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Lettre et conversation

Publié le 23/04/2024

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« Lettre et conversation De nombreux travaux consacrés à l’écriture épistolaire ont montré l’influence de la conversation mondaine sur ce genre.

En effet, le lien entre lettre et conversation, constamment repris comme topos dans les manuels d’art épistolaire, est hérité de Cicéron et a notamment été répandu par Mlle de Scudéry : « Les lettres sont à proprement parler, une conversation de personnes absentes » (Mlle de Scudéry, Clélie, Paris, A.

Courbé, 1655, p.

1140).

C’est d’ailleurs sous forme de conversation que Madeleine de Scudéry livre dans la Clélie ses réflexions sur la lettre, qui constituent un véritable art poétique pour la pratique épistolaire (Clélie, deuxième partie). Sans entrer dans les débats autour de l’identité générique de la lettre (la lettre au XVIIème siècle a été reconnue comme un genre ou, à tout le moins, comme une pratique scripturale et/ ou littéraire spécifique), on se contentera de citer quelques prises de position de ceux qui, comme Gustave Lanson, refusent l’appellation de « genre » considérant la lettre comme un mode de communication à l’image de la conversation : « Il n’y a pas d’art épistolaire.

Il n’y a pas de genre épistolaire : du moins dans le sens littéraire du mot genre.

Autant voudrait dire le genre oral, pour y faire entrer à la fois les conversations privées, les entretiens diplomatiques, et toutes les communications de pensées, qui se font de vive voix.

» (Gustave Lanson, Essais de méthode de critique et d’histoire littéraire, Paris, Hachette, 1965, p.

260.).

Philippe Lejeune pense aussi que « il n’y a pas une essence éternelle de la lettre, mais l’existence fluctuante et contingente d’un certain mode de communication par écrit.» (Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, coll.

« Poétique », 1975, p.

315.). Si la lettre est un moyen de communication, elle s’inscrit également au cœur des pratiques de sociabilité comme marque de convivialité et de « politesse mondaine » au même titre que la conversation, qu’elle est censée prolonger à distance.

L’épistolier n’est plus un érudit, comme à la renaissance, ni l’un des auteurs épistolaires comme Guez de Balzac.

Il est devenu au fil du temps un honnête homme avant même d’être un lettré ou un homme d’esprit, soucieux d’une familiarité pensée sur le modèle esthétique et éthique de la conversation.

À partir de cette progressive émancipation, la lettre 1 devient un espace plus libre, où règnent les exigences stylistiques de négligence et de naturel, un espace où écrire « à la manière de soi ». Les analyses de Bernard Beugnot sont à cet égard tout à fait éclairantes en ce qu’elles proposent des pistes propres à articuler une intimité de soi à soi et une intimité à l’autre, ce qui est sans doute le propre de l’écriture épistolaire conçue selon le modèle stylistique de la conversation : « si la conversation est devenue un genre de l’espace privé, l’art de vivre qu’elle reflète est une manière d’élire une sociabilité raffinée et limitée.

[…] La conversation en ces formes idéales est l’invention d’une intimité aussi.... »

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