Lettre de Descartes à Balzac (15 mai 1631).Commentaire
Publié le 15/02/2012
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Quelque accomplie que puisse être une maison des champs, il y manque toujours une infinité de commodités, qui ne se trouvent que dans les villes ; et la solitude même qu'on y espère, ne s'y rencontre jamais toute parfaite. Je veux bien que vous y trouviez un canal, qui fasse rêver les plus grands parleurs, et une vallée si solitaire, qu'elle puisse leur inspirer du transport et de la joie ; mais malaisément se peut-il faire, que vous n'ayez aussi quantité de petits voisins, qui vous vont quelquefois importuner, et de qui les visites sont encore plus incommodes que celles que vous recevez à Paris ; au lieu qu'en cette grande ville où je suis, n'y ayant aucun homme, excepté moi, qui n'exerce la marchandise, chacun y est tellement attentif à son profit, que j'y pourrais demeurer toute ma vie sans être jamais vu de personne. Je me vais promener tous les jours parmi la confusion d'un grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous sauriez faire dans vos allées, et je n'y considère pas autrement les hommes que j'y vois, que je ferais les arbres qui se rencontrent en vos forêts, ou les animaux qui y paissent. Le bruit même de leur tracas n'interrompt pas plus mes rêveries, que ferait celui de quelque ruisseau. Que si je fais quelquefois réflexion sur leurs actions, j'en reçois le même plaisir, que vous feriez de voir les paysans qui cultivent vos campagnes ; car je vois que tout leur travail sert à embellir le lieu de ma demeure, et à faire que je n'y aie manque d'aucune chose.
Introduction. Circonstances de la Lettre. - Balzac venait de composer son premier ouvrage de longue haleine : le Prince. Le succès avait été médiocre. Première déception! En outre, dans une lettre à Richelieu, le « grand Epistolier avait fait allusion aux démêlés du ministre avec la Reine-Mère. Le Cardinal gronda. Deuxième sujet de mécontentement. Balzac résolut alors de quitter Paris, et même de s'enfermer dans un monastère; Il s'en ouvrit à Descartes. Celui-ci, réfugié à Amsterdam depuis 1629, engagea son correspondant à l'y rejoindre. Il préféra se retirer dans sa terre de Balzac....

«
Cette grande Mlle oa je suis...
(9) Cette lettre, si elle nous y aide peu, nous
invite a nous representer Amsterdam an temps de Descartes.
-
C'est le grand port, oft affluent tons les produits exotiques.
Par hides, an
xvue siècle, on entend aussi bien I'Inde (aujourd'hui anglaise), que les Indes
neerlauduises et les Indes occidentales rn (Amerique).,Ites importations cl'Arns-
terda proviennent du monde miller.
Marins intrepides, negociants =avises
forment le gros de Ia population en ce port qui, en depit de l'interminable guerre contre l'Espagne, est en train de devenir le premier du continent et
le deviendra a 1a, paix de Westphalie.
Dans cette vile commercante, chacun court a ses affaires sans Inquieter d'autrui.
C'est la vine pittoresque, aux canaux innombrables, la « Venise du Nord »,
dont les peintres ont fixe pour toujours la physionornie.
Dans les eaux de
ses bassins ou de ses voies liquides se mirent des forks de mats, les pignons
en escalier des maisons, les fleches gothiques des eglises, les hardis beffrois,
les poets qui, d'un bond, franchissent les rues.
C'est la vine des drapiers
cossus, dont les syndics vivront dans la memoire des siecles, taut qu'il y
aura sur terre des hommes capables 'admirer.
C'est la cite des gardes
civiques, groupes tantot autour du drapeau, tented autour des cruches re-
bondies; des beaux soldats, dont le chef frise s'adorne d'un vaste chapeau
a plumes; des officiers richement costumes, portant, sur le velours sombre,
echarpes de sole, galons et torsades, chaines brillantes, boutons ouvres, j
chefs -d'oeuvre de joaillerie.
C'est la patrie des fins tissus et des dentelles
delicates, des < fraises », des t collerettes » tuyautees, du tinge immacule,
le centre de la coquetterie masculine, oil les toilettes des hommes l'emportent
en luxe sur celles des femmes.
C'est la Mlle intellectuelle et artiste.
Un petit nombre de penseurs, de
chercheurs, comme Descartes, attires par Patmosphere de liberte et ale secu-
rite qui regne dans cette capitale en pleine prosperite, y ont fixe leur de-
meure, y poursuivent en paix, a l'abri des investigations, des vexations, des
mesquines tracasseries de la Sorbonne, de Richelieu, de l'Inquisition, leurs travaux scientifiques, leurs s reveries » philosophiques et y font imprimer
clandestinement leurs ouvrages.
(C'est a Leyde, toutefois, que parut le Dis-
cours de la Methode, en 1637.) Noyes parmi les cosmopolites du negoce,
vivent les cosmopolites de la pensee.
Its trouvent a Amsterdam de precieuses
ressources : bibliotheques et collections - que Descartes designe ici sous le
nom de (t curiosites » -,,dans les opulentes demeures, largement ouvertes,
des patriciens millionnaires.
Ceux-ci sont en meme temps protecteurs des
arts; et Descartes - qui se fait peindre par Franz Hals - ne manque pas,
en cette armee 1631, Waller admirer un tableau devant lequel defile la capi-
tale : la Legon d'Anatomie, de Rembrandt, alors age de 25 ans.
C'est enfin Ia vi lie confortable et plantureuse.
Logement, nourriture, elle
offre a ses habitants, a ses hetes, toutes les a commodites ».
A travers quel-
ques mots et expressions de Descartes, on devine les logis propres et cossus,
les cuisinieres aux bras robustes, aux poitrines puissantes, parmi leurs cuivres luisants, entourees de ces a natures mortes » qui pullulent main-
tenant dans tous les musees de l'Europe et qui out eta peintes, en grand
nombre, la-bas, au pays des tulipes et des moulins it vent.
On entrevoit, sans
forcer l'imagination, les tables chargees de mets substantiels et de pyramides
de fruits, de vaisselle luxueuse et de flacons rubieonds, en cristal tattle; et,
a l'entour, des faces rejouies, entuminees refletant, comme les trognes de
Teniers, une gaiete un peu lourde.
Enfin, dans le coin, le poele » de
faience, monumental, aupres duquel, durant les longues soirees d'hiver, on se blottit pour s'adonner aux « reveries » profondes...
...Un grand potpie...
(12) Certains commentateurs pensent que t grand
est mis ici pour.
»
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