Les Thèmes du mariage et de l'amour dans les fables de La Fontaine
Publié le 22/05/2014
Extrait du document
«
Sans quelque valable excuse,
Ce n'est pas comme on en use
Avec des divinités,
Surtout quand ce sont de celles
Que la qualité de belles
Fait reines des volontés.
Car afin que l'on le sache,
C'est Sillery qui s'attache
A vouloir que de nouveau,
Sire Loup, Sire Corbeau
Chez moi se parlent en rime.
Qui dit Sillery dit tout ;
Peu de gens en leur estime
Lui refusent le haut bout;
Comment le pourrait-on faire ?
Pour venir à notre affaire,
Mes contes à son avis
Sont obscurs ; les beaux esprits
N'entendent pas toute chose :
Faisons donc quelques récits
Qu'elle déchiffre sans glose.
Amenons des Bergers et puis nous
rimerons
Ce que disent entre eux les Loups et les
Moutons.
Tircis disait un jour à la jeune Amarante :
Ah ! si vous connaissiez comme moi
certain mal
Qui nous plaît et qui nous
enchante !
Il n'est bien sous le ciel qui vous parût égal
:
Souffrez qu'on vous le
communique ;
Croyez-moi ; n'ayez point de peur
:
Voudrais-je vous tromper, vous pour qui je
me pique
Des plus doux sentiments que puisse avoir
un cœur ?
Amarante aussitôt réplique :
Comment l'appelez-vous, ce mal ? quel est
son nom ?
L'amour.
Ce mot est beau : dites-moi quelques marques A quoi je le pourrai connaître : que sent- on ? Des peines près de qui le plaisir des Monarques Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plaît Toute seule en une forêt. Se mire-t-on près un rivage ? Ce n'est pas soi qu'on voit, on ne voit qu'une image Qui sans cesse revient et qui suit en tous lieux : Pour tout le reste on est sans yeux. Il est un Berger du village Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir : On soupire à son souvenir : On ne sait pas pourquoi ; cependant on soupire ; On a peur de le voir, encor qu'on le désire. Amarante dit à l'instant : Oh ! oh ! c'est là ce mal que vous me prêchez tant ? Il ne m'est pas nouveau : je pense le connaître. Tircis à son but croyait être, Quand la belle ajouta : Voilà tout justement Ce que je sens pour Clidamant. L'autre pensa mourir de dépit et de honte. Il est force gens comme lui Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte, Et qui font le marché d'autrui.. »
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