation meme, marque bien l'effroyable rigueur de in
saison.
Avalanche = chute de neige vers une vallee, au val.
Le suffixe anche est
d'origine patoise (Suisse romande).
La grande armee comptait 633.000 hommes au debut de la campagne; six
mois apres avoir passé le Niemen, elle avait perdu 100.000 hommes prison-
niers, et 250.000 ensevelis sous la neige.
Troupeau = bande d'hommes sans ordre ni direction fixes, n'obeissant
plus a aucun commandement.
L'armee est une troupe disciplinee; or it n'y
a plus a in retraite de Russie qu'un troupeau disperse et fuyant.
L'antithese
est juste et frappante.
Aides - Signifie les deux cotes d'une armee (analogie avec la position des
ailes de l'oiseau), par opposition au centre.
Bivouac - Forme de deux mots allemands (bei Wache = garde aupres),
guet de nuit.
Ce mot s'applique a l'armee aussi bien qu'au lieu oil elle s'arrete;
ii est synonyme d'une garde nocturne en plein air.
Givre = la gelee blanche qui s'attache l'hiver, quand Pair est froid et
humide, aux herbes, aux habits, aux arbres.
Surpris d'être tremblants - Ces veterans de cent batailles, qui n'ont jamais
tremble devant l'ennemi, que les marches forcees les plus dures n'ont point
affaiblis, que l'odeur de la poudre et in sonnerie de la charge ont toujours
enthousiasmes, les voila qui semblent faire leur examen de conscience, et ifs
s'etonnent d'être tremblants.
Leur cceur, jadis si chaud pour l'Empereur,
se glace; Napoleon lui-meme ne reconnalt plus ses grognards.
Quel « bfiche-
ron sinistre » - pour employer la comparaison finale -a frappe ces chenes
naguere si vigoureux?
Bise.
- La bise est le vent sec et froid qui souffle du nord.
Reve errant dans la brume.
- Ce malheur sans precedent est si au-dessus
de toute imagination qu'il semble un reve.
Les brouillards epais de l'hiver
russe semblent traverses par des fantomes vagabonds et silencieux.
Un mgstere - Comment les gigantesques preparatifs de l'invasion de in
Russie aboutissent-ils au lamentable echec de la retraite de 1812? Inexpli-
cable mystere pour l'homme oublieux de la Providenpe : Deposuit potentes de sede...
Vaste - Cette epithete, placee entre deux virgules, a pour but de souligner
l'epouvante provoquee par l'imnreensite hostile.
Muette vengeresse - L'adjectif vengeresse est substantive.
Une vengeance
silencieuse est plus terrible qu'un chatiment explicite.
Victor Hugo songe ici
1a poudre les avaient épargnés; Dieu et sa neige les précipitaient dans la :mort.
Pour la première fois, l'aigle baissait ia tête~
L'Empereur lui-même, cependant si énergique, s'était découra~é : il reve nait lentement et tristement.
L'immensité des plaines russes n'etait qu'une blancheur indéfinie, tachée :par la masse mouvante des régiments de cosaques.
C'était la débâcle, le long defilé de ce qui fut
Hier, la grande armée, et maintenant troupeau;
Ni la neige ni les boulets n'arrêtaient la déroute de ces soldats, en qu! baissaient le respect des chefs et le culte du drapeau.
De tous ceux qm tombaient, peu se relevaient; bientôt la place de leurs cadavres n'était mar quée que par un léger tumulus de neige.
Et la sombre procession s'avançait , toujours sous la neige, et toujours ses rangs s'éclaircissaient.
Le poète a bien traduit cette impression d'horreur dans un silence de mort.
REMARQUES LEXICOLOGIQUES, ~ Il neigeait.
- Le tableau commence par une courte phrase qui fait saillir l'iQée essentielle : Il neigeail! Le poète la répète quatre fois, cette phrase, pour insister sur la nature du châtiment diVin.
La neige, le « Général Hiver ~, et non l'hoiiJ.me, consomme la grande ruine :Il neigeait! Ce mot,·a~t-on dit, «éclate comme un sanglot d'une mono tonie désespérante ~.
V.
Hugo le répète plus loin, deux fois de suite : « Il nei geait toujours!~ comme pour enfoncer plus avant dans nos esprits l'idée du supplice où râle la Grande Armée.
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L'aigle.
- Si~nifie ici le drapeau de l'Empire, ainsi nommé parce qu'il était surmonté d un aigle tenant la foudre dans ses serres.
L'âpre hiver.
- L'épithète âpre, par sa signification étymologique ( = rude) et sa prononciation même, marque bien l'effroyable tigueur de la saison.
Avalanche = chute de neige ver.ç· une vallée, au val.
Le suffixe anche est d'origine patoise (Suisse romande).
La grande armée comptait 633.000 hommes au début de la campagne; six mois après avoir passé le Niémen, elle avait perdu 100,000 hommes prison niers, et 250.000 ensevelis sous la neige.
Troupeau = bande d'hommes !'ans ordre ni direction fixes, n'obéissant plus à aucun commandement.
L'armée est une troupe disciplinée; or il n'y a plus à la retraite de Russie qu'un troupeau dispersé ef fuyant.
L'antithèse est i.uste et f~ap.J!ante.
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Arles - S1gmfie les deux cotes d'une armee (analogie avec la posthon des ailes de l'oiseau), par opposition au centre.
Bivouac- Formé de deux mots allemands (bei Wache = garde auprès),
guet de nuit.
Ce mot s'applique à l'armée aussi bien qu'au lieu où elle s'arrête; il est synonyme d'une garde nocturne en plein air, Givre = la gelée blanche qui s'attache l'hiver, quand l'air est froid et humide, aux herbes, aux habits, aux arbres.
Surpris d'être tremblants- Ces vétérans de cent batailles, qui n'ont jamais tremblé devant l'ennemi, que les marches fQrcées les plus dures n'ont point affaiblis, que l'odeur de la poudre et la sonnerie de la charge ont toujours enthousiasmés, les voilà qui semblent faire leur examen de conscience, et ils s'étonnent d'être tremblants.
Leur cœur, jadis si chaud pour l'Empereur, se glace; Napoléon lui-même ne reconnaît J?lus ses grognards.
Quel « bftche ron sinistre ~ - pour employer la comparaison finale - a frappé ces chênes naguère si vigoureux? Bise.
- La bise est le vent sec et froid qui soume du nord.
Rêve errant dans la brume.
- Ce malheur sans précédent est si au-dessus de toute imagination qu'il semble un rêve.
Les brouillards épais de l'hiver russe semblent traverses par des fantômes vagabonds et silencieux.
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· · · Un mystère - Comment les gigantesques préparatifs de l'invasion de la Russie aboutissent-ils au lamentable échec de la retraite de 1812? InexpU cable mystère pour l'homme oublieux de la Providenpe : Deposuit potentes
de sede ...
Vaste -
Cette épithète, placée entre deux virgules, a pour but de s·ouligner l'épouvante provoquée par l'immensité hostile.
Muette vengeresse - L'adjectif vengeresse est substantivé.
Une vengeance silencieuse est plus terrible qu'un châtiment explicite.
Victor Hugo songe ici.
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