Lettre d'un soldat à la guerre
Publié le 24/10/2012
Extrait du document
«
A six heures, le bombardement commence, et pendant quatre heures ce fut un bruit
épouvantable.
Toutes les pièces en nombre considérable crachaient à la fois.
On
sentait la terre trembler, on aurait dit le tonnerre.
A dix heures juste, la compagnie
d'assaut sort de la tranchée, baïonnette au canon.
Immédiatement après, nous voilà
sortis avec notre échelle, nos outils, le fusil à la main, en courant vers les tranchées
boches.
Quelques coups de fusils nous reçoivent, mais ne font pas trop de victimes.
Nous franchissons d'un bond la première ligne, et en avant vers la deuxième, où je
m'arrête pour faire le travail qui nous était assigné.
Pendant ce temps, nos troupes avancent encore, s'emparent successivement de la
route de Béthune à Arras, progressent jusqu'à un chemin creux cinq cents mètres plus
haut, et parviennent jusqu'à la crête qui domine la plaine.
Mais là, ils ne sont pas
assez nombreux, et doivent se replier sur le chemin creux où ils ouvrent une tranchée
qui devient ainsi notre première ligne.
Il est à peine onze heures.
Pendant ce temps avec mes camarades je coupe les nombreux fils électriques qui
garnissaient la deuxième ligne boche copieusement minée.
Puis nous avons visité la
tranchée, deux de mes camarades du génie, un type du 159e, et moi, le fusil à la
main.
Nous visitons les repaires, car ces messieurs ont l'habitude pour ne pas trop
souffrir des bombardements, de creuser dans leurs tranchées des tanières à trois ou
quatre mètres au dessous du sol où ils se réfugient lors des attaques, ne laissant que
quelques guetteurs dans la tranchée.
Certains de ces abris sont très confortables, en
particulier ceux des officiers.
Celui du colonel était tapissé de cartes postales.
Nous
avons fait la rafle dans une dizaine de ces abris, et nous en avons extrait une
cinquantaine de boches, dont plusieurs officiers.
Nous les désarmons, et je vous
assure que mon fusil aidant, ils comprenaient fort bien le peu d'allemand que je sais.
Ils nous donnèrent tout ; couteaux, armes, porte-monnaie, cigares, etc, et levèrent les
bras en l'air en criant "camarades".
J'ai visité la cabane d'un officier supérieur où il y
avait téléphone, lit, et accrochée à un râtelier, une superbe pipe que j'ai fourrée dans
ma poche.
Malheureusement, je l'ai perdue depuis.
J'ai désarmé le propriétaire de la
maison et ai gardé son revolver ancien modèle avec cartouches à broche, mais je
voudrais quand même le conserver, car c'est moi même qui l'ai pris.
J'ai aussi un
poignard, je tacherai de vous faire parvenir tout cela si je le peux.
Pendant ces visites,
deux de mes camarades ont été blessés et j'ai essuyé un coup de revolver (celui que je
possède) mais il m'a manqué.
Après avoir débarrassé la tranchée, nous avons suivi le boyau boche, et sommes allés
jusqu'à la route de Béthune où nous nous sommes mis de suite à creuser des
tranchées.
Nous y avons travaillé toute la nuit en première ligne.
Le lendemain lundi,
les boches ont essayé une contre attaque.
Il s'est produit une petite panique dans un
nouveau régiment, et nous qui étions en train de travailler à confectionner une sape,
nous avons été appelés en urgence, moi sans équipement ni sac, pour repartir
directement à l'assaut.
J'avais pour toute arme à cet instant, un mousqueton qui ne
marchait pas, et mon revolver.
Heureusement, la première ligne a tenu bon, et le
canon de 75 aidant, les boches eurent vite fait de regagner leurs tranchées.
Depuis.
»
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