L'Etranger de Camus: Un roman contre la peine de mort ?
Publié le 22/11/2012
Extrait du document
Le jeu des métaphores, le souffle de la prose poétique
imposent l'impossible: c'est bien le soleil qui arme
la main de Meursault, c'est bien l'insupportable chaleur
qu'il cherche à repousser loin de lui, ce sont les éléments
qui conspirent pour qu'éclate le drame. Meursault
est la victime d'une sorte de conjuration cosmique
et lorsque «le bruit à la fois sec et assourdissant« de la
détonation fait de lui un coupable aux yeux de la loi, il
n'en cesse pas pour autant d'être à nos yeux innocent
du crime pour lequel il va être condamné.
«
Analyses et ;ynthèses 1 63
Camus, notons-le, n'a pas voulu que L'Etranger soit
simplement le récit
d'une erreur judiciaire.
Il a fait de
Meursault un coupable.
Pourtant,
quand nous lisons L'Etranger, pas un ins
tant nous
ne nous sentons prêts à condamner Meur
sault.
Nous oublions la victime
et notre sympathie va
tout entière à l'assassin.
La raison en est que ce crime, paradoxalement, n'est
pas l'œuvre
d'un criminel.
Aucun des motifs classiques
en ce genre de drame -passion, intérêt, perversité,
colère, etc.
-ne
peut être ici invoqué.
Meursault, tel
que Camus nous le présente, est comme absent
de son
propre geste.
Il est l'agent plutôt
que l'auteur de son
acte.
La responsabilité de celui-ci ne lui appartient pas.
Pour les jurés, il est facile, comme on le verra, de
rétablir une forme vraisemblable de causalité qui en
traînera la condamnation de Meursault : celui-ci est
coupable d'avoir assassiné, de sang-froid
et après avoir
prémédité son geste, un
Arabe; il a agi ainsi dans
l'intérêt de son ami Raymond, un individu
à la réputa
tion très louche.
Mais,
pour nous qui savons le drame véritable qui
s'est
joué dans la conscience du personnage de Camus,
une telle interprétation ne tient pas : nous savons que
c'est, sans l'intention de
s'en servir que Meursault a mis
dans sa poche
le revolver de Raymond, nous savons
que c'est bien
par hasard qu'il est retourné sur la plage,
nous savons enfin
que c'est, comme il l'affirme devant
le tribunal,
«à cause du soleil» que Meursault a tiré.
Si on la juge à l'aune de la vraisemblance psychologi
que
ou des conventions du roman policier, il va de soi
qu'une telle explication ne tient pas un instant : on ne
tue pas
«à cause du soleil».
Mais tout l'art de Camus
dans les superbes pages qui concluent la première.
»
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