Les voyages de Gulliver
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
Jonathan Swift (1667-1745) publie Les Voyages de Gulliver en 1726. Cette oeuvre mondialement connue demeure une excellente satire des maux et de la corruption de la société. Ce livre connaîtra un succès éclatant auprès d'un public très varié.
«
"-
lES LUMIÈRES BRITANNIQUES
« Effet pitoyable de l'ignorance
d'un prince
sans éducation »
Dans la vue de gagner les bonnes grâ
ces de Sa Majesté, je lui donnai avis
d'une découverte faite depuis trois ou
quatre cents ans, qui était une certaine poudre
noire qu'une seule étincelle pouvait allumer en
un instant, de telle manière qu'elle était capable
de faire sauter en l'air des montagnes avec un
bruit
et un fracas plus grand que celui du ton
nerre; qu'une petite quantité de cette poudre
étant mise dans un
tube de bronze ou de fer,
selon sa grosseur, poussait une balle de plomb
ou un boulet de fer avec une si grande violence
et tant de vitesse, que rien n'était capable de
soutenir
sa force; que les boulets ainsi poussés
et chassés d'un tube de fonte par l'inflammation
de cette petite poudre, rompaient, renversaient,
culbutaient les bataillons et les escadrons,
abattaient les plus fortes murailles, faisaient
sauter les plus grosses tours, coulaient à fond
les plus gros vaisseaux; que cette poudre mise
dans
un globe de fer lancé avec une machine,
brûlait
et écrasait les maisons et jetait de tous
côtés des éclats qui foudroyaient tout ce qui
se rencontrait; que je savais la composition de
cette poudre merveilleuse où
il n'entrait que
des choses communes
et à bon marché, et que
je
pourrais apprendre le même secret à ses
sujets, si Sa Majesté le voulait ; que par le moyen
de cette poudre, Sa Majesté briserait les
murailles de la plus forte ville de son royaume,
si elle
se soulevait jamais et osait lui résister;
que je lui offrais ce petit présent comme un
léger tribut de ma reconnaissance.
Le roi, frappé de la description que je lui avais
faite des effets terribles
de ma poudre, parais
sait ne pouvoir comprendre comment un insecte
impuissant, faible, vil, rampant, avait imaginé
une chose effroyable.
[ ...
]Il protesta que,
quoi
que rien ne lui fit plus de plaisir que les nou
velles découvertes, soit dans la nature, soit
dans les arts,
il aimerait mieux perdre sa cou
ronne que faire usage d'un si funeste secret,
dont
il me défendit sous peine de la vie, de faire
part à aucun de ses sujets : effet pitoyable de
l'ignorance et des bornes de l'esprit d'un prince
sans éducation.
Ce monarque, orné de toutes
les qualités qui gagnent la vénération, l'amour
et l'estime des peuples, d'un esprit fort
et péné- trant,
d'une grande
sagesse, d'une profonde
science, doué
de talents admirables pour le
gouvernement, presque adoré
de son peuple,
se trouve sottement gêné par un scrupule exces
sif et bizarre dont nous n'avons jamais eu l'idée
en Europe,
et laisse échapper une occasion
qu'on lui met entre les mains
de se rendre le
maitre absolu de la vie, de la liberté, et des biens
de tous ses sujets! Je ne dis pas ceci dans
l'in
tention de rabaisser les vertus et les lumières
de ce prince, auquel je n'ignore pas que ce récit
fera tort dans l'esprit d'un lecteur anglais; mais
je m'assure que ce défaut ne venait que
d'igno
rance, ces peuples n'ayant pas encore réduit la
politique en art, comme nos esprits sublimes
de l'Europe.
Car il me souvient que, dans un entretien que
j'eus un jour avec le roi
sur ce que je lui avais
dit par hasard qu'il y avait parmi nous un grand
nombre de volumes écrits
sur l'art du gouver
nement, Sa Majesté en conçut une opinion très
basse de notre esprit,
et ajouta qu'il méprisait
et détestait tout mystère, tout raffinement et
toute intrigue dans les procédés d'un prince ou
d'un ministre d'État.
Il ne pouvait comprendre
ce que je voulais dire
par les secrets du cabinet.
Pour lui, il renfermait la science de gouverner
dans des bornes très étroites, la réduisant au
sens commun,
à la raison, à la justice, à la dou
ceur, à la prompte décision des affaires civiles
et criminelles.
LES VOYAGES DE GULL/VER (1726), « VOYAGE À BROBDINGNAG », TRADUIT (LIBREMENT) PAR fABBÉ PIERRE-FRANÇOIS GUYOT DESFONTAINES (1727).
Swift
ilmlolil .....
>C .....
.....
.....
_.
Le Point Hors-série no 26 Les textes fondamentaux 43.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le personnage de GULLIVER. Narrateur des Voyages de Gulliver
- Voyages de Gulliver, les [Jonathan Swift] - Fiche de lecture.
- Swift, les Voyages de Gulliver (extrait).
- Voyages de Gulliver, les [Jonathan Swift] - fiche de lecture.
- Lecture analytique : Les Voyages de Gulliver - Swift